Céramique Japonaise | DemysTEAfication
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8 mars 2014

Transfert, pochoir ou manuel : le décor de la porcelaine

dragon chinois

D'un point de vue strictement pratique, l'utilisation d'une porcelaine ancienne ou moderne ne change pas grand chose pour le buveur de thé ... et pour être un peu provocateur, j'irais même jusqu'à dire que les anciens, en présence d'une pâte de porcelaine moderne, préfèreraient vraisemblablement cette dernière à une pâte de leur époque ... Pourquoi ? Tout simplement car la pâte de porcelaine actuelle, avec son raffinage mécanique poussé et la disparition quasi totale d'oxydes ferriques, fait qu'aujourd'hui la porcelaine la plus bas de gamme atteint, voire dépasse, les standards de qualité élevés de la porcelaine impériale.

Par contre, il n'en serait certainement pas de même pour les techniques de décoration "modernes" que sont les transferts ou décalcomanies et autres utilisations de pochoirs ... Ces techniques de décor ( qui ne sont pas si "modernes" que çà, l'apparition de décors appliqués en décalcomanie datant, en Europe, de la première moitié du XIXème siècle ) étant la plupart du temps de qualité inférieure à ce qui se faisait avant leur utilisation.

Si le décor appliqué sur le contenant ne changera rien au goût du contenu, il est toujours utile de savoir si l'on ne vous vend pas du décor de grande série au prix du décor fait main ... et pour ceci, quelques "techniques" très simples permettent de faire rapidement la différence.

Pour bien comprendre quelles sont les porcelaines qui ne sont pas décorées manuellement, il faut d'abord comprendre comment s'effectue le décor manuel de celles-ci.

Techniques du décor manuel :

En premier lieu, il y a ce que j’appellerai le jeu des milles erreurs ...

Soba cup
7 tasses d'époque Edo ... cherchez les différences

Si on a la chance de pouvoir juxtaposer une série de pièces au décor identique de prime abord, on se rendra vite compte que des différences sont rapidement perceptibles, pour peu que l'on veuille bien y prêter un minimum d'attention : taille de tel ou tel détail, différence de placement, forme variable, élément manquant ou surnuméraire, ... . Tout cela traduit un décor peint à main levée, directement sur la pièce avant passage au four, que ce soit pour un décor sous couverte ou un décor sur couverte.

Si on a en main qu'une seule et même pièce qui répète sur plusieurs de ses côtés le même décor, on pourra, ici aussi, se prêter au même jeu ...

décor dragon rouge
Vase de fabrication contemporaine à décor entièrement fait à la main ... là encore, cherchez les "erreurs"

Là encore, les mêmes différences, parfois quasi imperceptibles en fonction de la dextérité du peintre, peuvent donc se remarquer plus ou moins facilement.

Mais le plus souvent, le décor ne se répète pas et il n'est pas possible de comparer plusieurs pièces similaires. Dans ce cas, il est nécessaire d'essayer de repérer certains traits caractéristiques de la peinture à la main.

Il faut se concentrer sur les traits, leur régularité et plus encore sur leurs défauts, sur la présence d'erreurs dans le décor, sur des chevauchements de traits qui n’auraient pas dû se produire, sur des débordements d’aplats de couleurs hors des traits qui leur servent de cadre ... naturellement, plus la pièce est peinte à la va-vite, plus les erreurs sont nombreuses :

bouteille chinoise pour tabac à priser
On pose d'abord quelques lignes directrices foncées, puis le fond dans un bleu plus dilué, donc plus clair, pour ensuite tracer les traits complémentaires dans un bleu moins dilué et donc plus foncé ... le tout en évitant de frotter la pièce car les retouches sont presque irréalisables ... pas le droit à l'erreur donc si l'on fait un décor fin ...

Ceci est donc moins valable pour les pièces réalisées avec un grand soin. Il faut alors se concentrer sur les différences de teintes. En effet, la couleur étant appliquée au pinceau, l'artiste ne peut réaliser le décor que touche par touche, ce qui se traduit par un certain dégradé dans la couleur des traits, le début d'un trait étant toujours plus foncé que sa terminaison :

porcelaine chinoise d'exportation

On remarquera également des ruptures de continuité, le peintre "rechargeant" son pinceau de couleur pour pouvoir continuer un trait ou la main du même artiste ayant légèrement bougée pour s'adapter à la forme de son support. De la même manière, les aplats de couleurs ne pouvant être réalisés en une seule fois, on peut y observer des traits de pinceau.

Tout ceci permet désormais de saisir rapidement la différence avec les autres techniques d'application de décors.

Transfert, décalcomanie, pochoir, sérigraphie :

Les transferts ou décalcomanie sont un moyen simple et surtout rapide d'appliquer un décor. La principale caractéristique du transfert est de fournir un dessin d'une parfaite régularité, le-dit transfert étant produit par une imprimante ou par sérigraphie.

décalcomanie sur porcelaine
Ligne parfaite et couleurs uniformes ... un certain manque d'âme ...

Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi car les premiers transferts étaient faits à la main, donc ils étaient forcément plus ou moins irréguliers.

Ces derniers ont pourtant une caractéristique commune avec les transferts imprimés ou sérigraphiés, à savoir l'uniformité des aplats de couleur, dans lesquels aucun trait de pinceau n'est visible. Cela semble dû à une limitation technique ; en effet, la peinture manuelle ou mécanique est réalisée sur un support "papier" qui sert à transférer la couleur sur la pièce à décorer ce qui semble gommer les différences de teintes dans les aplats, la cuisson contribuant également à estomper les nuances.

Il faudra donc tenter de repérer les raccords dans le décor plus ou moins bien réalisé, les problèmes, pour les poseurs de décor, se rencontrant souvent sur les bords.

perle sacrée
Pile ...
trésors du Lettré
... et face

Des déchirures ou des pliures peuvent aussi se produire lors de la pose des transferts, la pose de décalcomanie étant presque un art à part entière. Naturellement, plus la pièce est petite, fine ou de forme complexe, plus les accidents risquent d'être nombreux, et ce ne sont pas ceux qui ont réalisé quelques maquettes en plastique d'avions, de bateaux ou de blindés dans leur jeune âge qui me contrediront !

Trésors du Lettré
Encore plus dures à poser que les cocardes de la Luftwaffe, les pivoines et les chrysanthèmes ...

La sérigraphie, qui consiste à appliquer une toile ajourée sur la pièce à décorer pour pouvoir y poser la couleur, fonctionne donc sur le même principe que le pochoir, mais est une technique plus "fine" et qui permet plus de régularité en général. La pose d'un décor grâce à la sérigraphie peut être décelée par l'utilisation d'une loupe, car la toile laisse de fines marques de treillis et les bords sont généralement moins nets qu'un décor de transferts imprimés, marqués par un phénomène ressemblant à des dents de scie, la loupe révélant de fines hachures en zigzag dues à la trame textile.

porcelaine japonaise
Décor appliqué par sérigraphie sur une porcelaine japonaise

Le pochoir est une technique relativement simple à mettre en œuvre et qui est certainement la moins onéreuse à mettre en pratique là où le coût de la main-d’œuvre est peu élevé, car une fois le pochoir réalisé, il peut être utilisé à l'infini et la pose d'un décor au pochoir est d'une exécution plus rapide que la pose d'un décor en décalcomanie. On remarquera cependant souvent des zones de raccords, plus nombreux car les pochoirs sont plus "rigides" que la toile utilisée en sérigraphie.

bone china
En général, quand il faut faire vite, on ne peut faire vraiment bien ...

Cette relative rigidité du pochoir entraine également des bavures de couleur, lors de l'application de celle-ci ou lors du retrait pas assez rapide du pochoir.

bone china
Deux traits pour le prix d'un ...

porcelaine d'époque Edo
Chaque trait est ici réalisé à main levée sur cette porcelaine

Mais le plus souvent, ce sont toute une combinaison de ces techniques qui sont utilisées, et cela même dans les porcelaines de très grande série.

bone china
Chauve-souris et décor stylisé faits au pochoir, lignes tracées à la main avec l'aide d'un "tour de potier", dragon chassant la perle sacrée en décalcomanie

bone china
Décor stylisé fait au pochoir, ligne faite à la main avec l'aide d'un "tour de potier", marque de fabrication et sinogrammes en décalcomanie
On l'aura compris, le décor des plus belles pièces, ainsi que des plus onéreuses et des plus anciennes, est normalement totalement réalisé à main levée, et la mention d'un décor réalisé à la main lorsqu'un transfert ( même réalisé manuellement ) est utilisé est, à mon sens, un abus de langage et relève presque de la malhonnêteté intellectuelle, jouant sur le fait que la clientèle de tels ouvrages n'est souvent pas capable de déceler la différence et croit de bonne foi acheter un décor fait à main levée.

18 février 2014

Vraie ou fausse, cette porcelaine ?

Porcelaine chinoise

Cette question pourrait remonter au XVIIème siècle, période pendant laquelle les pays européens ( et en particulier l'Allemagne, la France et l'Angleterre ) et les pays du golfe persique ont essayé de reproduire les porcelaines chinoises qui faisaient alors fureur. Comme personne ne connaissait alors les "secrets" de fabrication de la porcelaine chinoise, les européens créèrent la porcelaine à pâte tendre également appelée parfois faïence. Cette pâte n'est pas composée de Kaolin, mais d'autres argiles mélangées à de la fritte de verre et n'est pas translucide.

Musée de Sèvres
Un exemple de "copie" de porcelaine : une faïence iranienne au Musée de Sèvres
La cuisson de cette pâte se faisant aux alentours de 1100 à 1250° Celsius, soit un cuisson de type "grès" ( "stoneware" en anglais ) et la pièce une fois cuite étant plus tendre que la porcelaine ( c'est-à-dire que le passage d'une pièce métallique sur l'émail laisse une marque dans celui-ci ), cette "porcelaine européenne à pâte tendre" s'apparenterait plutôt aux grès ... et n'est donc pas une porcelaine tout compte fait ...

Il n'existe donc pas, à proprement parler, de "fausse" porcelaine, pâte unique avec des caractéristiques qui lui sont propres ... je sens poindre la déception du lecteur, alléché par le titre ...

La question qui se pose en fait, n'est ainsi pas de savoir si une porcelaine est vraie ou fausse, mais si elle est ancienne ou non ... Dans ce sens, nous parlons de "faux" au sens artistique, c'est-à-dire avec la volonté de tromper un éventuel acheteur ...

Le faussaire n'est pas toujours l'artisan qui réalise la pièce, la définition artistique différenciant la "copie" du "faux", la copie n'étant pas destinée à tromper mais à reproduire, parfois de façon totalement identique, une pièce plus ancienne ... un "faux" ne sera donc pas l'action d'un artisan, aussi doué soit-il, mais bien dans la volonté d'un vendeur de faire passer une pièce pour ce qu'elle n'est pas.

Quoi qu'il en soit, il existe quelques repères fort simples pour déterminer si une porcelaine a été réalisée avant 1912, date qui coïncide avec la fin de l'ère Meiji au Japon et la fin de la dynastie Qing en Chine, que l'on retiendra pour une commodité de datation. En effet, on peut considérer que les années 1900 - 1910 sont une période de fin de transition pour la production de porcelaine en Chine et au Japon, avec le terme de l'introduction de la mécanisation des processus de raffinage du kaolin, mis au point en Europe vers le milieu du XIXème siècle.

Si ce point peut sembler anecdotique, il a en fait toute son importance, car il se traduit directement sur la pâte de porcelaine une fois cuite. Pour comprendre cela, il faut se pencher un instant sur ce qu'est, chimiquement parlant, le kaolin ...

Si vous ne le saviez pas, sachez que le kaolin fait partie de la famille des argiles. Les argiles contiennent en majorité des silicates et oxydes divers ( Potassium, Sodium, Ammonium, Aluminium, Fer, Calcium, Titane, Magnésium, Manganèse, Chrome, Strontium, Baryum, ... ) et de l'eau, ce qui leur confère une certaine imperméabilité à l'état naturel ( du fait d'une granulométrie inférieure à 4 microns ), ainsi qu'une sujétion à certains effets de gonflement ou de retrait en fonction des variations de l'humidité volumique ( ou humidité du sol ). Encore une fois, quel intérêt à cela ? C'est là encore très simple : alors que la majeure partie des argiles contiennent des oxydes ferriques en quantité, ce qui leur confère leur couleur rouge ou cuivrée, le kaolin, lui, contient essentiellement des silicates d'aluminium et, au plus, de 1,64% d' oxyde de fer .... d'où sa couleur blanche naturelle ...

Et donc, pourquoi est-ce important, me direz-vous ... Tout simplement car le fer migre et s’agglutine pour former divers points d'amas d'oxydes ferriques lors de la cuisson ( visiblement, la cuisson à haute température entraine un effet de magnétisme qui entraine l'agglomération des particules ferriques proches les unes des autres et forme ainsi ces divers amas ). C'est là que cela prend tout son sens : avec un kaolin raffiné suivant des méthodes mécaniques introduites progressivement au début du XXème siècle, le fer est pratiquement éliminé, voire l'est totalement, donc les amas d'oxydes ferriques disparaissent peu à peu des porcelaines produites à cette période ... et les pièces antérieures à la fin de l'ère Meiji / la dynastie Qing, deviennent "facilement" identifiables ...

vraie ou fausse porcelaine
Dans le corps d'un pièce moderne, un amas bien seul et de trop petite taille pour avoir migré vers les bords de la pièce

Ces amas sont relativement faciles à repérer, à la surface de la glaçure, formant comme un creux aux bords généralement arrondis ressemblant à un puits ou un soulèvement de glaçure, comme les bords du cratère d'un volcan. Cela se produit suite à la formation de l'amalgame qui empêche la glaçure de le  recouvrir ou qui entraine l'éclatement d'une bulle de glaçure.

porcelaine porcelaine ancienne

plat en porcelaine porcelaine japonaise ancienne

Toutes les porcelaines anciennes ne sont cependant pas couvertes de ces amalgames ( ce serait trop facile ), suite à un processus de raffinement poussé du kaolin, mais de façon manuelle, ce qui n'enlèvera pas tous les oxydes ferriques. Les amalgames sont alors présents mais restent dans le corps de la pièce en porcelaine. Il suffit d'éclairer le corps de la pièce avec une lampe assez puissante pour voir ceux-ci apparaître. C'est notamment le cas pour les porcelaines impériales, qui font l'objet de soins de manufacturation plus élevés que les productions destinées au commun ( dont la destruction systématique des pièces présentant le défaut même le plus minime ). Ainsi, les pièces particulièrement travaillées présenteront très peu, voire pas du tout d'amalgames en surface.

porcelaine période Qing
Amalgame d'oxydes ferriques dans le col d'un vase, la parois externe de l'objet n'en révélant par ailleurs pas
porcelaine chinoise d'exportation
Amalgame d'oxydes ferriques dans le corps d'une potiche, révélé seulement par l'apport de lumière et le jeu de transparence
porcelaine vietnamienne
Un peu moins courant : un petit amalgame d'oxydes ferriques qui épouse la forme du corps de l'objet
Pendant longtemps, ces seuls critères ont été presque suffisant pour repérer l'immense majorité des productions modernes : les fabricants de copies de porcelaines anciennes comme de porcelaines contemporaines ayant pris l'habitude de se fournir auprès des industries de raffinage, tout simplement par facilité ou par gain de temps ( plus d'argile à préparer soi-même mais utilisation d'une argile préparée industriellement ) et d'argent ( utilisation d'une argile produite en grande quantité et donc avec un coût moindre ). Cette remarque est par ailleurs valable pour toute l'argile utilisée pour la fabrication de céramique, qu'elles soient ou non en porcelaine. Aujourd'hui, on voit des porcelaines modernes dont la pâte a été raffinée directement par l'artisan potier ou l'atelier de production et qui présentent donc de multiples amalgames d'oxydes ferriques ! Ceux-ci sont peut être un peu plus "grossiers" que pour les pièces originales, mais tout est question d'appréciation ...

china forgery
Un exemple de vase de fabrication moderne réalisé "à l'ancienne"
fausse porcelaine chinoise ancienne
Fabrication moderne "à l'ancienne" ou pièce réellement ancienne, les amalgames ont souvent tendance à être plus nombreux au fond de la pièce
Il faut donc désormais faire à la fois attention à la présence d'oxydes ferriques, mais aussi aux micro-rayures qui courent sur la pièce ( car une porcelaine se raye petit à petit par la force de l'usage ) et qui doivent être hétérogènes ( les faussaires frottent par exemple des pierres sur le corps de la pièce pour les reproduire, mais toutes les rayures étant faites par des mouvements identiques et en même temps, un œil exercé peut repérer cette répétition ). On observera également les manques d'émail, les pièces anciennes présentant parfois des irrégularité dans la continuité de la couverte ou carrément des manques, dû ici à une cuisson au bois mal maîtrisée ... là encore, c'est reproductible, mais tous ces éléments permettent déjà d'éliminer l'immense majorité des copies contemporaines vendues comme antiquités ... reste les "vrais" faux, destinés à tromper collectionneurs et experts, mais dont le volume est moindre, car destiné à un marché relativement restreint. Ce type de faux très élaboré concerne essentiellement les pièces de grande taille, comme les vases, et certains plats, bols ou verseuses plus petits mais de qualité impériale.

vase chinois ancien
Un exemple de manque ou retrait d'émail
Old chinese bone china

Quoi qu'il en soit, pour confirmer une datation se rajoute toujours une étude du décor, de la forme et de l'éventuelle signature ou de l'éventuelle mention portée sur la pièce qui doivent correspondre à la même époque. Cette étape ci requiert par contre une certaine expertise et une certaine formation et ne s'improvise pas. On notera enfin que la falsification suit souvent les modes du marché de l'art et que la plupart des méthodes de datation scientifiques, comme les tests de thermoluminescence, ne sont plus fiables, les faussaires ayant trouvé le moyen de les contourner ( par exemple, pour les porcelaines, par l'habile collage de tessons réellement anciens sous une pièce, là où seront réalisés les prélèvements pour les tests ... les Mingqi eux, qui sont les pièces les plus contrefaites, car il s'agit de terres cuites et qu'elles sont  "à la mode" sur le marché de l'art, sont souvent composés de "terre de tombe" issue de fouilles qui est liée par diverses résines ou par pressage ).

11 juillet 2013

La céramique japonaise : une nouvelle génération, un nouveau souffle

chawan
Photographie © Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri
Du 2 au 20 juillet 2013, se tient à l'espace culturel Bertin Poirée, situé 8-12 Rue Bertin Poirée à Paris, une exposition de céramique contemporaine organisée par l'Association Culturelle Franco-Japonaise de TENRI avec le concours de l'Ambassade du Japon.

Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri

Photographie © Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri

Cette exposition, intitulée  “ La céramique japonaise : une nouvelle génération, un nouveau souffle ” présente les oeuvres de 9 jeunes céramistes japonais : Eriko INAZAKI, Kasumi UEBA, Kentarô KAWABATA, Sayaka SHINGU, Kôzo TAKEUCHI, Yuri TAKEMURA, Shinya TANOUE, Tarô TABUCHI et Akio NIISATO.
 
chawan
Photographie © Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri

L'exposition, vous l'aurez compris, s'efforce de présenter la céramique japonaise du point de vue de jeunes artistes céramistes japonais, ou plutôt devrais-je dire des points de vue, tant les approches sont différentes, d'une certaine transcendance de l'utilité par Yuri Takemura, pour qui « Le chawan est l’élément ultime pour apprécier la beauté et la qualité du thé, mais aussi pour en sublimer le goût », à une vision plus inhabituelle de Kozo Takeuchi, qui se situerait plus dans la lignée de l’œuvre de Takako Araki.

Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri
Photographie © Association Culturelle Franco-Japonaise de Tenri

9 mai 2013

Tetsuaki Nakao : Spring

Yunomi

Comme je l'écrivais dans mon billet précédent sur le même potier, Tetsuaki Nakao est établi à Arita, ville située vers l’extrême sud du Japon ... elle n'aura assurément pas changé de place depuis ...

Celadon

Encore une fois, il a développé un style qui lui est propre : The Galaxy Glaze ... ses œuvres étant organisées autour des quatre saisons et d'une composante supplémentaire, la couverte Mutsuki, c'est-à-dire la couverte de la première lune du calendrier lunaire.

Yunomi

Mais aujourd'hui donc, la couverte galaxie ou couverte à étoile de type Spring, c'est-à-dire printemps ... un vrai régal pour les yeux ... moins pour le porte-monnaie qui pourrait rapidement en pâtir ...

Yuzamashi

Les remarques du billet précédent restent toujours valable, la technique générale de réalisation ne changeant pas entre la couverte Winter (Hiver) et la couverte Spring.

Tetsuaki Nakao

Les contraintes techniques étant les mêmes, inutiles de reprendre ces mêmes explications que l'on retrouvera facilement en naviguant sur ce blog.

Tetsuaki Nakao

Par contre, on peut souligner la finesse des bords que cela permet d'obtenir,  donnant tout simplement l'impression que l'objet va éclater dans le creux de la main, la beauté envoutante des irisations métalliques balayant rapidement tout autre sentiment. 

tasse à thé

8 mars 2013

Tetsuaki Nakao : Winter

Galaxy glaze

Tetsuaki Nakao, est établi à Arita, dans la préfecture de Saga, vers l’extrême sud du Japon. Si Arita est un centre ancien de céramique japonaise, avec ses styles et ses codes traditionnels, Tetsuaki Nakao y a développé un style qui lui est propre : The Galaxy Glaze ... couverte galaxie ou plutôt couverte à étoiles.

couverte à cristallisations

Cette couverte tout à fait étonnante, inventée en Europe au XIXème siècle, n'a rien de traditionnel et pourrait se ranger dans la catégorie des émaux à lustre métallique et plus particulièrement à celle des émaux cristallins dans la catégorie précédente. Précision inutile, me direz-vous ? Eh bien non, comme souvent en matière de céramique, chaque détail a son importance ... qui explique par la suite les prix atteints par certaines pièces ...

Yunomi

Tout d'abord, le céramiste ne peut jamais maîtriser à coup sûr la cristallisation, qui est aléatoire par sa nature même ... une cristallisation partielle de la pièce pour former une couverte en galaxie - comme sur la première photographie - ne s'obtient donc pas forcément ... et toute la pièce peut ainsi être recouverte de cristallisations successives, produisant un effet contraire à celui désiré initialement.

Tetsuaki Nakao

Ensuite, pour compliquer un peu plus les choses, la couverte est réalisée en deux temps. Le potier réalise une première cuisson à une température de plus de 1350° Celsius pour réaliser une première couverte émaillée sur laquelle, une fois froide, on appliquera les éléments qui se cristalliseront lors d'une seconde cuisson, entre 1250 et 1300° Celsius ... inutile de dire que le fait de recuire des pièces déjà cuites et émaillées doit engendrer une casse non négligeable. Quoi qu'il en soit, tout ceci requiert naturellement une grande expertise technique qui ne s'apprend pas en un tournemain, les cristallisations étant très sensibles à la gestion de la température dans le four.

The Galaxy Glaze

Voilà pour la technique de cristallisation sortie en droite ligne du "manuel du parfait potier". La photographie ci-dessus illustre d'ailleurs parfaitement cette superposition de la cristallisation sur un émail vitrifié, avec une bonne épaisseur de la paroi du Yunomi.

Galaxy glaze

Mais il semble que Tetsuaki Nakao ait, en parallèle à ces réalisations "académiques", partiellement modifié cette technique en appliquant l'émail destiné à être cristallisé directement sur la pièce et en ne réalisant qu'une seule cuisson, mais directement à forte température, produisant par là un grès fortement vitrifié, ce dernier détail permettant de réaliser des pièces plus fines. Il en résulte une absence d'effet vitrifié au fond de la pièce ainsi réalisée, comme illustré sur la photographie ci-dessus.

The Galaxy Glaze

11 juillet 2012

Kintsugi et Gintsugi : un autre rapport à l'objet

Gintsugi réparation à la laque d'argent
Gintsugi : la brisure devient art ...
Kintsugi, Gintsugi et Urushi-Tsugi sont trois termes qui, à eux seuls, peuvent résumer tout un pan du rapport à l'objet en Asie, très éloigné de notre conception occidentale.

En effet, dès qu'une céramique se brise sous nos cieux, son destin est de rejoindre le dépotoir le plus proche et les grandes pièces de collection voient leur prix chuter de façon drastique, quand elles ne perdent pas tout simplement toute valeur aux yeux des collectionneurs.

Il en est différemment dans la tradition céramique asiatique, où l'objet brisé peut trouver un nouveau souffle et continuer sa vie ... et sur le marché de l'art, de tels bols réparés obtiennent même finalement de meilleurs résultats en vente que des pièces intactes.

Yamane Seigan Gintsugi
Gintsugi sur un Ido Chawan de Yamane Seigan
Historiquement, il est dit que le Shogun Ashikaga Yoshimasa ( 1435 - 1490 ) ayant cassé son bol à thé favori, émis le souhait de voir ce dernier réparé. Le bol fut alors renvoyé d'où il provenait, c'est-à-dire de Chine, dans les mains d'artisans réputés habiles et pouvant satisfaire la demande du souverain. Après un long moment, le bol revint au Japon, mais le Shogun ne fut pas satisfait de la réparation : en effet, les morceaux étaient tenus entre eux par des agrafes métalliques plus que disgracieuses et qui ne rendaient pas réellement l'objet utilisable puisque ne comblant pas les fissures entre chaque morceau. Ashikaga Yoshimasa aurait alors demandé aux artisans japonais de trouver une technique susceptible de pallier aux problèmes posés par la réparation avec des agrafes : la réparation à la laque d'or ou Kintsugi était née de cette recherche ...

réparation de bol à thé : kintsugi
Kintsugi sur bol en Raku
Légende ou non, le Kintsugi était dès lors le moyen, non seulement de restaurer l'intégrité physique d'un objet, mais encore celui de lui rendre son étanchéité et donc toute ses capacités en ce qui concerne les céramiques destinées à contenir des liquides. L'objet retrouve ainsi son usage premier et peut continuer à vivre.

Kintsugi
Le Kintsugi suivant les "lignes de faille", il introduit une asymétrie dans la pièce qui correspond bien au goût du Wabi-Sabi
Mais l'art de la réparation à la laque d'or ne se limite pas au seul Kintsugi. En effet, le Kintsugi connait deux "dérivés", à savoir le Gintsugi, ou réparation à la laque d'argent, ainsi que l'Urushi-Tsugi, la réparation à la laque naturelle Urushi.

céladon corée
Kintsugi sur un céladon coréen du Musée Guimet
Ces techniques ne bornent cependant pas les usages artistiques qui peuvent être réalisés dans le cadre d'une réparation à la laque, et seuls l'habileté du laqueur - restaurateur et son imagination sont un frein à ce qu'il est possible de réaliser, comme on peut le voir dans certaines vitrines du Musée Guimet, ou le laqueur s'est appliqué à remplacer un morceau manquant par une pièce de laque recouverte de dessins de feuilles variées.

musée guimet
Kintsugi et Urushi-Tsugi mélangés sur le col d'une pièce coréenne du Musée Guimet
Dans le Kintsugi, la réparation, si elle suit les lignes de brisure de l'objet, peut ainsi également devenir création artistique à part entière, donnant une nouvelle dimension à l'objet blessé.
Chatsubo
Kintsugi sur un Tsubo du Musée Guimet
De façon plus pragmatique, on rencontre surtout les réparations à la laque sur des pièces en Raku du fait de leur mode de cuisson à "basse" température qui peut provoquer des manques d'adhérence entre la pièce et sa couverte, du moins par endroit. A l'usage, le Chawan perd ainsi des petits bouts de couverte voire même des bouts moins petits, que l'on comble avec le recourt au Kintsugi.

reparation à la laque sur piece ceramique ancienne
Réparations multiples sur le col d'un Mizuzashi en Raku au Musée Guimet
Le Kintsugi connut un tel engouement, notamment au XVIème siècle, qu'il est même dit que certains collectionneurs brisaient volontairement certaines de leurs pièces pour pouvoir les faire réparer. Plus prosaïquement, la multitude des Kintsugi que l'on trouve sur les pièces anciennes vient soit des aléas résultant de leur usage, soit de défauts de cuisson dans les pièces. Mais quoi qu'il en soit, le collectionneur de céramique pourra toujours compter sur le concours de la minutie des services postaux pour réduire en miette n'importe quelle pièce.