Cette question pourrait remonter au XVIIème siècle, période pendant laquelle les pays européens ( et en particulier l'Allemagne, la France et l'Angleterre ) et les pays du golfe persique ont essayé de reproduire les porcelaines chinoises qui faisaient alors fureur. Comme personne ne connaissait alors les "secrets" de fabrication de la porcelaine chinoise, les européens créèrent la porcelaine à pâte tendre également appelée parfois faïence. Cette pâte n'est pas composée de Kaolin, mais d'autres argiles mélangées à de la fritte de verre et n'est pas translucide.
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Un exemple de "copie" de porcelaine : une faïence iranienne au Musée de Sèvres |
La cuisson de cette pâte se faisant aux alentours de 1100 à 1250° Celsius, soit un cuisson de type "grès" ( "stoneware" en anglais ) et la pièce une fois cuite étant plus tendre que la porcelaine ( c'est-à-dire que le passage d'une pièce métallique sur l'émail laisse une marque dans celui-ci ), cette "porcelaine européenne à pâte tendre" s'apparenterait plutôt aux grès ... et n'est donc pas une porcelaine tout compte fait ...
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de "fausse" porcelaine, pâte unique avec des caractéristiques qui lui sont propres ... je sens poindre la déception du lecteur, alléché par le titre ...
La question qui se pose en fait, n'est ainsi pas de savoir si une porcelaine est vraie ou fausse, mais si elle est ancienne ou non ... Dans ce sens, nous parlons de "faux" au sens artistique, c'est-à-dire avec la volonté de tromper un éventuel acheteur ...
Le faussaire n'est pas toujours l'artisan qui réalise la pièce, la définition artistique différenciant la "copie" du "faux", la copie n'étant pas destinée à tromper mais à reproduire, parfois de façon totalement identique, une pièce plus ancienne ... un "faux" ne sera donc pas l'action d'un artisan, aussi doué soit-il, mais bien dans la volonté d'un vendeur de faire passer une pièce pour ce qu'elle n'est pas.
Quoi qu'il en soit, il existe quelques repères fort simples pour déterminer si une porcelaine a été réalisée avant 1912, date qui coïncide avec la fin de l'ère Meiji au Japon et la fin de la dynastie Qing en Chine, que l'on retiendra pour une commodité de datation. En effet, on peut considérer que les années 1900 - 1910 sont une période de fin de transition pour la production de porcelaine en Chine et au Japon, avec le terme de l'introduction de la mécanisation des processus de raffinage du kaolin, mis au point en Europe vers le milieu du XIXème siècle.
Si ce point peut sembler anecdotique, il a en fait toute son importance, car il se traduit directement sur la pâte de porcelaine une fois cuite. Pour comprendre cela, il faut se pencher un instant sur ce qu'est, chimiquement parlant, le kaolin ...
Si vous ne le saviez pas, sachez que le kaolin fait partie de la famille des argiles. Les argiles contiennent en majorité des silicates et oxydes divers ( Potassium, Sodium, Ammonium, Aluminium, Fer, Calcium, Titane, Magnésium, Manganèse, Chrome, Strontium, Baryum, ... ) et de l'eau, ce qui leur confère une certaine imperméabilité à l'état naturel ( du fait d'une granulométrie inférieure à 4 microns ), ainsi qu'une sujétion à certains effets de gonflement ou de retrait en fonction des variations de l'humidité volumique ( ou humidité du sol ). Encore une fois, quel intérêt à cela ? C'est là encore très simple : alors que la majeure partie des argiles contiennent des oxydes ferriques en quantité, ce qui leur confère leur couleur rouge ou cuivrée, le kaolin, lui, contient essentiellement des silicates d'aluminium et, au plus, de 1,64% d' oxyde de fer .... d'où sa couleur blanche naturelle ...
Et donc, pourquoi est-ce important, me direz-vous ... Tout simplement car le fer migre et s’agglutine pour former divers points d'amas d'oxydes ferriques lors de la cuisson ( visiblement, la cuisson à haute température entraine un effet de magnétisme qui entraine l'agglomération des particules ferriques proches les unes des autres et forme ainsi ces divers amas ). C'est là que cela prend tout son sens : avec un kaolin raffiné suivant des méthodes mécaniques introduites progressivement au début du XXème siècle, le fer est pratiquement éliminé, voire l'est totalement, donc les amas d'oxydes ferriques disparaissent peu à peu des porcelaines produites à cette période ... et les pièces antérieures à la fin de l'ère Meiji / la dynastie Qing, deviennent "facilement" identifiables ...
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Dans le corps d'un pièce moderne, un amas bien seul et de trop petite taille pour avoir migré vers les bords de la pièce |
Ces amas sont relativement faciles à repérer, à la surface de la glaçure, formant comme un creux aux bords généralement arrondis ressemblant à un puits ou un soulèvement de glaçure, comme les bords du cratère d'un volcan. Cela se produit suite à la formation de l'amalgame qui empêche la glaçure de le recouvrir ou qui entraine l'éclatement d'une bulle de glaçure.
Toutes les porcelaines anciennes ne sont cependant pas couvertes de ces amalgames ( ce serait trop facile ), suite à un processus de raffinement poussé du kaolin, mais de façon manuelle, ce qui n'enlèvera pas tous les oxydes ferriques. Les amalgames sont alors présents mais restent dans le corps de la pièce en porcelaine. Il suffit d'éclairer le corps de la pièce avec une lampe assez puissante pour voir ceux-ci apparaître. C'est notamment le cas pour les porcelaines impériales, qui font l'objet de soins de manufacturation plus élevés que les productions destinées au commun ( dont la destruction systématique des pièces présentant le défaut même le plus minime ). Ainsi, les pièces particulièrement travaillées présenteront très peu, voire pas du tout d'amalgames en surface.
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Amalgame d'oxydes ferriques dans le col d'un vase, la parois externe de l'objet n'en révélant par ailleurs pas |
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Amalgame d'oxydes ferriques dans le corps d'une potiche, révélé seulement par l'apport de lumière et le jeu de transparence |
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Un peu moins courant : un petit amalgame d'oxydes ferriques qui épouse la forme du corps de l'objet |
Pendant longtemps, ces seuls critères ont été presque suffisant pour repérer l'immense majorité des productions modernes : les fabricants de copies de porcelaines anciennes comme de porcelaines contemporaines ayant pris l'habitude de se fournir auprès des industries de raffinage, tout simplement par facilité ou par gain de temps ( plus d'argile à préparer soi-même mais utilisation d'une argile préparée industriellement ) et d'argent ( utilisation d'une argile produite en grande quantité et donc avec un coût moindre ). Cette remarque est par ailleurs valable pour toute l'argile utilisée pour la fabrication de céramique, qu'elles soient ou non en porcelaine. Aujourd'hui, on voit des porcelaines modernes dont la pâte a été raffinée directement par l'artisan potier ou l'atelier de production et qui présentent donc de multiples amalgames d'oxydes ferriques ! Ceux-ci sont peut être un peu plus "grossiers" que pour les pièces originales, mais tout est question d'appréciation ...
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Un exemple de vase de fabrication moderne réalisé "à l'ancienne" |
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Fabrication moderne "à l'ancienne" ou pièce réellement ancienne, les amalgames ont souvent tendance à être plus nombreux au fond de la pièce |
Il faut donc désormais faire à la fois attention à la présence d'oxydes ferriques,
mais aussi aux micro-rayures qui courent sur la pièce ( car une porcelaine se raye petit à petit par la force de l'usage ) et qui doivent être hétérogènes ( les faussaires frottent par exemple des pierres sur le corps de la pièce pour les reproduire, mais toutes les rayures étant faites par des mouvements identiques et en même temps, un œil exercé peut repérer cette répétition ).
On observera également les manques d'émail, les pièces anciennes présentant parfois des irrégularité dans la continuité de la couverte ou carrément des manques, dû ici à une cuisson au bois mal maîtrisée ... là encore, c'est reproductible, mais tous ces éléments permettent déjà d'éliminer l'immense majorité des copies contemporaines vendues comme antiquités ... reste les "vrais" faux, destinés à tromper collectionneurs et experts, mais dont le volume est moindre, car destiné à un marché relativement restreint. Ce type de faux très élaboré concerne essentiellement les pièces de grande taille, comme les vases, et certains plats, bols ou verseuses plus petits mais de qualité impériale.
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Un exemple de manque ou retrait d'émail |
Quoi qu'il en soit, pour confirmer une datation
se rajoute toujours une étude du décor, de la forme et de l'éventuelle signature ou de l'éventuelle mention portée sur la pièce qui doivent correspondre à la même époque. Cette étape ci requiert par contre une certaine expertise et une certaine formation et ne s'improvise pas. On notera enfin que la falsification suit souvent les modes du marché de l'art et que la plupart des méthodes de datation scientifiques, comme les tests de thermoluminescence, ne sont plus fiables, les faussaires ayant trouvé le moyen de les contourner ( par exemple, pour les porcelaines, par l'habile collage de tessons réellement anciens sous une pièce, là où seront réalisés les prélèvements pour les tests ... les
Mingqi eux, qui sont les pièces les plus contrefaites, car il s'agit de terres cuites et qu'elles sont "à la mode" sur le marché de l'art, sont souvent composés de "terre de tombe" issue de fouilles qui est liée par diverses résines ou par pressage ).