DemysTEAfication

7 février 2012

Double Dragon


dragon chinois porcelaine ming
Plat creux ( détail ), règne de Quianlong ( 1736 - 1795 ), Jingdezhen, MNC 10169-557
Pour célébrer l'année du dragon d'eau, le musée ( vivant ) de Sèvres, également appelé Cité de la Céramique, présente actuellement une exposition consacrée au dragon qui « incarne les forces de la nature, tour à tour bienfaisantes et dangereuses, ainsi que le pouvoir impérial ».

musée national de sèvres
Vase ( détail ), règne de Guangxu ( 1875 - 1908 ), Jingdezhen, MNC 10169-937
Cette petite exposition, située immédiatement dans l'entrée du musée ( dans le "carré actualité" ), est l'occasion de pouvoir admirer de près des oeuvres habituellement conservées dans les réserves telle une théière dragon en faïence datée du XVIIIème siècle et réalisée par la Manufacture de sceau, ou de nombreux autres objets venus de Chine et du Japon.

musée de sèvres
Bouteille ( détail ), XVIIIème siècle, Jingdezhen, MNC 10169.34
Si les plus belles pièces sont sans nul doute des porcelaines chinoises bleu et blanc, l'exposition présente aussi des pièces européennes et l'on ne peut que regretter que le musée ne soit pas plus grand et ne dispose pas de plus de place pour exposer plus de pièces à la vue des amateurs. Il est en effet rare de pouvoir admirer des pièces de qualité impériale ou proche de cette qualité et de pouvoir faire des comparaisons iconographiques en ayant de telles pièces l'une à côté de l'autre ... en conclusion, courez vite dans ce musée fort dynamique !

6 février 2012

L'Art de la guerre

"La Voie du samouraï réside dans la mort. Lorsque vient le moment du choix, il n'existe que le choix rapide de la mort." Jôchô Yamamoto, Hagakure, Livre premier.

Le samouraï est versé dans l'art de la mort, c'est-à-dire de donner la mort, mais aussi de la recevoir et de se la donner. Mais le samouraï, du moins celui de rang élevé, est également versé dans l'appréciation des arts, tel que la calligraphie, la poésie, la peinture, ou encore le thé.

Cela se ressent parfois sur l'équipement du guerrier, notamment sur le Katana et en particulier ses montures, où s'exprime l'habilleté de l'artisan, mais où s'expose aussi la personnalité du porteur. Le Tsuba ( la garde du sabre ) est souvent une espace utilisé pour cette expression et il en résulte de multiples formes et motifs, comme sur la pièce appartenant au musée Kiyomizu Sannenzaka à Kyoto, qui présente des accessoires du Chanoyu :


tsuba chanoyu
De gauche à droite : Hishaku ( louche en bambou ), Futaoki ( repose louche ou repose couvercle ), Kama ( bouilloire )

tsuba chanoyu
Ici, on peut voir les Kan ( poignées ) du Kama

Ce tsuba, réalisé par le célèbre Tanaka Kiyotoshi, est enfin une illustration, parmis d'autres, d'un certain raffinement guerrier et de l'influence du thé sur la civilisation japonaise.

4 février 2012

Les changements du Hagi

"Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu" serait une vieille maxime japonaise qui expose une hiérarchie dans le goût du Wabi-sabi : en premier le style Raku, puis le style Hagi et ensuite le style Karatsu ... mais chacun ses goûts, car pour moi, le Hagi est bien mieux que le Raku ...

La ville de Hagi est située en bord de mer, au nord de la préfecture de Yamaguchi, dans la région de Chugoku ( Ouest de Honshu ).

Hagi Yaki

Il y aurait deux style "historiques" dans le Hagi, la couverte blanche et la couverte plus ou moins gris-rose à points. Tout cela aurait été inventé par des potiers Coréens implantés à Hagi au début du XVIIème siècle. Plus récemment, se rajoutent divers "nouveaux" types, comme la couverte bleue ou la couverte "orangée". Mais toutes ont la même particularité, plus ou moins prononcée, celle de porter  une couverte poreuse qui laisse les tanins du thé s'infiltrer jusqu'à l'argile cuite.

Au départ, c'est-à-dire lorsqu'il est neuf, la pièce ressemble à tous les autres types de céramiques à couverte que l'on peux voir ailleurs. A priori, rien d'exceptionnel dans cette couverte blanche, la plus courante ...

Mais dans ce cas, qu'est-ce qui peut bien être si attirant dans ce style de céramiques, pour qu'il soit relativement populaire et que des sites lui soit consacrés, comme celui-ci.

Si l'attrait du Wabi-sabi se fait sentir ici, une autre caractéristique explique également le succès de la céramique de Hagi : ses transformations au fil du temps et des utilisations. Il ne s'agit pas là pourtant d'un trait unique au Hagi, car d'autres styles voient leur aspect se modifier légèrement avec le temps et l'utilisation qui en est faite :

cfoc
Une céramique chinoise avec une couvert de type "Shino", dont j'avais déjà parlé ici.
bol japonais en shino
Un chawan de style Shino gris.
Mais avec le Hagi, tout est exacerbé à l'extrême, ce qui constitue certainement le trait de caractère unique au style ...

Tout commence avec une couverte plus ou moins uniforme, à la texture relativement laiteuse, avec une couleur, pour la couverte blanche, oscillant entre le blanc ivoire et le blanc nuancé de bleu voire de noir, en fonction du mode de cuisson ( en four à gaz moderne ou en four à bois traditionnel ).

Hagi Yaki

Hagi yaki

Du Yunomi au Chawan, une couverte immaculée donc ... qui se couvre de rose dans certaines conditions ...

Hagi yaki

Deishi shibuya

Deishi shibuya

chawan japonais

Deishi shibuya

Puis vient la première utilisation, et les suivantes, qui marquent la céramique d'une façon aléatoire en soulignant les craquelures de la glaçure.

chawan

J'ai bien dit "d'une façon aléatoire", car les craquelures sont naturelles et se forment après la cuisson de la pièce, lors de son refroidissement. Dès lors, chaque pièce aura ses propres craquelures, uniques comme une empreinte digitale, car issues de combinaisons issues du "hasard". Les tanins s'insinuent ensuite entre ces craquelures, qui s'en trouvent alors soulignées.

bol a thé blanc

Deishi shibuya

cérémonie du thé

A noter que de nouvelles craquelures peuvent se former bien longtemps après la cuisson, après les premières utilisations, en particulier avec les couvertes très épaisses : il y a maintenant quelques années ( euh, au moins six ou sept ans, il me semble ), j'ai acheté, auprès de Magokorodo. Je buvais à l'époque uniquement du thé vert japonais dont beaucoup de matcha. Je pense que je devais être lassé de préparer et de boire mon matcha dans un bol à chocolat aux couleurs flashy et je me suis donc porté acquéreur d'un bol type "été" assez évasé et peu profond, à la couverte blanche relativement épaisse. Après avoir utilisé mon nouvel instrument, je le rinçais à l'eau tiède et le mettais à sécher sur un égoutteur de bois. Au fur et à mesure que le bol séchait, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre des "tinc - tinc" plus ou moins bruyants. la réaction de surprise passée ( mais si, vous savez de quoi je parle, celle où l'on se dit "M...., j'ai dû faire une C......." ), j'ai constaté que des craquelures s'étaient formées. Comme le phénomène continua pendant les trois à quatre utilisations suivantes, de rapides recherches et questions à droite à gauche m'apprirent que cela était naturel ( et c'est là que mon intérêt pour le Hagi se fit jour ).

Mais les transformations subies par la pièce de céramique ne s'arrêtent pas là. En effet, les tanins imprègnent peu à peu le coeur et finissent par "traverser" pour souligner les craquelures présentes également à l'extérieur de la pièce.

chanoyu

Par la suite, les tanins s'infiltrant ( et s'oxydant ) encore dans la couverte et dans l'argile cuite, modifient peu à peu la couleur même de la couverte.

Deishi shibuya
Éclairage direct
Deishi shibuya
Le même Yunomi, avec un éclairage latéral
Chaque pièce réagit différemment, même issues des mains du même potier. C'est ici que la collection, au sens scientifique du terme, peut être de quelque secours à démêler le vrai du faux. On pourrait en effet penser que tout est fonction, avant tout, de la terre utilisée :

Deishi shibuya
A gauche, une terre très fine et assez rouge ( car elle contient plus de fer ? ), à droite, une terre plus grossière, plus "jaune", avec de "petits cailloux" ( Feldspath ? Silice ? ).
coupes a sake
A gauche, les craquelures intérieures sont faiblement soulignées, signe d'une faible infiltration des tanins, à droite, c'est le contraire, signe d'une plus forte infiltration des tanins.
Deishi shibuya
A gauche, pas ou peu de craquelures soulignées à l'extérieur, à droite, les craquelures sont soulignées.
On pourrait conclure que la terre joue donc un rôle essentiel dans l'infiltration des tanins, mais d'autres pièces questionnent cette conclusion :

yunomi

yamane seigan

yamane seigan

Ici, la terre utilisée est également extrêmement raffinée, mais le nombre de craquelures est littéralement immense. Je formule donc l'hypothèse que les tanins s'infiltrent en partie en fonction de la cuisson de la pièce. Avec une cuisson de type terre cuite ( 800°C à 1200°C ) la pâte est plus poreuse, et avec un cuisson de type grès ( 1250°C à 1300°C ), la pâte est plus dure ( les anglophone appellent d'ailleurs le grès "Stoneware" qui, littéralement, traduit signifie "bien en pierre" ) et donc moins poreuse.

Certaines terres cuites mettent cependant du temps à absorber les tanins, comme avec ce Yunomi de Yamane Seigan, dont les craquelures n'ont commencé à se souligner qu'au bout d'un an d'usage fréquent.

yamane seigan

Je formule donc ma seconde hypothèse, à savoir que la dureté de la couverte ( donc son degré de vitrification ) joue aussi un rôle dans la pénétration des tanins et que le résultat sur les craquelures est issu de la "combinaison" du potentiel de la terre et de la couverte à plus ou moins freiner la pénétration des tanins aux coeur de la pièce.

3 février 2012

Galette Pu Erh " Terre de Chine " 2009 - Lin Cang, théiers de 500 ans

terre de chine pu erh

Voilà une galette de 200 grammes dont Sébastien a déjà longuement parlé. Tout y est, c'est la même, avec le même nei piao qui indique que le thé vient de Bai Yin Shan ( lire notamment le long commentaire d'Olivier dans le blog de Sébastien ), le même coffret carton millésimé en noir avec inscriptions argent ultra-classe qui ne sert à rien sinon à attirer l'attention et à faire "passer la pillule" des 70 € demandés pour cette galette ( j'avoue qu'en boutique,  la première impression que cela donne est "celui-là, il doit être bon ! ", mais cela correspond un peu à l'image du quartier et à la clientèle qui le fréquente, après tout, on est dans le Marais ... ).

Hormis le fait que la boite en carton est presque plus belle que l'emballage de la galette qu'elle contient, la galette en elle-même est assez peu compressée, en particulier sur les bords car, vers le centre, les choses se corsent un peu plus. Là encore, la compression a été réalisée mécaniquement, dixit la Maison de vente.

terre de chine

galette de pu erh

terre de chine

J'ai réalisé deux infusions selon deux "méthodes" différentes : une selon ma manière habituelle ( théière remplie à moitié de feuilles sêches et multiples infusions rapides ) et une selon ce qui m'avait été conseillé à la Maison de vente, à savoir doser moitié moins que pour un autre Pu Erh Sheng.

Au nez, c'est surtout un effluve de fumée qui prédomine. La liqueur est d'un joli jaune un peu pâle. En bouche, les choses sont un peu plus complexes, et l'on sent la fumée de feu de bois, ainsi que l'orange amère, mais bizarrement sans qu'il y ait de l'astringence.

terre de chine

La galette est diversement composée par de grandes et de moins grandes feuilles bien entières, quelques rares bourgeons, quelques tiges assez fines et par des morceaux de très grande feuilles.

terre de chine

terre de chine

Au final, nous avons là un Pu Erh Sheng étrange ( dans le sens où il ne correspond en rien aux autres Pu Erh Sheng que l'on rencontre habituellement ), dépaysant plutôt que déplaisant. Quant au prix, il s'explique peut être par une éventuelle rareté due à une cueillette effectuée sur des arbres donnant un nombre très limité de feuilles, mais incitera peu au départ vers l'étrangeté, tant on trouvera, ailleurs, d'excellents autres Pu Erh pour cette somme.

2 février 2012

Yun Wu Cha - " Thé des Nuages " - 2011

Comme je l'avais indiqué dans un précédent post, le comptoir Le Palais des Thés propose chaque année, en dehors de sa sélection habituelle, des crus "éphémères", au sens où ils ne sont pas reconduits sur leur carte l'année suivante ... et cela donne parfois de belles surprises, ou n'en donne pas ...

ici, ce thé vert est issu de l'Anhui et exclusivement composé de bourgeons suivi de deux petites feuilles, étonnement presque tous de la même taille.

palais des thés

yun wu cha

Le nez est assez inexpressif et sent la verdure et une petite pointe de cuir de maroquinerie. La liqueur est d'un vert très pâle et assez "légère" sur la langue, d'où son nom de thé des nuages je suppose. En bouche, on retrouve les notes végétales, avec une note de cuir et autre de pierre assez lointaines toutes deux ainsi qu'une note poivrée, plus présente, elle. Si les saveurs ne sont pas multiples, elles sont cependant assez complexes, ce que l'absence totale d'astringence souligne totalement, rendant la liqueur d'une rondeur infinie.

palais des thés

Ce thé n'est donc pas déplaisant, même s'il manque un peu de caractère. La semble ombre au tableau pourrait être son prix, de 50 € / 100 grammes, un peu trop élevé peut être du point de vue qualité / prix.