01/01/2012 - 02/01/2012 | DemysTEAfication

31 janvier 2012

Deishi Shibuya : Du Chawan au Guinomi

Voici une petite incursion dans le monde de Deishi Shibuya et du style Hagi. Tout d'abord, un peu de vocabulaire, valable pour tous les styles de céramique japonaise, par ailleurs :

Chawan : bol à thé
Yunomi : tasse à thé
Guinomi : coupe à sake

Tout cela, du plus grand au plus petit ...

hagi yaki

On remarque tout de suite comme un air de famille, le plus petit étant la copie presque conforme du plus grand. De fait, le soin apporté aux différentes pièces semble le même et l'on retrouve les mêmes techniques d'exécution :

Hagi Yaki

Pour ceux qui voudraient se lancer dans la collection de céramiques, l'acquisition de guinomi est un peu moins coûteux, permet de voir de près les multiples déclinaisons engendrées par un style ou un artiste ...

Hagi Yaki

... et de tenir un chawan miniature entre ses mains. Toutes les glaçures sont réutilisées, même les plus fragiles, comme celle qu'arbore le guinomi au centre de la photo ci-dessus et qui est le résultat d'une réaction chimique en oxydation entre la glaçure et l'argile sur laquelle elle est appliquée. Enfin, si d'aventure on n'apprécie pas le sake, les guinomi sont de taille idéale pour le gong fu cha et remplaçent avec bénéfice les coupes de porcelaine.

29 janvier 2012

Galette Pu Erh " Terre de Chine " 2011

thé en galette

Ce billet est un peu la suite du précédent, puisqu'il concerne un autre millésime de la même série ( Lin Cang "théiers de 50 à 80 ans" ), celui de 2011. La galette pèse 200 grammes et elle est mise en vente au prix de 28 €. La compression a aussi été réalisée mécaniquement ici, mais semble un peu plus forte, car les feuilles se détachent avec un peu plus de peine et l'attaque du pic se fait plus difficilement.

pu erh terre de chine

pu erh terre de chine

pu erh terre de chine

La galette sent le cuir et la fumée. Pour la liqueur, c'est d'abord la fumée de feu de bois qui se dégage, puis le jambon fumé. Après un rinçage, la liqueur de la première infusion et de celles qui suivront est extrêmement pâle.

thé infusé

En bouche, le jambon fumé ressort, ainsi que l'orange amère, du fait d'une astringence assez forte. Tout cela s'estompe peu à peu pour laisser la place au raisin blanc frais, note qui reste relativement longtemps sur le palais.

Les feuilles sont en majorité assez petites, avec quelques bourgeons et quelques feuilles encore roulées sur elles-mêmes. Il y a aussi quelques tiges assez fines et de grandes feuilles cassées. La cueillette semble avoir été faite de façon aussi diverse, du fait de la présence d'un côté de bourgeons seuls et de l'autre de trois feuilles ensembles sur la même tige ( peut être un signe de mélange ? ).

infusion de thé

pu erh infusé

Si je préfère le millésime 2008 à celui-ci, le 2011 a peut être plus de potentiel de vieillissement car ses arômes sont très francs avec une bonne longueur en bouche. La diminution de l'astringence devrait normalement les accentuer, mais elle est pour le moment trop fortement présente.

28 janvier 2012

Galette Pu Erh " Terre de Chine " 2008


galette de pu erh

Voici un bref aperçu d'une des galettes d'un "lot" acheté récemment. Comme d'autres comptoirs, Terre de Chine fait donc presser ses propres galettes. La présente galette est originaire de Lin Cang et récoltée sur des "théiers âgés de 50 à 80 ans" et est mise en vente au prix de 36 €. La compression n'a pas l'air d'avoir été trop forte, bien qu'elle a été réalisée mécaniquement.

pu erh terre de chine

pu erh terre de chine

pu erh terre de chine

La galette pèse 200 grammes et les feuilles se détachent assez facilement. Au nez, on peut distinguer une odeur de cuir très présente et une légère odeur de tabac. Après un rinçage, la liqueur obtenue est d'une couleur jaune paille ( un peu claire peu être ? ), caractéristique des Pu Erh Sheng, du moins quand ils sont jeunes.

pu erh terre de chine

En bouche, on sent le cuir, la légère note de tabac ainsi qu'une légère astringence. On sent également une petite pointe de fumée d'aiguilles de sapin mis à brûler, un peu étrange ici, mais pas déplaisante pour autant. Viennent ensuite des notes florales et une touche de vanille, toutes deux assez légères. La vague de cuir s'atténue légèrement et l'astringence va elle en s'arrondissant. Si le cuir persiste tout du long, il laisse la place aux fleurs qui sont, elles, un peu plus soutenues qu'au départ, ou peut être moins masquées.

Le thé est constitué de feuilles de taille moyenne, entières ou parfois cassées en deux. On pourra également noter la présence de bourgeons de diverses taille. Enfin, s'il y a quelques brindilles, celles-ci sont relativement éparses et fines.

thé pu erh

thé en galette

En conclusion, une bonne longueur en bouche de fleurs qui disparaissent progressivement pour laisser la place aux raisins blanc, secs et sucrés.

Kyoyaki ou le style de Kyoto


kyoto

Le terme Kyoyaki est un terme général, qui désigne toutes les céramiques et les porcelaines produites à Kyoto, en particulier autour du temple de Kyomizu et dont le décor est constitué par une peinture en émail posée par-dessus la glaçure qui recouvre la pièce. Les céramiques de Kyoto qui ne contiennent pas de Kaolin ( qui donne la porcelaine ) sont des grès, donc cuits à haute température. Elles ne sont pas montées à la main, mais montées au tour, ce qui leur donne des formes parfaitement régulières. De plus, leurs bords sont assez fins.

navet sur ceramique

L'origine des céramiques dans le style de Kyoto remonte au milieu du 17ème siècle et est marqué à ses débuts par les oeuvres de Ninsei Nonomura ( 1574 à 1598 - 1660 à 1666 ) puis par celles de Kenzan Ogata ( 1663 - 1743 ). Il s'agit de deux maîtres, que l'on peux considérer comme les fondateurs du style Kyoyaki. Ce style connaitra encore un grand maître à l'ère Edo, avec les oeuvres de Aoki Mokubei ( 1767 - 1833 ). Ces trois potiers sont les trois grands maîtres du style.

bol à thé japonais

Le style de Kyoto est, dans son esprit, à l'opposé du wabi-sabi ( sobriété et beauté des choses imparfaites ). Il s'agit de pièces aux contours parfaits, extrêmement rafinées. Les décors à l'émail étant posés par-dessus une couverte de base, cela crée un léger effet de relief . On notera également que les techniques de décoration utilisées sont directement empruntées aux laqueurs. Il est d'ailleurs dit que Ninsei Nonomura aurait requis les services de laqueurs pour décorer les pièces qu'il avait tournées. On parle donc de Kirei-sabi ( beauté rafinée ) pour qualifier ces céramiques au décor parfois très chargé mais toujours soigneusement pensé et exécuté. Le Kyoyaki enfin, du fait de sa particularité qui réside dans son décor, n'est pas resté un style figé et a su englober des motifs contemporains, modernes ou encore humoristiques, mais toujours avec un parfait soin dans leur exécution.

chawan coq et poule

27 janvier 2012

Avec ou sans String ?

Cela fait joli, cela fait raffiné et ajoute une petite touche de "je ne sais quoi" à votre théière ... je parle bien sûr de ce petit morceau de ficelle tressée reliant le couvercle à l'anse de votre théière.

string ficelle

Au premier abord, il n'y a que des avantages : le couvercle ne risque pas de choir, on peut même appuyer le doigt sur la ficelle quand on verse pour ne pas se brûler, ..., bref, que des avantages ...

... sauf qu'une fois la théière vide et qu'il faut remettre de l'eau, le bouton est plus malaisé à saisir, la ficelle trop courte gêne la trajectoire de sortie du couvercle et oblige a tenir celui-ci plus longtemps que nécessaire. Cela n'est rien, me direz-vous, et en effet, cela pourrait paraître anodin si la théière ne servait pas à l'infusion de Pu Erh, avec une température d'infusion frôlant le point d'ébullition de cinq petits degrés ... et avec une théière qui conserve un bon moment à l'identique la chaleur emmagasinée, même une fois vide ...

... résultat : on se crâme le bout des doigts ... mais surtout, pas question de lâcher ... car la diabolique ficelle, entraînant un mouvement de rotation du couvercle, concourrait à fracasser celui-ci sur le corps du pot qu'il coiffe ... et il vaut donc mieux sacrifier un peu de son épiderme et résister tant bien que mal à l'envie irrépressible et instinctive de tout lâcher ...

... mais qu'à cela ne tienne, je coupe, pour ma part, cette tresse du diable ... 

26 janvier 2012

Galette Meng Song Printemps 2010


galette de pu erh de la maison des trois thés

Voici une galette produite par et pour la célèbre Maison des Trois Thés, qui porte le numéro 78 sur leur carte. Outre la mention "théier séculaire", qui laisse entendre que cette galette est issue de théiers vieux d'au moins cent ans, on trouve également un numéro de tirage, chaque galette de cette série étant numérotée. A en croire l'emballage de protection, le nombre de galettes a été limité à 336 exemplaires.

Une odeur typique de fruits confits se fait sentir à travers l'emballage même de la galette. La galette est "compressée en moule en pierre", mais de façon mécanique tout de même visiblement. La galette est relativement compressée vers le centre, mais moins sur les bords.

la maison des trois thés

galette meng song

maison des trois thés

Les notes de fruits confits et de raisin viennent au nez comme en bouche. Une légère astringence se fait sentir en bouche, avec une pointe d'acidité, mais sans être désagréable, ce qui donne une liqueur assez ronde d'un joli jaune paille.

maison des trois thés
Les feuilles qui composent la galette sont de bonne taille et relativement entières. On notera la présence de bourgeons seuls, de bourgeons avec deux feuilles et de ce qui doit être la troisième ou quatrième feuille après le bourgeon, seules. On trouve aussi des brindilles qui retenaient quatre feuilles avant pressage.

maison des trois thés

place monge

pu erh

Un rinçage suffit et une dizaine d'infusions suivent ( toujours selon ma bonne vieille méthode ). On pourra doser plus léger, ce qui devrait faire disparaître l'astringence presque totalement et qui en fera un produit qui a du corps sans pour autant être trop agressif pour un jeune Sheng Cha.

25 janvier 2012

Bourgeons de Puerh 2006 " Palais des Thés "

Voici un espèce d'ovni dans le monde des "grands comptoirs", qui ne proposent pas d'habitude ce genre de produit peu porteur ( on lira avec le plus grand des bénéfices ceci et surtout cela pour en savoir plus ) dans un gamme somme toute assez peu représentée sur leur carte : des bourgeons de Puerh, millésime 2006, origine : Yunnan, distribution par le Palais des Thés, au prix de 30 € / 100 g.

Bien que cette référence ne soit plus inscrite sur le tarif officiel valable au 1er septembre 2011 et que l'on ne le trouve plus sur leur site de vente en ligne http://www.palaisdesthes.com/fr, des boutiques du groupe continuent encore à le vendre deci delà.

palais des thés


Les bourgeons sont de tailles variées mais il n'y a bien, presque exclusivement, que des bourgeons, d'une couleur relativement claire pour un Puerh Shu ( fermenté ).

A l'ouverture du paquet hermétique, une odeur désagréable de saumon saute en premier au nez. Seule solution trouvée pour l'éliminer, le stockage dans une petite jarre en porcelaine ... au bout d'un jour ou deux, l'odeur à totalement disparue pour laisser la place, au nez, à une odeur assez douce de feuilles, de sous-bois et de caramel.

Après un rinçage rapide ( un second serait peut être nécessaire ), une dizaine d'infusions, très courtes au départ, plus longues à partir de la cinquième ( avec un dosage "costaud" : petite Xishi en Duanni de 15 cl remplie à moitié de thé avant rinçage ). On obtient une liqueur couleur caramel foncé, mais pas aussi foncée que celle que l'on obtient habituellement avec les Puerh cuits.

palais des thés

En bouche, se développe des odeurs d'humus, de feuilles humides , de sous-bois par un temps de pluie. On ne ressent que vraiment très peu d'amertume et à aucun moment on ne vient l'odeur de cave inondée.

A partir de la 6ème infusion, une légère pointe d'orange amère se fait jour, ainsi qu'un goût de fruits confits toujours cachés derrière un rideau forestier cependant. Arrivée à la dixième infusion, tout disparaît pour ne laisser que la présence de l'humus, plus léger.


palais des thés


palais des thés

En conclusion, un produit peu courant et assez fin, mais dont on attend un peu plus, notamment au vu de son prix. Ce produit pourra peut être se bonifier avec le temps et perdre un peu de ce goût d'humus pour que les arômes qui se cachent derrière puissent se révéler un peu mieux ?

23 janvier 2012

The temple of Doom


temple of doom

Je commence ici un nouveau volet ( à venir sous peu ) d'une façon un peu spéciale, la mienne, car tout cheminement sur le Chado est d'abord un cheminement personnel, car trop lié au goût, même dans un blog sur le thé.

L'apprentissage, dans tous les domaines est en partie faite d'erreurs, de choix, bon ou mauvais. Il en va de même pour le thé, et il faut avoir bu de mauvais thés, non pas pour apprécier d'excellents thés, ce que tout un chacun peut faire ( quoi que là, il subsiste un doute, comme j'ai pu souvent le constater ), mais pour essayer d'appréhender ce que des thés "moyens" peuvent apporter.

Tel l'aventurier-archéologue perdu au milieu de la jungle, je jure donc de boire les pires lavasses ( cependant, pas de thés en sachets, il ne faut pas exagérer non plus, et pas de thés aromatisés, pas parce que je n'aime pas çà ), non par choix, mais parce que l'offre pléthorique qui s'offre à tous engendre forcément beaucoup de "déchets" dès lors que l'on veut sortir des sentiers battus pour essayer, avec de minces chances, de trouver un hypothétique trésor ...

du thé en sachet lipton
"Ici, vous trouverez les meilleurs thés, de tous les types, et à moindre prix ... ailleurs, ce qu'ils proposent ce sont de mauvais thés et en plus ils sont chers, de vrais escrocs ... ici, vous pouvez avoir confiance"
Bien sûr, je goûterais aussi ce que l'on trouve sur les sentiers fréquentés et connus, parce que la voie du thé ne doit pas non plus se transformer en chemin de croix.
 
le thé et la vie
Always look on the bright side of live !

過年好 - guonian hao - Bon passage de l'année

Nous voici dans l'année du Dragon d'eau ... espérons que cela est de bonne augure pour le thé et que ce nouvel an lunaire arrosera nos galettes et nos vracs de la meilleure eau !

Maintenant, Long, Ryu, ou Yong, qu'il soit aussi favorable aux récoltes à venir de nos thés préférés, quels qu'ils soient.

Un Long Jing s'impose pour bien la commencer, non ? Car celui-ci, pas besoin d'être un empereur pour en avoir un dans sa tasse !

fontaine japonaise

22 janvier 2012

Razzia sur la chnouf

Incursion rapide chez Terre de Chine ( http://www.terredechine.com/ ) au 49 de la rue Quincampoix à Paris qui se traduit par une razzia sur les galettes aux millésimes récents de Pu Erh Sheng Cha ( Pu Erh crus ) de la maison et par un allègement proportionnel de l'épaisseur mon porte-monnaie. Mais voilà cinq belles galettes de 200 grammes chacune.

terre de chine
De gauche à droite et de haut en bas : 2009, Lin Cang, "théiers vieux de 500 ans" - 2010, Lin Cang "théiers vieux de 50 à 80 ans" - 2009, Lin Cang, "théiers vieux de 50 à 80 ans" - 2011, Lin Cang, "théiers vieux de 50 à 80 ans" - 2008, Lin Cang, "théiers vieux de 50 à 80 ans"
Autres effets par ailleurs, des posts à venir sur la maison en elle-même dès que j'y serai retourné ( ce qui ne saurait tarder ), une dégustation de la galette 2008 et une belle insomnie ( qui a dit que le Pu Erh était pauvre en théine ? ) pas désagreable car productive et malgré la nuit très courte ( couché à 4 heures du matin et levé à 6 heures 30 ), je suis en pleine forme ... il faudra que je reprenne un peu de chnouf plus tard pour tenir ... mais pour l'instant, à 9 heures, je tiens toujours et je n'ai rien repris ...

20 janvier 2012

Un monument méconnu : Le Cha Jing ou classique du thé de Lu Yu

Ma version  du Le Cha Jing ou classique du thé par Lu Yu, a été publiée aux éditions Jean-Claude Gawsewitch en 2004. La traduction du Chinois classique a été faite par Véronique Chevaleyre.

Lu Yu

Cet ouvrage, aurait été rédigé entre 760 et 780 et serait le premier ouvrage consacré au thé ou du moins le plus ancien qui soit parvenu jusqu’à nous. Bien que beaucoup de monde parle de cet ouvrage, les quelques relations que j’ai pu en trouver  ne semblent pas vraiment avoir saisi la part due à Lu Yu et la part due à d’autres auteurs, car les morceaux de textes cités que j’ai pu trouver deci delà sur le net sont des extraits des passages d’autres auteurs compilés par Lu Yu dans son propre ouvrage.

L’ouvrage de Lu Yu est peu utile au buveur de thé actuel, car trop daté et trop emprunt d’ésotérisme et de croyances ou superstitions diverses par moments, mais il nous renseigne cependant sur les modes de consommation du thé à son époque, qui varient parfois totalement des nôtres, comme le fait de ne pas utiliser alors de porcelaine blanche pour boire le thé. A contrario, le point numéro 5, par contre peut se révéler utile et nous montre que dans quelques domaines qui y sont abordés, les goûts n’ont que peu, voire pas, évolués. L’ouvrage n’en reste pas moins étonnant par moments et se lit aisément.

Mais parlons maintenant de l’ouvrage en lui-même. Lu Yu commence par un préambule où il décrit le but de son ouvrage, à savoir «  décrire […] tout ce qui touche au thé, des Zhou jusqu’à aujourd’hui », puis où il fait une sorte de sommaire de son ouvrage et où il souligne les points les plus importants de son ouvrage, à savoir « l’origine du thé, la façon de la fabriquer, de disposer des récipients,les techniques de préparation ainsi que les effets sur la santé », comme la faculté de guérir la lèpre. Il regrette enfin de ne pas avoir pu mettre son texte sous forme de poème ( Fu ), sorte de façon de s’excuser par avance de ne pas coller à un canon d’écriture alors en vogue.

Volume premier :

1 : Les origines

Ici, l’auteur parle de l’étymologie du mot thé et les caractères employés selon telle ou telle source plus ancienne. Viens ensuite la mention de toutes les appellations du thé en fonction de ses origines géographique et des périodes de récolte. Lu Yu établit ensuite une hiérarchie des meilleurs sols de culture : tout d’abord les sols rocheux, puis les sols de graviers et enfin les sols argileux, les moins bons. Selon lui, la culture des théiers se fait par transplantation et les théiers sauvages donnent de meilleures feuilles que les théiers cultivés et il déclare qu’il faut attendre trois ans après la plantation pour faire la première récolte et que seuls les thés de montagne qui poussent sur l’adret ( côté le plus ensoleillé ) sont consommables. Lu Yu fait ensuite une différenciation des feuilles, les feuilles dites « pousses de bambou » ( les bourgeons je suppose ) étant meilleures que les feuilles « en crocs » et les feuilles roulées meilleures que les plates. La médecine chinoise et l’équilibrage des humeurs reste cependant présente, et l’on apprends que le thé qui pousse dans une vallée ou sur l’ubac ( côté le moins ensoleillé ) d’une montagne ne devra pas être cueilli car « le breuvage obtenu provoquera, en raison de sa nature gelante, la formation de masses dans l’abdomen ».
Il faut également être soigné pour la récolte, la faire au bon moment et ne pas mélanger de mauvaises herbes au thé ce qui est nocif pour la santé. L’auteur insiste sur ce sujet ce qui nous laisse supposer que le problème de mauvaises herbes dans le thé devait être un problème récurrent, et fait un parallèle avec le ginseng, dangereux si de mauvaise qualité, donnant une « idée de la nocivité du thé lorsqu’il n’est pas bon ».

tea addict
Voici une feuille portant les-dits "crocs"

2 : Les ustensiles du traitement des feuilles

L’auteur donne ici les différents noms des paniers à thé ( nom principal : Ying, subdivisions : Lan, Long ou Ju ), puis dresse une liste et une description des autres ustensiles : fourneau ( Du ) à cuire le thé à la vapeur, étuveur ( Zeng ), ainsi que la méthode pour l’utiliser, pilon ( Chu ) pour le broyage, moule en fer ( Gui ou Mo ou encore Quan ) de forme carrée, ronde ou en fleur, du socle ( Cheng ou Tai ) en pierre ou en bois et qui sert de support, du linge ( Yi ou Chan ) pour le pressage, du treillis ( Bili ) pour le séchage et enfin du couteau à piquer ( Qi ) pour perforer les galettes et les placer sur le fouet ( Pu ou Bian, à priori, bâton en bambou où l’on accumule les galettes – comme pour une brochette – ), la fosse de séchage, les liens ( Guan ) pour le séchage et la tonnelle ( Peng ou Zhan ) qui recouvre la fosse, la corde à thé ( Chuan ) et la réserve ( Yu ).

3 : La cueillette

Après l’évocation de l’aspect technique, on l’auteur parle des périodes de récolte, des diversités des types de galettes de thés et de leur aspect, des meilleures au moins bonnes. Là encore, les croyances semblent fortement présentes, les galettes faites la nuit devenant noires et celles faites la journée tirant vers le jaune, à moins que ne soient ici éclairées les lacunes de Lu Yu sur la torréfaction des galettes ou non ?
Nous pouvons cependant en déduire qu’il existait deux types de galettes de thé : les noires ( cuites ? ) et les jaunes ( crues ? ). Quoi qu’il en soit, ce passage illustre la difficulté de comprendre ce que veut exactement dire Lu Yu du fait du manque de détails suffisamment descriptifs.

Volume deuxième :

4 : Les ustensiles de la préparation du thé

Nous avons ici encore une énumération et une description succincte d’ustensiles divers pour préparer le thé bouilli, méthode de préparation en vogue alors. Il y a ainsi le four tripode ( Fenglu ) ou four à vent pour faire bouillir l’eau, la corbeille ( Ju ), le maillet à charbon ( Tanzha ) , les pinces à feu ( Huoce ) pour saisir les braises, la marmite en fonte ( Fu ) ou autres matières, le pose marmite ( Jiaochuang ) et les pinces ( Jia ) pour la cuisson des galettes, la meule ( Nian ) et le plumeau pour ramasser la poudre de thé, qui est passée dans un tamis ( Luo ), mise dans un coffret ( He ) rond en bois ou en bambou avec une cuiller ( Ze ) spéciale. Viennent ensuite le filtre ( Lushuinang ) et sa poche de toile cirée pour son rangement, la calebasse ( Piao ou Xishuo ) réserve à eau, le pot à sel ( Luogui ) rond et en porcelaine, la jauge à sel ( Jie ), le pot à eau chaude ( Shuyu ) en porcelaine ou en poterie et les bols ( Wan ).
Ici, une longue digression est faite sur les bols et la classification des porcelaines en fonction des lieux de production, de la meilleure, en haut du tableau, à la moins bonne :


Ancienne dénomination
Dénomination actuelle
Province actuelle
Type de porcelaine
Yuezhou
Shaoxing
Zhejiang
bleue
Dingzhou
Jingyang
Shaanxi
( bleue ? )
Wuzhou
Jinhua
Zhejiang
( bleue ? )
Yuezhou
Yueyang
Hunan
( bleue ? )
Shouzhou
Ville disparue
Anhui
jaune
Hingzhou
Nanchang
Jiangxi
brune
Xingzhou
Xingtai
Hebei
blanche


Lu Yu attache une attention particulière à la couleur que donne chaque type de porcelaine au thé :
Bleu : le thé rosit
Jaune : le thé vire au pourpre
Brune : le thé devient noir
Blanche : le thé devient rouge

L’auteur insiste lourdement en peu de temps dans le texte ( signe d’une très grande importance donc ) sur le fait que la meilleure couleur de bol est le bleu et qu’il ne faut pas se servir des porcelaines jaunes, brunes et blanches pour boire le thé ! Les bols sont peu profonds, avec des bords évasés

L’énumération continue ensuite avec le panier à bols ( Ben ), la brosse ( Zha ), la cuvette de rinçage ( Difang ) où est conservée l’eau qui a lavé les feuilles, le torchon ( Jin ) en tissu grossier pour essuyer les ustensiles, la desserte ( Julie ) qui est un meuble à étagères et la corbeille pour le service ( Dulan ).

Volume troisième :

5 : La préparation

La torréfaction du thé en galettes est expliquée par le menu : « il faut veiller à ne pas le faire au-dessus de braises exposées au vent » car le thé serait chauffé de manière non uniforme. Il faut approcher les galettes du feu et les tourner sans cesse jusqu’à l’apparition de petites aspérités ; on continue alors à rôtir les galettes à la flamme mais à une distance de 15 cm.

Selon Lu Yu, le charbon de bois est le meilleur combustible et préférable à un feu vif de bois de chauffage. Mais « si les charbons ont servi à faire cuire de la viande et qu’ils en ont gardé l’odeur, qu’ils ont reçu de la graisse de cuisson ou s’ils proviennent de bois huileux, sur lesquels a coulé de l’huile, ou d’ustensiles en bois abîmés », ils sont impropres à la préparation du thé car ils risqueraient d’en fausser le goût.

Le point capital de l’eau suit : « l’eau de source provenant des montagnes est la meilleure, vient ensuite l’eau des fleuves et enfin, l’eau des puits, la moins bonne ». La meilleure eau serait d’ailleurs celle des rivières de la montagne Min ( Min Shan, montagne au nord de Songpan, dans le Sichuan ). Mais là encore, les considérations ésotériques prennent une place importante car «  pour faire bouillir le thé, les meilleures de toutes les eaux sont celles qui ruissellent doucement sur des lits de roches » car « il ne faut pas boire l’eau qui jaillit avec violence dans les torrents ou les cascades » du fait qu’une « consommation prolongée peut entraîner des maladies au cou ». Pareillement, il ne faut pas consommer, dans l’eau des « rivières qui coulent au creux des vallées » celle venant des « poches d’eau où le courant ne circule pas [ car ] toutes sortes de dragons cachés peuvent s’y accumuler et les empoisonner ».

Il y a aussi des conseils de bon sens, comme pour l’eau des fleuves, qu’il faut aller « puiser loin des zones habitées » et « pour l’eau des puits, il faut la prendre là où tout le monde le fait ».

L’auteur parle ensuite des trois stades d’ébullition ( premier : petite bulles en yeux de poissons et son léger, deuxième : perles amassées sur le bords, troisième : l’eau moutonne ) et précise bien que « si l’on continue à chauffer, l’eau n’est plus propre à la consommation » ( Nous savons de nos jours qu’il y a disparition progressive de l’oxygène dans l’eau, ce que les anciens dont Lu Yu ne savaient pas, mais qu’ils avaient compris avec le seul goût de l’eau visiblement ! ).

L’auteur précise que le sel est ajouté au début, suivant la quantité d’eau. Il décrit ensuite la marche à suivre pour faire un thé bouilli : « A la deuxième ébullition, retirez une calebasse d’eau de la marmite et touillez avec la cuiller de bambou. Versez au milieu, au cœur du tourbillon [ ainsi créé ], une mesure de poudre [ de thé ]. Vient un moment où l’ébullition est si forte que les vagues formées par l’eau déferlent ; la vapeur s’élève en gros nuages. Alors renversez dans la casserole [ le contenu de ] la calebasse d’eau que vous aviez puisée au début. Ainsi l’ébullition s’arrêtera tout en préservant l’écume à la surface ».
Il y a trois noms pour la mousse sur le thé : Mo ( peu épaisse ), Bo ( épaisse ) et Hua ( fine et légère ). Il y aurait trois noms pour le thé : Jia ( légèrement sucré par nature ), Chuan ( amer ) et Cha ( amer en bouche puis qui s’adoucit dans la gorge ).

6 : La dégustation

Il s’agit ici de l’histoire du thé en tant que breuvage, qui remonterait à l’empereur légendaire Shennong, qui serait l’inventeur de l’agriculture et qui aurait régné de 2737 à 2697 avant notre ère.
Lu Yu cite ensuite les condiments qui peuvent être ajoutés : ciboule, gingembre, jujubes, zeste de mandarines, clavalier et menthe poivrée, mais n’en pense pas du bien et est contre ces ajouts.

7 : Histoire du thé

Ici, l’auteur recense d’abord toutes les personnes qui ont traité du thé par le passé et dresse l’inventaire des ouvrages anciens qui ont fait de même. Lu Yu cite toutes sortes d’ouvrages, du dictionnaire au récit fantastique. Il mentionne de fait tous les ouvrages qui ne font ne serait-ce qu’une mention succincte du thé. Il nomme donc à la fois ses sources et réalise ici un travail de compilateur, dans un style cher à son époque. Lu Yu s’inscrit ainsi dans la lignée de ses prédécesseurs tout en justifiant par là, la légitimité de son travail.

8 : Lieux de production

Lu Yu réalise ici une classement de la valeur des thés suivant leur lieux précis de production, par région, sans faire de hiérarchie cependant entre les différentes régions mentionnées.

9 : Peut-on se passer des ustensiles ?

Le fouet de bambou, la fosse de séchage, les liens, le panier, la corde à thé et la réserve ne sont pas indispensables. Par contre, les bols, les pinces, la brosse, le pot à eau chaude et le pot à sel sont essentiels. On peut également s’adapter en fonction des ustensiles que ramènent les personnes conviées à prendre le thé. Mais au final, tout dépend de la situation dans laquelle on se trouve et qui prends le thé avec son préparateur, car « aux portes de la demeure royale, si sur les vingt-quatre objets du thé un seul manque, le thé est superflu ».

10 : Illustrations

En guise d’épilogue, Lu Yu invite à recopier son texte, ce qui est un moyen de l’inscrire dans la lignée des grands classiques.

16 janvier 2012

Chashaku : un monde infini

Le terme de chashaku désigne la cuillère utilisée pour doser le matcha. Comme toujours, tout serait simple si nous nous arrêtions là, mais c’est ici que se fait remarquer la multiplicité des formes et des matières et ses significations.

En premier lieu, on peut retenir trois dénominations ou " types " :
  • Shin chashaku
  • Gyo chashaku
  • So chashaku
Pour le type shin, on peut utiliser de l'ivoire, de l'écaille de tortue ou  du bambou, mais sans noeud. Pour le type gyo, on n'utilise que du bambou, avec le noeud placé à la fin du manche. Enfin, le type so chashaku, on peut utiliser une application de laque, du bois brut ou du bambou, mais avec le noeud au milieu du manche.

Pour compliquer encore les choses, chaque type à sa " valeur ", suivant le sens que l'on veut donner à la séance de thé ou suivant les relations entre l'hôte et le ou les invités :
  • Shin : séance formelle
  • Gyo : séance semi formelle
  • So : séance informelle
A partir de là, chaque chashaku peut être la combinaison de multiples formes lors de la procédure de taille : longueur, utilisation des stries naturelles du bambou ou non, forme donnée au bout servant de cuillère, forme donnée au bout servant de manche, forme de taille de la fin du manche ( allant, pour faire vraiment court, de l'arrondi au rectangle ) avec ou sans biseautage, ...

Mais ce n'est pas fini ... vient encore la couleur donnée au bambou, qui multiplie encore les combinaisons possibles, mais en images cette fois-ci, qui parlent d'ailleurs d'elles-mêmes :

Susudake :

Susudake chashaku
Avant foncé

dos de chashaku
Arrière clair
  Shirodake :

chashaku
Avant clair

dos de chashaku
Arrière clair
 Shi mi dake :

chashaku
Avant foncé tirant vers le clair

dos de chashaku
Arrière foncé ou " caramel "
Comme vous l'avez sûrement remarqué par ailleurs, ces trois modèles sont du type So chashaku, du fait de la position du noeud du bambou au milieu du manche.

Arrivé ici, il est simple de constater les multiplicités de formes de ce qui n'est au premier abord qu'une cuillère à doser le matcha ...

... mais c'est ici que tout se complique avec l'arrivée du décor en laque, puits sans fond, porte ouverte sur l'imagination des créateurs ... et ce qui suit n'en est même pas un aperçu, les couleurs de laque utilisées étant nombreuses, tout comme les motifs et leurs emplacements :

ornementation à la laque sur cuillères à matcha

cuillère à matcha

cuillère à matcha

chashaku