Le jardin Albert Kahn, situé à Boulogne-Billancourt, au 10 - 14 de la rue du Port, est, là encore, un de ces endroit surprenant, du moins la première fois que l'on s'y rend. Il est, par ailleurs, relativement aisé de s'y rendre, et on y entre par un bâtiment moderne qui sert de musée et d'espace d'exposition.
Après s'être acquitté du modique droit d'entrée ( à l'heure actuelle, entre 2,50 € et 3 € suivant qu'il y ait ou pas une exposition en cours ), on passe la sortie de l'espace d'exposition pour tomber presque nez à nez avec un "village" japonais "caché" au milieu de la verdure savamment organisée.
Les bâtiment font un peu "vieillots" et sont ou vont être restaurés, il me semble. Mais cela n'enlève rien à leur charme, au contraire, leur donnant un aspect un peu plus authentique, plus "retiré du monde". Un petit pavillon de thé est en activité suivant les saisons.
De belles lanternes japonaise anciennes jalonnent également le paysage, deci delà, chacune dans un style différent des autres, accentuant l'impression d'être hors du monde.
Le parc possède bien sûr des espaces plus "courants" ( "jardin anglais", "jardin français", "forêt vosgienne", ... ) qui valent le déplacement eux aussi, mais sont, de mon point de vue, en-dessous de la qualité du jardin japonais, même si, il faut l'avouer, ce doit être un plaisir que d'occuper le petit hôtel particulier, ancienne maison d'Albert Kahn, située dans la "forêt bleue". Le jardin japonais est en effet surprenant à bien des égards, non pas par sa seule étendue, mais par la succession des tableaux qu'il propose.
Chaque vue et chaque angle de vue offre un tableau à la fois immobile et en mouvement, toujours hors du temps grâce à des rideaux végétaux disposés avec science.
Tout enchante le regard et certains grands arbres semblent façonnés tels des bonsaïs. Les jeux de lumières ne sont pas en reste, et des trouées dans la verdure laissent apparaître comme des joyaux.
Chaque détail végétal est très soigné, mais le jardin japonais est aussi un jardin de pierre et d'eau, et un regard sur l'immense bassin où s'égayent des carpes koï vient ponctuer une riche visite.
Je ne peux enfin que dire que toutes les photographies, aussi nombreuses soient elles, ne remplaçeront jamais une visite sur place, tant il y a à voir, et je ne peux que vous encourager à aller admirer l'endroit par vous mêmes ...
Chose promise, chose due ! J'avais promis de boire les pires lavasses, je commence donc par celle-ci. Tout le monde connait la version en sachet aromatisé ou non de cette chose :
On le trouve aisément un peu partout, au prix moyen constaté de 9 € le Tuocha de 100 grammes. J'ai trouvé le mien en 2009 chez Tang Frères, 48 rue d'Ivry à Paris, mais en cherchant bien, vous le trouverez aussi au rayon "diététique" de votre supermarché habituel, pour peu que le-dit supermarché ne soit pas trop petit. Je n'en avais goûté alors qu'un petit morceau, puis l'avais mis de côté parce que je le trouvais trop dur à casser, pour finir par l'oublier au fond d'une jarre, hors de son carton.
Autant le dire tout de suite, le nid est dur comme du bois quasi pétrifié et il faut appuyer bien fort sur le pic avec un mouvement de rotation pour qu'il s'enfonce de quelques millimètres ( au passage, bien faire attention de ne pas s'enfoncer le pic dans la main ). Je sais que les thés sous forme de tuocha sont très compressés, mais là, on atteint des sommets ! A force de patience et d'endurance, on arrive a en détacher des morceaux bien compacts.
Sous sa forme sèche, il se dégage une odeur de poisson. Après un premier rinçage, c'est la vieille cave qui vient nous voir. Tout étant resté compact, un deuxième rinçage est nécessaire et là, c'est une odeur de carton qui domine tout d'abord, puis cela sent enfin le Pu Erh cuit, mais brûlé.
Au nez, la liqueur est assez inexpressive, mais des effluves de caramel brûlé se dégagent toutefois.
La liqueur est très sombre, d'un brun très profond, tirant sur le noir. En bouche, un goût de Pu Erh cuit, insistant sur la terre, avec une longueur de champignons de Paris, mais toujours avec une note persistante de carton ondulé. Au fil de dix infusions, la terre s'estompe peu à peu, laissant les champignons blancs prendre l'ascendance, mais sans disparition du carton.
L'infusion quant à elle n'est pas très belle à voir, car elle est composée de morceaux de tiges de tailles diverses, de brisures fines de feuilles et de morceaux de feuilles un peu plus grandes ... rien d'étonnant quand on repense à la façon dont ce tuocha était compressé.
En conclusions :
un mauvais Pu Erh, même un peu vieilli, restera un mauvais Pu Erh.
il faut aussi goûter des lavasses pour avoir des points de comparaison
la marque en question semble revendre différents tuocha de divers producteurs sous la même boite générique de sa marque, car il semble que d'autres ont eu une expérience plus positive avec ce qui semble être un thé de la même marque ... en gros, acheter un tel tuocha serait un peu comme jouer à la loterie ... quoi qu'il en soit, j'ai perdu, pas de doute ...
Voilà un thé surprenant à bien des égards, et la taille de ses feuilles n'est pas la moindre des surprises qu'il apporte. Les feuilles de ce thé semblent en effet démesurées et comme marquées par endroits si elles sont observées de près. Cela est dû à l'étape de pressage manuel sur des claies. Il résulte de la longue manufacturation de ce thé des feuilles tout aussi longues, puisque, dans le présent "échantillon", récolté en avril 2011, chaque brin fait entre 8 et 10 cm :
Les Tai Ping Hou Kui de bonne qualité présentent des feuilles entières et pointues. En outre, les brins doivent être composés du bourgeons et de deux feuilles, feuilles et bourgeons étant presque de la même taille. Tout cela est bien le cas avec ce thé provenant du comptoir Terre de Chine, où il est vendu au prix de 42 € / 100 grammes.
Il est assez incommode de faire rentrer les feuilles dans la théière, du moins si on ne cherche pas à les casser. Cependant, l'opération se fait sans trop de casse, si l'on veux bien prendre le temps nécessaire à sa réalisation. Chaque brin, bien qu'il soit sec, garde en effet une certaine souplesse due à son pressage.
Ce thé dégage, sec, une odeur complexe où se mêlent les algues, l'air marin, l'iode, la verdure et l'herbe coupée en train de sécher.
La liqueur, elle, est d'un jaune très clair et dégage une odeur d'herbe et de feuilles vertes.
En bouche, c'est l'arrivée immédiate de l'herbe coupée, des épinards puis des algues mais sans qu'il y ait réellement l'aspect iodé qui accompagne en général cette sensation. Le tout reste très léger et tout aussi complexe que son odeur sèche le laisser présager.
L'infusion présente des feuilles bien entières et même restées en brin pour la plupart. La longue manufacturation de ce thé apparaît encore ici, et il est fréquent de voir la base d'une feuille restée ronde rattachée à un rameau totalement aplati.
Un thé hors normes donc, extrêmement complexe à bien des égards, mais qui devrait être infusé dans une théière aux formes spécifiques : assez fine et faite en hauteur pour pouvoir y insérer les feuilles de tout leur long.
Bizen se situe dans la région de Chugoku, préfecture de Okayama, et le principal centre de production de la céramique de style Bizen se trouve dans la bourgade proche, Inbe. S'il y a bien un style de céramique japonaise qui, à mes yeux, incarne formellement l'esprit du Wabi-sabi, c'est bien celui de Bizen. Ici, la "couverte accidentelle" règne en maître, le rêche, l'âpre, l'aspect brut du grès dominent sans partage.
La cuisson traditionnelle se fait aux alentours de 1250 ° Celsius. Elle se fait avec du bois de pin et dure de 10 à 15 jours, toujours pour les fours traditionnels, temps pendant lequel il faut bien sûr alimenter manuellement le four et qui entraine une grosse consommation de bois.
Comme toujours, tout paraît simple dans le grès japonais, mais rien ne l'est en vérité, et il y a plusieurs genres dans le style Bizen, et parfois plusieurs genres s'expriment sur une même pièce ...
Tout d'abord, il y a le Hidasuki :
Le hidasuki ou "corde de feu" est certainement le genre le plus récent, puisqu'il nécessite une cuisson en four à gaz pour conserver cet aspect clair. L'objet est d'abord entouré de cordes de paille de riz puis mis à cuir dans un four moderne, ce qui cuit l'argile sans permettre aux retombées de cendre de la marquer. Les cordes, elles, brûlent et créent une couverte aux endroits où elles passaient.
Il y a ensuite le Botamochi :
Il s'agit plus d'une technique que d'un genre à proprement parler : un "dessin" est créé en posant un morceau ou des morceaux de céramique réfractaire sur ou à proximité d'une pièce de plus grande taille lors de la cuisson, ce qui empêche les retombées de cendres à ces endroits. On place également parfois des pièces céramiques sur d'autres pièces plus grandes ce qui va créer d'autres types de variations de couleurs, genre que l'on nomme alors Fuseyaki. Le genre Goma, en particulier, se retrouve également sur les pièces du genre Botomachi, bien que dans la photographie ci-dessus, nous ayons un Botomachi sur un Sangiri partiel suite à enterrement d'une partie de la pièce dans la cendre.
Le Goma est lui le résultat de retombées de cendres de bois de pin, créant une couverte relativement épaisse par endroits seulement :
Il s'agit d'un genre relativement répandu, car très simple, cette couverte étant à l'origine une couverte accidentelle. Le résultat est une couverte, partielle ou non suivant la pièce, assez jaune tirant sur le brun avec parfois des points plus sombres, presque noirs, parfois semblables à des grains de sésame que l'on aurait projetés sur la partie de la pièce la plus exposée aux retombées de cendres. Parfois les retombées de cendres sont si nombreuses qu'elles produisent des effets de coulures et prennent le nom de "Tamadare". Suivant les effets et le mélange des diverses techniques exposées ici, on nomme aussi Kasegoma le type de couverte lorsque celle-ci se pare de tons dans la gamme des verts.
Le AoBizen ou "Bizen bleu" est un genre obtenu par la combinaison d'une cuisson en réduction ( cuisson pauvre en oxygène ) et d'une cuisson à proximité de la flamme ( ce qui va entrainer une atmosphère pauvre en oxygène et majoritairement saturée en dioxyde de carbone ). Inutile de dire que la maîtrise doit être grande et que la casse au sein du four doit être importante. Cela donne une couverte aux tons dominés par le gris, les nuances allant de gris très profonds avec des reflets bleus à des gris clairs relativement pâles.
Enfin, le genre Sangiri, en particulier comme ci-dessus, combine plusieurs effets dont le Aobizen, mais de façon plus complexe, car les pièces sont partiellement et imparfaitement recouvertes d'une épaisse couche de cendre lors de la cuisson, mais aussi par d'autres pièces cuites en même temps, ce qui crée des effets innombrables de couleurs dues aux différences de températures de cuisson ainsi obtenues et à la cuisson également ainsi obtenue de certaines parties seulement en réduction, ce qui donne des effets allant du noir aux effets de lignes irisées quasi invisibles données à l'argile cuite sans couverte de retombée.
Bien conscient que tout cela est peut être abrupt au premier abord, je résumerai pour faciliter une éventuelle consultation :
- Hidasuki : des cordes de riz sont attachées autour de la pièce, par ailleurs protégée des retombées de cendres ( et donc produite avant tout dans des fours modernes avec une cuisson au gaz ou à l'électricité ). En brûlant, les cordes vont marquer la pièce de céramique.
- Goma : les retombées de cendres de pin créent une couverte où dominent des petits points semblables à des grains de sésame.
- Kasegoma : la couverte se forme de la même manière que pour le gomma mais donne des couleurs allant vers des tons verts plus ou moins profonds.
- Botomachi : une "tache" de couleur claire, c'est-à-dire plus claire que le reste de la couverte majoritaire de la pièce, est formée par l'application, pendant la durée de la cuisson, d'une pièce de terre réfractaire sur la partie qui sera plus claire à la fin de la cuisson.
- Fuseyaki : technique proche de la précédente, qui donnera donc généralement le même résultat, et qui consiste à poser une pièce plus petit sur une autre plus grande.
- Aobizen : effet d'une cuisson en réduction produisant toute une gamme de gris sur l'ensemble de la pièce.
- Sangiri : effet produit par la cuisson d'une partie seulement de la pièce en réduction du fait d'un enfouissement partiel de la pièce dans la cendre.
Ce dernier type est sans conteste le plus répandu avec le genre Goma et
le genre Hidasuki. Les genres Botomachi et Fuseyaki quant à eux se
rencontrent généralement que sur de grandes pièces comme les plats ou
sur les Tokkuri. Mais de façon globale, les pièces présentent presque
toujours le résultat d'un ou deux techniques, effet volontaire ou non.
Le genre Hidasuki est relativement décrié par certains, comme
Robert Yellin,
qui le range dans la catégorie de ce qu'il appelle le "plastic bizen"
ou "Bizen de plastique", à savoir des pièces tournées et cuites en
grande quantité dans des fours modernes fonctionnant au gaz de piètre
qualité selon lui. Il est vrai que 99% des pièces de type Hidasuki sont très généralement exécutées à la chaine, sans recherche particulière de modelage, de création ou d'effet artistique et sont surtout destinées à une consommation "courante" de particuliers ou de restaurants recherchant surtout un moindre coût. Pour ma part, si toutes les pièces céramiques n'ont
pas la même qualité d'exécution et la même valeur artistique, je trouve
que ces pièces ne doivent pas forcément être rejetées car elles ont
leurs qualités propres. De plus, le genre Hidasuki peut être vu comme
une réponse aux contingences modernes et comme une preuve de la
vivacité du style de Bizen, qui perdure depuis le 12ème siècle. On
notera enfin qu'avec les moyens de cuisson modernes, le Goma, le
Sangiri et l'Aobizen peuvent être obtenus de façon tout à fait
artificielle et ne sont plus "réservés" aux cuissons au bois.
S'il est un lieu surprenant au plus haut point à Paris, c'est bien le jardin japonais et le pavillon de thé ( Chashitsu ) du Musée Guimet, ou plutôt de son annexe oubliée, les galeries du panthéon bouddhique au 19 de la rue d'Iéna.
Le pavillon en lui-même fut conçu par Nakamura Masao et réalisé par Yamamoto Takaaki, au milieu d'un jardin d'inspiration japonaise créé par Robert Bazelaire.
Le panthéon bouddhique est déjà un endroit des plus surprenant, du fait de sa muséographie, de la richesse et de l'étendue de ses collections, réparties sur deux étages au sein de l'hôtel d'Heidelbach.
La monumentale réplique XIXème du mandala sculpté du Tôji ( taille moyenne des personnages : 60 cm, diamètre moyen des bases : 70 cm, taille moyenne totale de chaque sculpture : 1 m 30 )
Si le panthéon bouddhique, à lui seul, mérite déjà une visite, en particulier du fait de la présence de la réplique du mandala sculpté du Tôji ( "une projection du monde bouddhique selon l'ésotérisme Shingon" pour citer l'ouvrage Le panthéon bouddhique au Japon - Collections d'Emile Guimet par Bernard Frank, et certainement un ensemble unique en Europe et dans le monde occidental en général ), il en est de même du jardin et de son pavillon de thé.
Si l'entrée dans le panthéon bouddhique constitue une rupture avec le monde, l'entrée dans le jardin lui-même constitue une coupure supplémentaire avec le monde moderne. On se retrouve en effet, alors que les grands boulevards et leur agitation sont à moins de 100 mètres à vol d'oiseau, au centre d'un monde mêlant eau, minéraux et végétaux, où le calme règne en maître.
Au milieu de cette oasis de verdure et de calme, se dresse une maison de thé. Au premier abord, il n'y a là qu'une sorte de grande cabane de jardin, mais un examen plus attentif révèle un trésor de précision dans l'exécution de la charpente de cette maison de bois et de papier.
De la même façon, cette précision dans l'exécution se révèle aussi à travers les divers matériaux utilisés : bois, pierre, écorce, bambou entier ou tressé. Tout est d'une extrème finesse bien que les matériaux semblent bruts.
Voilà donc bien une oeuvre d'art d'un autre style, par ailleurs toujours vivante puisque des cérémonies du thé y sont toujours organisées, et c'est toujours pour moi un plaisir de me rendre dans cet endroit si surprenant et si calme ... un espace d'infinie contemplation.