Voilà un vaste sujet, qui compose la majeure partie de ce qu'il y a dans une tasse de thé et donc déjà très abondamment commenté et illustré, cela depuis bien avant Lu Yu, il y a plus de 1200 ans ... je veux bien entendu parler de l'eau ... cet élément qui compose la plus grande part du contenu de la tasse de thé ...
Revenons tout d'abord un peu en arrière, il y a quelques siècles ... A cette époque, il était dit que Lu Yu était capable de faire la différence entre l'eau puisée au milieu de la rivière Nanling et celle puisée sur sa rive ... tout cela nous paraît aujourd'hui sans grande importance et plus proche de l’anecdote contribuant au façonnage des "pouvoirs" d'une personnalité légendaire, d'un "immortel" au sens chinois. On ne saurait nier ce fait, mais à une époque où la potabilité de l'eau devait souvent poser problème, un tel don devait être aussi utile au maître dans l'art du thé que la capacité à accorder la couleur du bol à celle de la liqueur consommée ...
Ce problème de potabilité, par ailleurs, explique peut être en partie que ce soit essentiellement du thé bouilli qui ait été bu pendant les premiers siècles de la consommation du thé et que le thé battu et plus encore le thé infusé aient été consommés plus tardivement. De fait, le Cha Jing de Lu Yu donne des mesures de prophylaxie, comme « il est préférable de creuser d'abord un trou pour faire s'écouler l'eau chargée de miasmes, remplacée par une eau nouvelle qui, elle, sera buvable », ou encore « pour l'eau des fleuves, il faut la puiser loin des zones habitées, pour l'eau des puits, il faut la prendre là où tout le monde le fait d'ordinaire ».
Par ailleurs, si on en croit le Cha Jing, « l’eau de source provenant des montagnes est la meilleure, vient ensuite l’eau des fleuves et enfin l’eau des puits, la moins bonne » et « les meilleures de toutes les eaux sont celles qui ruissellent doucement sur des lits de roches » ... tout ceci pourrait paraître de bon conseil pour infuser le thé avec l'eau la plus parfaite, mais elle renvoient plus à un degré de définition de pureté de l'eau qu'à une réelle utilité en matière de définition d'une charge minérale idéale ... pureté par ailleurs autant matérielle que spirituelle ...
En effet, il faut voir ici plus le reflet de croyances religieuses que de réels conseils de préparation. Ainsi, la montagne est l'espace où règne le sacré. Dans le même ordre d'idée, la proximité avec le ciel est un gage de pureté, tandis que la proximité avec le monde souterrain, l'inframonde, et ses dangers inconnus, est source potentielle de pollution.
Dans la même veine, il est intéressant de voir que la meilleure eau est celle qui a été le moins en contact avec la terre, tandis que celle qui sort de la terre est la moins conseillée. Le contact avec la pierre, au contraire est bénéfique, empêchant le contact avec la terre. Là encore, les vertus supposées d'inaltérabilité de la pierre possèdent une certaine connotation "magique" dans le sens où elles pourraient par ailleurs se transmettre à l'eau.
D'autres exemples explicites de telles croyances sont par ailleurs également visibles dans le Cha Jing, comme par exemple avec le fait qu' « il ne faut pas boire l'eau qui jaillit avec violence dans les torrents ou les cascades » car « une consommation prolongée peut entraîner des maladies au cou » ... ici, une claire analogie est faite entre le mouvement de l'eau qui tombe en masse, la force qu'un tel mouvement génère et ses effets de pression supposés sur le corps humain.
L'eau emmagasinerait ainsi des forces, des énergies et des esprits dont il faut se méfier et qu'il faut apprendre à éviter : « il arrive qu'il subsiste dans les rivières qui coulent au creux des vallées des poches d'eau où le courant ne circule pas : des premières chaleurs aux premières gelées, toutes sortes de dragons cachés peuvent s'y accumuler et les empoisonner ».
Ainsi, n'oublions pas que dans la médecine traditionnelle chinoise, qui vise à corriger les énergies internes ( les maladies étant dues à des déséquilibres de ces énergies, la guérison survenant quand ces énergies retrouvent leur équilibre, pour faire très court ), les pratiques religieuses étant alors imbriquées à l'administration d'une savante pharmacopée dont le thé fait alors partie.
De façon plus prosaïque, c'est-à-dire adaptée à nos pratiques contemporaines et à notre usage du thé, qu'est-ce qui fait la qualité d'une eau ? Vaste question qui, comme l'appréciation du thé, repose, à mon sens, essentiellement sur le goût personnel.
On peut cependant relever un point qui va éclairer le choix de l'eau ou plutôt qui va expliquer son goût : sa charge minérale ... car eau minérale, eau de source ou eau tirée au robinet, c'est surtout ses composés minéraux qui vont expliquer les différences de goût que peuvent avoir deux eaux ... il suffira, pour s'en convaincre, faire l'expérience de goûter conjointement un verre de Volvic et un verre de Contrex ...
Il y a tellement d'eau dans le commerce, qu'il serait presque impossible d'en faire le tour, mais, en laissant les eaux "rares"de côté, comme la "Iceberg Water" du Canada, la "Speyside & Glenlivet" d’Écosse ( eh oui, ils ne mettent pas que du whisky en bouteille en Écosse ) ou encore les eaux artésiennes, comme la "Voss" du Danemark ou la "Fiji" des îles Fidji, il est assez rapide de faire le tour des eaux que l'on trouve en grandes surfaces ...
On éliminera tout d'abord les eaux trop chargées en minéraux, c'est-à-dire avec un résidu sec à 180° Celsius supérieur proche des 300 mg par litre, ce qui élimine entre autres l'eau de source "Cristaline" - Aurele ( 268 mg/l ), l'eau minérale "Evian" ( 309 mg/l ), l'eau minérale "Thonon" ( 342 mg/l ), l'eau de source "Cristaline" - Chantereine ( 467 mg/l ) ou encore l'eau minérale "Vittel" ( 1084 mg/l ) ... non pas que ces eaux sont impropres à la consommation, mais car leur charge minérale trop importante pourrait trop modifier le rendu du thé.
Reste donc les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius de moins de 150 mg/l, sur lesquelles je vais m'attarder un peu plus :
Voilà une série de chiffres qui donne un peu le tournis ... on gardera juste en mémoire que les valeurs pour les eaux minérales sont censées rester stables, tandis qu'elles peuvent parfois varier pour les eaux de source ...
Que retenir de tout ces chiffres ? Tout d'abord, que si l'on peux se le permettre, mieux vaut utiliser de l'eau de carafe filtrante type "Brita" que de l'eau du robinet ( sauf en de rares endroits ou l'eau qui sort du robinet est parfaite - à noter cependant que cette filtration pose d'autres problèmes ) ... et que mieux vaut utiliser une eau minérale que de l'eau du robinet, même filtrée ...qu'une fois qu'on a choisi son eau, il faut de préférence s'y tenir et ne plus en changer, ou le faire progressivement, car tout changement risque d'altérer la perception que l'on peut avoir d'un thé. Mais surtout que certaines eaux en bouteilles faiblement minéralisées comme celles détaillées ci-dessus vont apporter une réelle "plus-value" à vos thés ... cela ne changera pas les thés médiocres en grands crus, mais cela va déjà éliminer bon nombre de sensations parasites.
Pour ce qui est du choix de l'eau en lui-même, c'est avant tout affaire de goûts ... A mon sens, il n'est pas besoin non plus de se focaliser sur une minéralité extrêmement faible, car sinon la solution parfaite serait d'infuser avec de l'eau déminéralisée, les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius d'un peu moins de 150 mg/l faisant très bien l'affaire ... Certains ne jurent que par la Volvic, mais elle est à mon sens trop salée, d'autres ne jurent que par la Mont Roucous, que je trouve trop acide ... le mieux est encore de réaliser des tests sur le même thé et de choisir ce qui plait le plus ... ce n'est pas le choix qui manque !
Pour ma part, après avoir fort longtemps utilisé de l'eau filtrée par une cruche Brita, j'utilise l'eau minérale Mont Blanc, au PH plus neutre et au goût moins salé ... elle satisfait en outre aux critères optimum de qualité retenus par Lu Yu, ce qui n'est pas rien après tout ...
En effet, il faut voir ici plus le reflet de croyances religieuses que de réels conseils de préparation. Ainsi, la montagne est l'espace où règne le sacré. Dans le même ordre d'idée, la proximité avec le ciel est un gage de pureté, tandis que la proximité avec le monde souterrain, l'inframonde, et ses dangers inconnus, est source potentielle de pollution.
Dans la même veine, il est intéressant de voir que la meilleure eau est celle qui a été le moins en contact avec la terre, tandis que celle qui sort de la terre est la moins conseillée. Le contact avec la pierre, au contraire est bénéfique, empêchant le contact avec la terre. Là encore, les vertus supposées d'inaltérabilité de la pierre possèdent une certaine connotation "magique" dans le sens où elles pourraient par ailleurs se transmettre à l'eau.
D'autres exemples explicites de telles croyances sont par ailleurs également visibles dans le Cha Jing, comme par exemple avec le fait qu' « il ne faut pas boire l'eau qui jaillit avec violence dans les torrents ou les cascades » car « une consommation prolongée peut entraîner des maladies au cou » ... ici, une claire analogie est faite entre le mouvement de l'eau qui tombe en masse, la force qu'un tel mouvement génère et ses effets de pression supposés sur le corps humain.
L'eau emmagasinerait ainsi des forces, des énergies et des esprits dont il faut se méfier et qu'il faut apprendre à éviter : « il arrive qu'il subsiste dans les rivières qui coulent au creux des vallées des poches d'eau où le courant ne circule pas : des premières chaleurs aux premières gelées, toutes sortes de dragons cachés peuvent s'y accumuler et les empoisonner ».
Ainsi, n'oublions pas que dans la médecine traditionnelle chinoise, qui vise à corriger les énergies internes ( les maladies étant dues à des déséquilibres de ces énergies, la guérison survenant quand ces énergies retrouvent leur équilibre, pour faire très court ), les pratiques religieuses étant alors imbriquées à l'administration d'une savante pharmacopée dont le thé fait alors partie.
De façon plus prosaïque, c'est-à-dire adaptée à nos pratiques contemporaines et à notre usage du thé, qu'est-ce qui fait la qualité d'une eau ? Vaste question qui, comme l'appréciation du thé, repose, à mon sens, essentiellement sur le goût personnel.
On peut cependant relever un point qui va éclairer le choix de l'eau ou plutôt qui va expliquer son goût : sa charge minérale ... car eau minérale, eau de source ou eau tirée au robinet, c'est surtout ses composés minéraux qui vont expliquer les différences de goût que peuvent avoir deux eaux ... il suffira, pour s'en convaincre, faire l'expérience de goûter conjointement un verre de Volvic et un verre de Contrex ...
Il y a tellement d'eau dans le commerce, qu'il serait presque impossible d'en faire le tour, mais, en laissant les eaux "rares"de côté, comme la "Iceberg Water" du Canada, la "Speyside & Glenlivet" d’Écosse ( eh oui, ils ne mettent pas que du whisky en bouteille en Écosse ) ou encore les eaux artésiennes, comme la "Voss" du Danemark ou la "Fiji" des îles Fidji, il est assez rapide de faire le tour des eaux que l'on trouve en grandes surfaces ...
On éliminera tout d'abord les eaux trop chargées en minéraux, c'est-à-dire avec un résidu sec à 180° Celsius supérieur proche des 300 mg par litre, ce qui élimine entre autres l'eau de source "Cristaline" - Aurele ( 268 mg/l ), l'eau minérale "Evian" ( 309 mg/l ), l'eau minérale "Thonon" ( 342 mg/l ), l'eau de source "Cristaline" - Chantereine ( 467 mg/l ) ou encore l'eau minérale "Vittel" ( 1084 mg/l ) ... non pas que ces eaux sont impropres à la consommation, mais car leur charge minérale trop importante pourrait trop modifier le rendu du thé.
Reste donc les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius de moins de 150 mg/l, sur lesquelles je vais m'attarder un peu plus :
Eau minérale Montclar PH 8 résidu 139 mg/l
| Eau minérale Wattwiller PH 7,5 résidu 155 mg/l
| Eau minérale Volvic PH 7 résidu 130 mg/l
| Eau de source Grand Barbier PH 7,3 résidu 52,2 mg/l
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Eau minérale Mont Roucous PH 5,85 résidu 25 mg/l
| Eau minérale Mont Blanc PH 7,6 résidu 124,5 mg/l
| Eau minérale SPA - Reine PH 6 résidu 33 mg/l
| Eau de source Rosée de la Reine PH 5,8 résidu 26,8 mg/l
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Voilà une série de chiffres qui donne un peu le tournis ... on gardera juste en mémoire que les valeurs pour les eaux minérales sont censées rester stables, tandis qu'elles peuvent parfois varier pour les eaux de source ...
Que retenir de tout ces chiffres ? Tout d'abord, que si l'on peux se le permettre, mieux vaut utiliser de l'eau de carafe filtrante type "Brita" que de l'eau du robinet ( sauf en de rares endroits ou l'eau qui sort du robinet est parfaite - à noter cependant que cette filtration pose d'autres problèmes ) ... et que mieux vaut utiliser une eau minérale que de l'eau du robinet, même filtrée ...qu'une fois qu'on a choisi son eau, il faut de préférence s'y tenir et ne plus en changer, ou le faire progressivement, car tout changement risque d'altérer la perception que l'on peut avoir d'un thé. Mais surtout que certaines eaux en bouteilles faiblement minéralisées comme celles détaillées ci-dessus vont apporter une réelle "plus-value" à vos thés ... cela ne changera pas les thés médiocres en grands crus, mais cela va déjà éliminer bon nombre de sensations parasites.
Pour ce qui est du choix de l'eau en lui-même, c'est avant tout affaire de goûts ... A mon sens, il n'est pas besoin non plus de se focaliser sur une minéralité extrêmement faible, car sinon la solution parfaite serait d'infuser avec de l'eau déminéralisée, les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius d'un peu moins de 150 mg/l faisant très bien l'affaire ... Certains ne jurent que par la Volvic, mais elle est à mon sens trop salée, d'autres ne jurent que par la Mont Roucous, que je trouve trop acide ... le mieux est encore de réaliser des tests sur le même thé et de choisir ce qui plait le plus ... ce n'est pas le choix qui manque !
Pour ma part, après avoir fort longtemps utilisé de l'eau filtrée par une cruche Brita, j'utilise l'eau minérale Mont Blanc, au PH plus neutre et au goût moins salé ... elle satisfait en outre aux critères optimum de qualité retenus par Lu Yu, ce qui n'est pas rien après tout ...
salut,
RépondreSupprimerla question de l'eau est un puits sans fond, donc on en parle jamais assez. Je n'avais jamais relevé la mont-blanc comme candidate(je ne suis même pas sûr qu'elle soit distribuée là où j'habite), je pense aussi que la Volvic est trop salée, mais il est arrivé que j'obtienne des liqueurs acceptable, surtout avec du oolong. J'ai aussi essayé la Mont-Roucous, avec laquelle j'ai obtenu des liqueurs plutôt fermées, particulièrement avec des thés verts chinois,cela dit je n'avais fait qu'un test de une bouteille. Aussi suis-je en train d'essayer la SPA, justement parce que j'avais lu un test qui en faisait l'éloge. Pour le moment, j'en reviens toujours à de l'eau filtrée en carafe, surtout lorsque le mélange du filtre est neuf. Aussi, pour approfondir les combinaisons, je crois qu'il faudrait que je passe à la Tetsubin(et au réchaud à charbon peut-être...) pour chauffer l'eau. En attendant j'espère que je vais réussir à trouver la Mont-Blanc, donc merci pour cet article, en particulier la mise en parallèle des propriétés est très féconde, et les photos sont très chouettes, temple shinto je suppose...
Oui, la question est sans fin, puisque l'on peut même considérer que d'un thé à l'autre, même dans une même famille de thé, un thé sera meilleur avec telle eau et qu'un autre sera meilleur avec une autre eau ...
RépondreSupprimerSi l'on rajoute les ustensiles dans l'équation ( le goût sera différent suivant les testubin ... et reste encore théières, tasses et autres accessoires qui peuvent aussi jouer un rôle ), c'est encore plus complexe !
Par contre les carafes filtrantes posent divers problèmes, notamment d'entretien, d'efficacité du filtre qui perd ses capacités après 7 jours seulement et surtout de relargages divers, comme les relargages de sels d'argent entre autres !