De Tout et de Rien | DemysTEAfication
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29 janvier 2017

Instagram

chawan en sepia

Le monde des applications évoluant sans arrêt, le nouvel an lunaire est l'occasion de passer au nouveau réseau "à la page", j'ai nommé Instagram ...

Demysteafication blog sur le thé

Par contre, du coup, la page mise en place sur Tumblr ne sera peut être plus mise à jour régulièrement, voire va entrer dans un sommeil plus ou moins profond et définitif ... du moins l’icône disparait-elle de la barre de lecture pour laisser sa place ...

japanese garden and pond

28 janvier 2017

過年好 - guonian hao - Bon passage de l'année !

céramique vietnamienne ancienne

Nous quittons le Singe de Feu et entrons aujourd'hui dans l'année du Coq de Feu ... Comme à mon habitude, voici donc un petit billet pour marquer le nouvel an lunaire. Comme toujours, c'est l'occasion de présenter des vœux de prospérité et de longue vie ... c'est aussi comme toujours l'occasion de poster quelques photographies sans sujet précis, juste pour le plaisir des yeux ...

musée guimet

Le coq étant aussi parfois assimilé aux Phoenix, que l'année cette renaissance théorique soit au moins propice à l'acquisition de céramiques et autres objets attachants puisqu'elle est déjà fort mal embarquée sur d'autres plans ... Mais bons thés à tous malgré tout !

tokoname shigaraki

19 décembre 2016

Cinq ...

blog sur le thé
 
Le temps passe et ne s'arrête pas, tout le monde s'en rendra assez facilement compte et ce blog sur le thé marque donc aussi le temps qui passe en "fêtant" sa cinquième année d'existence en ce jour ... le bilan est toujours à peu près le même également, des brouillons de comptes-rendus de dégustations qui s'accumulent mais que je trouve toujours aussi peu utiles car valables pour moi seul ... et le temps qui s'amenuise ... les 345 000 vues sont quelque peu dépassées, tout cela pour 392 messages publiés à ce jour et 808 commentaires pas forcément très constructifs vu le nombre de trolls, d'aigris et de vils boutiquiers que le sujet du thé semble attirer.

blog sur le thé chawan en raku

Néanmoins, que le Chawan soit plein ou vide, l'occasion d'en apprendre toujours un peu plus sur le thé est omniprésente, à condition de faire preuve de discernement dans le choix de ses sources, qui doivent être étayées, fiables, traçables et surtout vérifiables. La démarche est peut être fastidieuse, mais c'est la seule qui vaille quelque chose au final, le seul moyen valable d'apprentissage qui serve la construction du savoir et qui permette d'éviter, à n'en plus finir, de répéter les sempiternelles mêmes erreurs ou les mêmes absurdités issues des anciennes légendes créées pour charmer ou de la prose commerciale moderne créées pour endormir les scrupules du chalant et, par la suite, pour endormir son portefeuille. On devrait pourtant peu s'en étonner la mode, durable, étant de ne pas dire du mal des pires dérives du marketing triomphant ou mêmes des pires cochonneries vendues dans le commerce.

blog sur le thé chanoyu

Dans ce dernier domaine d'ailleurs, les modes passent mais les mêmes techniques sous-jacentes demeurent, on change juste d'époque ... ainsi, après "Edo", "Meiji" est désormais à la mode, cette ère ayant dépassé le siècle et permettant aisément de faire passer pour des antiquités des objets qui n'ont été créés "qu'au" milieu du XXème siècle voire plus tardivement encore ... de la même manière, il ne faut pas oublier non plus la tradition de copie japonaise dont on disait, il y a encore vingt ans, qu'elle était la meilleure du monde, et que l'on tente aujourd'hui d'oublier, du moins dans nos contrées, mais qui n'épargne aucun domaine.

Mais après tout, peu me chaut que d'autres s'évertuent à adorer leurs propres fables ou, dans d'autres "domaines", portent aux nues des inepties industrielles comme les capsules, summum de l'incarnation de tout ce que n'est justement pas le thé : l'empressement, l'uniformisation, la facilité, la médiocrité ... tant que l'on ne me demande pas de croire en ces fables, d'adhérer à  de tels messages ou enfin de boire de tels breuvages sous copyrights, je leur souhaite bon vent ... après tout, le thé, c'est aussi l'introspection et l'éloignement du monde et de ses vicissitudes ...

blog sur le thé

27 avril 2016

Les 400 ans de la porcelaine d'Arita

sometsuke

La porcelaine d'Arita fête cette année ses 400 ans. En effet, les débuts de la production de porcelaine à Arita dateraient de 1616 et seraient l’œuvre d'un potier coréen, Kanegae Sanpei ou Kanegae Sanbe ( également appelé Ri Sampei ou Yi Sam-pyeong et qui serait mort en 1655 ) venu s'installer au Japon, qui aurait également découvert le gisement de Kaolin d'Izumiyama, sur les hauteurs à l'est d'Arita.

gisement de Kaolin de Izumiyama
Arita et le gisement de Kaolin d'Izumiyama. Carte © Google Inc.

porcelaine imari
Le gisement de Kaolin d'Izumiyama. Photographie © Google Inc.

Naturellement, tout ceci est plus ou moins mythique, comme souvent lorsqu'un seul personnage est mis en avant, Ri Sampei étant enterré au sanctuaire Sueyama et étant devenu une figure légendaire. L'établissement de divers fours serait ainsi plutôt le fait d'un groupe d'individus emmenés, de gré ou de force, par Toyotomi Hideyoshi lors des invasions de la Corée de 1592 - 1598. Néanmoins, des fouilles archéologiques confirmeraient les débuts de la production de porcelaine entre 1610 et 1620, époque ou la production de porcelaines commence à être mêlée à la production de grès.

L'histoire de la porcelaine japonaise est donc bien moins longue que celle de la porcelaine chinoise. Cependant, rapidement, la porcelaine japonaise va supplanter la porcelaine chinoise dans le commerce vers l'Occident, tout au moins en valeur, la qualité des porcelaines japonaises étant bien supérieure aux porcelaines d'exportation chinoises.

La porcelaine produite dans la région d'Arita, que l'on appelle aussi porcelaine de Hizen ou Hizen Yaki car la production elle-même est répartie dans un vaste espace autour d'Arita, si elle commence avec des bleu et blanc, que l'on appelle Sometsuke, se diversifie très rapidement et propose une palette variée et colorée, le type Imari, qui sera copiée par la suite par les porcelaines d'exportation chinoises. Si la typologie des Imari fera l'objet d'articles ultérieurs, on trouve ainsi, les Sometsuke, Ko-kutani, Kakiemon, Nabeshima, Kinrande et I-roe. Mais ces styles se mélangent parfois et ne sont pas aussi imperméables que l'on veut bien le croire.

Néanmoins, il est à souligner que la production de porcelaine est ininterrompue dans la région d'Arita depuis le début du XVIIème siècle et que l'on continue à y perpétuer la plupart des styles anciens et à fonctionner sur des modes qui ne sont pas si éloignés des anciennes pratiques de production et de commerce.

atelier de potier japonais

Sur la photographie ci-dessus, on voit ainsi ce que pouvait être le fonctionnement d'un atelier, où les tâches sont réparties entre différentes spécialités, de la préparation de la terre à l'application du décor, en passant par le tournage et sans oublier également la vente finale, le client ou le marchand qui va ensuite diffuser la marchandise venant sélectionner des pièces sur le lieu même de production.

On retrouve ainsi, de haut en bas et de gauche à droite, parfois très imagée, la préparation du bois, l'extraction de l'argile, l'acheminement de la matière première à l'atelier, le concassage de la terre, le filtrage de celle-ci pour éliminer les impuretés, le tournage, la décoration, l'émaillage et le séchage, la réparation du four et l'enfournement puis, pour finir, la cuisson au bois, le stockage, la vente, ...

porcelaine d'arita atelier de potier
porcelaine sometsuke porcelaine imari
atelier de potier japon blog sur le thé et la céramique
four anagama four dragon

Depuis, bien peu de choses ont changé, sauf peut être l’extraction, désormais industrielle, et  la cuisson, qui ne se fait plus au bois que pour certaines productions d'exception. La porcelaine d'Arita reste enfin très vivace et est ancrée dans la modernité avec de nouvelles productions, alliant savoir ancestral et motifs contemporains. Ne reste plus qu'à souhaiter un anniversaire faste à la porcelaine d'Arita, malgré le tremblement de terre qui a récemment endeuillé l'île de Kyushu, et à espérer qu'elle restera productive longtemps encore.

18 avril 2016

Thé et mobilier

kannon dansu

Si les ustensiles pour le thé sont nombreux, il n'en est pas de même pour les meubles dédiés au thé, que ce soit dans la sphère culturelle japonaise ou dans la sphère culturelle chinoise, qui sont relativement peu nombreux ... si peu nombreux en réalité, qu'on peut les compter sur les doigts d'une main.

Les meubles japonais

Cha-dana, Kazari-dana ou Fukuro-dana

Ce type de meuble remonterait au XIVème siècle et à pour origine de simples étagères droites. Ce meuble rappelle aussi les étagères fixes (Chigai-Dana) du Tokonoma des pièces de style Shoin.

On peut trouver ce type d'étagères en deux grandes déclinaisons. La première est assez simple dans sa structure et se compose généralement de deux ou trois étagères. Ce modèle relativement simple et de petite taille, parfois muni d'un tiroir ou de portes coulissantes, est utilisé pour la cérémonie du thé. On y pose généralement Shakutate et Mizusashi.

chadana
Photographie © Ebay.Inc
cha dana
Photographie © Ebay.Inc

fukurodana
Photographie © Chanoyu to wa
fukuro dana
Photographie © Chanoyu to wa

La deuxième déclinaison de ce type d'étagères a des dimensions plus conséquentes et ne sert pas pour le Chanoyu mais est placée dans la pièce de réception principale (Zashiki) ou dans des pièces d'usages plus restreints. On peut à la fois y poser des objets pour le thé, mais également des objets de décoration. Les espaces de rangement derrière des portes coulissantes et des tiroirs y sont plus nombreux, ce qui en fait également un meuble de stockage, au décor variable, plus ou moins chargé.

kazaridana
Photographie © Kazari + Ziguzagu
kazari dana
Photographie © Kazari + Ziguzagu

Cha-Dansu

cha dansu
Photographie © Schelma.com, Bruxelles

Intégralement destiné au thé, le Cha-Dansu ou Cha-Tansu apparait à la fin de la période Edo. Il ne s'agit au départ que d'un version plus petite des Mizuya-Dansu (les Tansu destinés à stocker ustensiles, céramiques et parfois denrées alimentaires destinés à la cuisine). Il est partiellement l'héritier des étagères fixes (Chigai-Dana) que l'on pouvait trouver dans certaines pièces de réception pourvues d'un Tokonoma. Le thé s'étant plus largement répandu avec la prospérité de l'ère Edo, ce type de Tansu est généralement placé dans la pièce principale de la maison (Zashiki) qui est aussi la pièce de réception. Le thé y devient un support de sociabilité ou un lien pour les rapports commerciaux ou administratifs.

meuble pour le thé
Photographie © Primitive. Living + Collecting, Chicago

A la fin de l'ère Meiji,apparaissent les Cha-Dansu munis de portes vitrées, les premières feuilles de verre étant distribuées au Japon par la Asahi Glass Company établie dans la Préfecture de Hyogo. L'usage du verre se répand à partir de cette date puis pendant l'ère Taisho.

tansu pour le thé
Photographie © Ebay.Inc

Alors que les Cha-dansu de l'ère Edo sont relativement sobres et ont généralement des étagères relativement simples car cachées, l'usage du verre voit se répandre l'usage des étagères décoratives décalées (Chigai-dana) que l'on trouve dans le Tokonoma, l'usage du verre permettant de montrer les céramiques de valeur du propriétaire du lieu.

Les meubles chinois

Sièges et tables à thé

Si les meubles japonais dédiés au thé sont peu nombreux, les meubles chinois le sont encore moins, le seul meuble réellement consacré au thé venant se placer entre deux sièges ou à côté de chaque personne si deux individus se font face.

table chinoise pour le thé

Ces tables sont pourvues d'un piètement entre leurs jambes et parfois d'une étagère intermédiaire. Ici aussi, le thé est un support de sociabilité ou un lien pour les rapports commerciaux ou administratifs et ces tables viennent s'insérer à hauteur d'appui.

table chinoise pour le thé

Les tables peuvent aussi servir de support pour une jardinière, un brûle-parfum ou un objet décoratif. Elles n'ont également qu'un rôle d'appoint pour les hôtes ayant droit de s'asseoir sur une chaise ou un fauteuil ...

Car en Chine, on ne s'assied pas n'importe où, et qui vous êtes hiérarchiquement va définir votre place et le type de siège sur lequel vous allez vous assoir. Ainsi, le maître de maison est généralement placé sur un lit de jour, banquette assez large, où il aura une petite table d'appoint pour le thé. Il s'agit de la place d'honneur, la plus importante, toujours située en face de l'entrée, au milieu du mur. Si l'on est assez important, on pourra venir s'y assoir à côté de lui, le lit de jour étant généralement assez long pour permettre à deux personnes de s'y asseoir côte à côte. Ensuite, plus on s'éloigne, plus son rang baisse, et l'on passe des fauteuils aux chaises puis aux tabourets ... jusqu'à rester debout, le cas échéant. Les invités placés à l'Est sont par ailleurs plus prestigieux que ceux placés à l'Ouest.

meuble chinois ancien

La forme du siège va également changer en fonction de votre statut. Les fauteuils au dossier en forme de fer-à-cheval sont destinés aux invités les plus prestigieux. Pour les autres formes de fauteuils ou de chaises, les hommes ont droit à un dossier haut et incurvé, plus confortable car il permet de laisser les épaules se relâcher tandis que les femmes ont droit à un dossier bas et rectiligne, qui oblige à garder les épaules droites et le torse légèrement bombé, pour les obliger à garder une pose bienséante.

meuble chinois ancien

Par ailleurs, se voir attribuer un banc ne signifie pas pour autant qu'il va falloir le partager avec d'autres, la place libre permettant, le cas échéant d'y poser des objets. Les tabourets, enfin, sont eux aussi composés pour permettre une hiérarchie en fonction de leur taille et de leur hauteur.

On le voit, le nombre de meubles destinés au thé, que ce soit en Chine ou au Japon sont donc plutôt limités et peuvent même ne pas être totalement dédiés au thé tant leurs usages peuvent être variables.

14 avril 2016

Histoire du Thé et du Chanoyu au Japon : Architecture, structure sociale et mutations des usages

kyoto

On peut considérer le Chashitsu comme l'expression la plus tangible de la place du thé dans la société japonaise féodale et effectivement, il arrive que cet élément architectural marque l'espace de façon prépondérante, comme dans le jardin de cette maison de Kyoto, où l'on peut trouver trois Chambres de thé à flanc de colline, toutes différentes dans leur conception. 

kyoto

Le Chashitsu du premier plan est ainsi une illustration du type Soan, au toit de chaume et aux petites ouvertures, le Chashitsu du deuxième plan laisse, lui, plus de place à la lumière tout en conservant encore un plan simple, tandis que le dernier, caché dans les frondaisons, plus luxueusement construit tout en restant assez simple, a un toit de tuiles. La construction à flanc de colline et sous un arbre dominant les autres n'est pas non plus un hasard mais constitue une référence directe aux anciens ermitages de l'époque Kamakura, montrant que le propriétaire connaissait ses classiques littéraires.

kyoto

Nul doute que le propriétaire de ce jardin était plutôt riche et plutôt attiré par le Chanoyu qui est par ailleurs, dans l'imaginaire collectif, bien souvent associé aux guerriers japonais, samouraïs de rang moyen ou Daimyo ... Nous ne sommes pourtant pas là dans la demeure d'un seigneur ou d'un guerrier, mais dans celle d'un riche marchand d'encens.

Structuration sociale et propagation du thé

histoire du japon et des japonais reischauer
La structure sociale sous le shogunat des Tokugawa in REISCHAUER ( Edwin O. ), Histoire du Japon et des Japonais. Tome 1. Des origines à 1945, Éditions du Seuil, Paris, 1973.

La structure sociale féodale japonaise est inspirée des théories sociales confucianistes. La place sociale des artisans est ainsi inférieure à celle des paysans, les marchands étant considérés comme des improductifs et situés au plus bas de l'échelle. De là, l'importante place des marchands sur la vie économique mais aussi culturelle du Japon est alors largement éludée de la littérature, au moins francophone, sur le Chanoyu, et ne parlons pas du net, qui reprend généralement tous les poncifs sur l'introduction du thé au Japon par les moines revenus de Chine et sur "l'appropriation" de la cérémonie du thé par les élites guerrières.

Certes, selon la légende, revenant de Chine, Eichu ( 743 - 816 ) serait le premier à apporter le thé au Japon. De même, Saicho ( 767 - 822 ), fondateur du courant Tendai également appelé École du Sutra du Lotus, branche du bouddhisme Mahayana, serait aussi le premier à apporter le thé au Japon. Kukai ( 774 - 835 ), fondateur du Bouddhisme Shingon, serait aussi le premier à apporter le thé au Japon. Plus tard, Myoan Eisai ( 1141 - 1215 ), fondateur de l'École Rinzai, une branche du bouddhisme zen japonais, aurait rapporté le Matcha de Chine, tandis que Eihei Dogen (1200-1253), fondateur de l'École Soto, une autre branche du bouddhisme zen japonais, aurait lui rapporté bon nombre d'ustensiles, toujours de Chine, Myoe Shonin ( 1173 - 1232 ) quand à lui, plantant le premier jardin de thé du Japon au sud-est de Kyoto, à Uji. De la même façon, on ne peut non plus nier que l'étiquette du Chanoyu faisant partie de l'éducation du guerrier idéal au même titre que l'art de la poésie ou le savoir littéraire, les samouraïs ou Bushi s'investissent dans cette pratique. Mais c'est oublier que les moines sont plus des vecteurs de diffusion d'idées que de réels logisticiens du transport de céramiques et de thé. C'est oublier que la première mention d'un Chagi, une cérémonie où du thé est offert aux participants, qui se tient à la cour impériale, date de 729, ce qui signifie que l'usage du thé était déjà connu et usité avant cette date et que la recherche archéologique a trouvé des graines de thé à Shizuoka datant de la période Yayoi ( -300 - 300 ). C'est également oublier que l'idéal d'un guerrier "complet", qui ne doit pas savoir seulement manier l'arc et le sabre mais qui doit aussi maîtriser le pinceau, se fait peu à peu jour aux prémices du XVème siècle seulement pour devenir une norme au début du XVIIème siècle avec la pacification des Tokugawa.

Mais le passage du Shoin au Soan n'est pas le fait de moines ou de guerriers, et est plus dû à l'influence directe de marchands prospères, tout comme la diffusion des objets pour le thé originaires de Chine, la diffusion par la suite d'objets du thé fabriqués au Japon, la transformation de la cérémonie du thé

On trouve ainsi, dans l'architecture, la trace du passage des modes, parfois condensé dans un espace restreint comme au Kinkaku-ji à Kyoto, où à quelques encablures du pavillon qui attire les visiteurs, se tient un petit Chashitsu qui est un bel exemple du style Soan et qui, à côté du Kinkaku, couvert d'or comme son nom l'indique, accentuant d'autant le contraste, fait plus penser à une masure qu'à une chambre pour le thé.

pavillon d'or kyoto

kyoto chashitsu chashitsu soan
chashitsu chanoyu

Le rôle des grands marchands et l'essor du Chanoyu

kakejiku
Portrait de Sen No Rikyu par Hasegawa Tohaku, calligraphie par Shun'oku Soen, XVIème siècle. Photographie © Fondation Omotesenke Fushin'an

Si beaucoup de monde connait Sen No Rikyu ( 1522 - 1591 ), peu de monde connait Tsuda Sogyu ( † 1591 ) et Imai Sokyu ( 1520 - 1593 ). Pourtant, ils étaient tous les trois installés à Sakai, étaient tous trois des fils de marchands importants, étaient eux-mêmes des marchands prospères et furent tous trois les maîtres de thé ( Chato ) en charge du Chanoyu pour Oda Nobunaga puis pour Toyotomi Hideyoshi.

Il ne tirèrent pas non plus leur savoir de leurs seules expériences. Tsuda Sogyu suivi l'enseignement de son père, Tsuda Sotatsu ( 1504 - 1566 ) qui maîtrisait déjà le Chanoyu et est l'auteur initial des Tennojiya Kaiki ( Annales des rencontres de thé ) en 1548. Imai Sokyu et Sen No Rikyu furent les disciples de Takeno Joo ( 1502 - 1555 ), riche marchand de Sakai, qui leur enseigna le Chanoyu et occupa une place importante dans leur apprentissage, Imai Sokyu épousant même la fille de Takeno Joo.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tellement de maître du Chanoyu sont alors originaires de Sakai, car c'est dans ce lieu que ce type de cérémonie est alors en vogue, tandis que d'autres types de cérémonies plus formelles sont en vogue à Kyoto. On y pratique ainsi le cérémonie du thé Yotsugashira, littéralement la cérémonie des Quatre Têtes, c'est-à-dire la cérémonie des Quatre Honorés. Celle-ci est clairement d’inspiration chinoise par son organisation, les convives, assis sur des fauteuils, étant répartis de part et d'autre de la salle, autour d'un axe central marqué par un autel.

chanoyu
Cérémonie du thé Yotsugashira. Croquis © Marc Peter Keane / Stone Bridge Press in KEANE ( Marc Peter ), The japanese tea garden, Stone bridge press, Berkeley, 2009.

Dans cette cérémonie, le mobilier et les ustensiles sont également d'origine chinoise, ce qui correspond au goût d'alors, signe d'une culture Lettrée qui trouve une bonne par de ses racines en Chine, mais qui est aussi une certaine recherche de la complexité et peut être aussi de l'ostentation, pas parce que les objets chinois sont nécessairement sur-décoré, mais parce que provenant de loin, ils sont relativement coûteux, Kyoto concentrant par ailleurs une bonne part de riches nobles. Ainsi, lorsque la mode change à Kyoto et se tourne vers le Chanoyu, plus axé sur la simplicité et le dépouillement, c'est tout naturellement vers Sakai que se tournent les puissants que cette nouvelle mode intéresse.

L'histoire de l'établissement du Chanoyu tel qu'on le connait actuellement est elle aussi plus compliquée et plus protéiforme que l'on peut couramment le lire. Si Sen No Rikyu en est une figure centrale pour son travail de codification et de transmission, on a un peu trop vite oublié Murata Juko ( 1423 - 1502 ), lui aussi un marchand, qui est l'inventeur du Chanoyu et de la chambre de thé de 4 tatamis et demi chère à Sen No Rikyu. Murata Juko laissa également un écrit majeur du Chanoyu, le Kokoro no fumi, c'est-à-dire la Lettre du cœur, mettant l'accent sur la simplicité tout en ne condamnant pas les objets de prix mais prônant une sorte d'harmonie, et ce n'est donc pas par hasard qu'il reçu le soutient de divers protecteurs dans la petite noblesse, aux moyens relativement modestes, comme Furuichi Choin ( 1452 - 1508 ) qui sera son disciple et développera lui, avec son frère Furuichi Choei, le Rinkan Chanoyu, sorte de Chanoyu qui intègre le bain collectif dans sa pratique ! Enfin, c'est également du fait de Murata Juko que le Chanoyu est fortement influencé par le Zen, ayant reçu l'enseignement de Ikkyu Sojun ( 1394 - 1481 ). Takeno Joo s'inspirera ensuite des écrits de Murata Juko, et jouant le rôle décrit un peu plus haut ...

Ainsi, le Chanoyu, s'il gagne une place prépondérante dans les habitudes par l'intérêt que lui porte Oda Nobunaga puis Toyotomi Hideyoshi, a été pensé bien en amont par un groupe social initialement considéré avec un certain dédain tout en étant largement sollicité et utilisé par les classes dirigeantes. Les marchands n'y perdent d'ailleurs pas au change, trouvant par là une certaine ascension sociale, les classes n'étant pas aussi rigide que l'on peut le penser, le meilleur exemple étant justement Sen No Rikyu, qui était samouraï, comme le prouve sa mot, ayant reçu la faveur de faire Seppuku.

L'omniprésence du Chanoyu

Le Chanoyu va ensuite gagner une place prépondérante, si bien qu'il va éclipser toute autre forme de cérémonie du thé dans l'imaginaire collectif jusqu'à y devenir La cérémonie du thé japonaise, à l'exclusion de toutes les autres.

Le Chanoyu impacte aussi rapidement les décors que l'on peut trouver au sein même de la maison japonaise. Comme toujours dans celle-ci, rien de directement ostensible, mais tout est dans les détails minimes, comme les Hikite, poignées de cloisons coulissantes.

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On retrouve ainsi, pour qui sait voir, habilement dispersés, Kama, Kan, Chasen, Gotoku, Furogama, Natsume, Chashaku, Hishaku, Futaoki, Haboki, Haiki, ..., que l'on retrouve au sein des Hikite ou encore inscrits en négatif sur les Ranma, certains éléments de décors devenant parfois prisés et reproduits dans des catalogues de modèles pour charpentiers et ébénistes.

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