DemysTEAfication

8 février 2016

過年好 - guonian hao - Bon passage de l'année !

je ne vois pas le mal, je ne sens pas le mal, je n'entends pas le mal

Voici le petit billet rituel pour fêter le passage au nouvel an lunaire. Pour aller droit au but, nous quittons donc la chèvre de bois et entrons aujourd'hui dans l'année du Singe de Feu ... les nouvelles années sont toujours propices à la prise de bonnes résolutions mais c'est surtout l'occasion de publier quelques illustrations supplémentaires, comme toujours, cela fait de bonnes séparations entre les paragraphes de ce billet et cela permet de voyager un peu, en pensée tout du moins.

jardin japonais

Comme de coutume, j'en profite toutefois pour souhaiter une nouvelle année lunaire faste aux lecteurs qui viennent ici et leur souhaite donc plein de bon thés pour cette année à venir ! Ne croyant pas trop aux prophéties et autres prédictions, je note cependant qu'il paraitrait que cette année ne serait pas propice au stockage, ce qui est de mauvais augure pour le puerh ... mais seul le temps pourra dire si ce sera effectivement le cas ...Bonne nouvelle année lunaire à tous tout de même, qu'elle soit propice en découvertes !

japanese garden

31 janvier 2016

Percival David Foundation of Chinese Art

collection de céramique chinoise

L'ouvrage Percival David Foundation of Chinese Art. A Guide to the Collection, par Stacey Pierson est une présentation de la fameuse collection de céramique chinoises de Sir Percival David avant que celle-ci ne rejoigne une galerie spécialement consacrée au British Museum.

Percival David Foundation of Chinese Art London
Deuxième étage de la collection en 1974. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art

L'ouvrage présente ainsi une vision de ce que pouvait être l'ancienne présentation de la collection dans le bâtiment qui lui était réservé au sein de l’Université de Londres où elle était exposée à des fins d'étude depuis 1952 au 53 Gordon Square.

53 Gordon Square London
Bâtiment abritant la collection au 53 Gordon Square. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art

Par bien des égards, cet ouvrage est plus complet que certains qui ont été édités depuis le transfert de la collection, comme l'ouvrage de Regine Krahl et Jessica Harrison-Hall, qui s'intéresse plus à une approche de certaines pièces sélectionnées mais qui laisse certains pans de la céramique chinoise dans l'ombre.

Collection de céramiques anciennes chinoises
Une partie de la collection au deuxième étage. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art

Naturellement, l'ouvrage fait aussi la part belle à certaines pièces célèbres comme la fameuse "coupe aux poulets" d'époque Ming, qui sont emblématiques de la collection.

Percival David Foundation of Chinese Art
Coupe aux poulets de style Doucai, époque Ming. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art
chicken cup Ming
Coupe aux poulets de style Doucai, époque Quing. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art
 
Mais le présent ouvrage privilégie surtout une approche par période, présentant plus de pièces pour offrir une vision globale de l'évolution de a céramique chinoise, comme le montre le sommaire de l'ouvrage.

blog sur la céramique
De gauche à droite : céramique Ding des Song Du Nord, céramique Jian de la Dynastie Song et bol à taches d'huile du Henan des Song du Nord. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art

Sommaire détaillé

 Remerciements

Introduction : Sir Percival David

La Fondation et son histoire

La Collection

Carte des fours

Chronologie

Les premiers grès : 3ème - 10ème siècle

La Dynastie Song : 960 - 1279

La Dynastie Yuan : 1279 - 1368

La Dynastie Ming : 1368 - 1644

La Dynastie Qing : 1644 - 1911

Commentaires des illustrations

Bibliographie choisie

Glossaire des céramiques chinoises

porcelaine ancienne chinoise
Cinq coupes au décor de bleu sous couverte, Dynastie Ming. Photographie © Percival David Foundation of Chinese Art

24 janvier 2016

Matcha " Obubu " Premium Grade

chanoyu

Voici un matcha produit par la firme Obubu basée à Wazuka, district de Sorakun, dans la préfecture de Kyoto. Pas de prix d'achat à donner vu qu'il s'agit d'un échantillon offert par un marchand d'objets pour le thé sans autres indications que celles que l'on peut trouver sur le paquet. Mais avec une petite recherche sur le site du producteur, j'ai rapidement trouvé plus d'informations. Il s'agit donc d'un matcha destiné aux boissons diverses et à la cuisine, vendu à 23 € les 100 grammes, issu du cultivar Yabukita, cultivé à l'ombre pour augmenter la chlorophylle, qui est habituellement destiné à produire des Sencha.
 
obubu tea farms kyoto

Donc un Matcha de cuisine et non pas un Matcha de cérémonie ... Alors pourquoi faire un test de dégustation ? Tout d'abord parce que l'échantillon est assez important en terme de poids, puisqu'avec ses 10 grammes bien pesés, je peux réaliser un Koicha et un Usucha, ce qui est parfait pour un test. Ensuite, parce que bien souvent, dans nos contrées les matcha que l'on trouve dans bon nombre de comptoirs sont des reconditionnements aux mentions un peu vagues et qu'il n'est jamais inutile de se former le palais, quelle que soit l'expérience accumulée au fil du temps. Enfin, parce que la frontière entre le Matcha de cérémonie et le Matcha de cuisine est bien souvent plus ténue que l'on peut le croire ...

blog sur le thé

Le Koicha ainsi préparé ne développe qu'une légère amertume au départ, ce qui est plutôt bon signe, et on ressent même rapidement l'Umami accompagné de notes de légumes cuits.

tea blog

L'Usucha quand à lui, développe un peu plus d'amertume de prime abord, qui s'estompe rapidement et c'est ensuite les notes plus herbacées qui dominent. L'Usucha est donc un peu plus décevant que le Koicha.

En conclusion, voici un Matcha de cuisine bien supérieur à bon nombre de choses que l'on peut trouver dans nos contrées et au moins égal à d'autres.

20 janvier 2016

Tigres de papier

affiche exposition musée guimet tigres de papier

Jusqu'au 22 février se tient, au Musée National des Arts Asiatiques Guimet, une exposition intitulée Tigres de papier, consacrée à la peinture coréenne. Celle-ci présente la collection de peintures coréennes du Musée Guimet, qui comprend des œuvres allant du XIVème siècle au XXème siècle.

Présentant quelques 130 pièces qu'il serait bien impossible de présenter en même temps dans la section coréenne du Musée, cette exposition présente donc l'opportunité de mettre côte à côte des œuvres variées qui étonnent même par leur diversité.

exposition tigres de papier musée guimet
Sansin, le dieu de la montagne, Corée, fin XVIIIème - début XIXème siècle, peinture sur soie, mission Varat, 1888, MG 15615. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais

Reprenant en partie les thèmes classiques que l'on retrouve dans la peinture chinoise et dans la peinture japonaise, les peintures coréennes de ces registres n'en montrent pas moins une touche particulière, globalement plus colorée que la peinture japonaise mais aussi globalement plus sobre que la peinture chinoise, presque à mis chemin entre le monde japonais et le monde chinois en quelque sorte, pour ces thèmes.

peinture dragon bondissant corée musée guimet
Dragon bondissant, Corée, XVIIIème - XIXème siècle, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF 098. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

L'exposition présente également des œuvres aux thèmes typiquement coréens, qui marquent plus ou moins la durée de l'époque Choson, qui s'étend de 1392 à 1910. Ainsi, même si l'influence chinoise et japonaise se fait plus ou moins forte, la peinture coréenne est aussi empreinte de dynamiques qui lui sont propres.

tigre et moineau musée national des arts asiatiques guimet
Le Tigre et le Moineau, Dynastie Choson, XVIIIème siècle, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF 093. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier
peinture coréenne tigre et pie musée national des arts asiatiques guimet
Tigre avec ses trois petits, Dynastie Choson, XVIIIème - XIXème siècle, couleurs sur papier, MNAAG, 1999, MA 6371. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

Le tigre est ainsi très présent dans la peinture coréenne, en partie parce que lié aux mythes fondateurs du peuple coréen, mais aussi parce que c'est un animal que l'on rencontre alors relativement fréquemment en Corée, à tel point que cet animal posera des problèmes aux troupes de Toyotomi Hideyoshi en 1592 et en 1598.

Mais l'animal fort puissant est très souvent représenté accompagné d'un oiseau hors d'atteinte. Peut être pour rappeler que le pouvoir royal, malgré sa toute puissance, peut rarement faire taire la rumeur publique, les libelles et les quolibets. Ainsi, aussi puissant soit-on, on n'est jamais tout-puissant.

paravent section coréenne du musée Guimet collection Lee Ufan
Paravent Chaek'kori (détail), Corée, XVIIIème - XIXème siècle, paravent à six panneaux, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF015. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

Dans un autre registre, la peinture coréenne a aussi eut comme thème de prédilection les peintures de paravents aux livres et autres objets de Lettrés que sont pots à pinceaux, pierres à encre et collections d'antiquités. J'oubliais encore les phénix et autres peintures de paysages, mais, pour faire bref, rien ne saurait remplacer une visite.

13 janvier 2016

Utsushi : Inspiration, révérence, copie ou surpassement ?

kuro raku

Le terme japonais Utsushi est difficile à traduire et plus encore à comprendre pour la sphère occidentale, car tenant d'un mode de pensée différent pour ne pas dire totalement opposé en réalité ...

En occident, une copie est une copie, c'est-à-dire qu'elle n'est en aucun cas l’œuvre de tel ou tel maître et, si elle est délibérément vendue comme telle, elle devient même un faux. La marge qui sépare la copie du faux est même si infinitésimale que les deux termes recouvrent une même réalité dans le vocabulaire usuel. En bref, l'idée qui est sous-entendue, c'est que la qualité de telles pièces est intrinsèquement inférieure.

Le terme Utsushi peut ainsi être traduit par les mots copie, reproduction, mais aussi par les mots appropriation, démonstration, émulation, description, dépiction, projection, inspiration, attribution, ..., mais en réalité, le terme Utsushi recouvre tous les mots précédents et tient plus du concept complexe.

Pour commencer à saisir plus facilement ce que recouvre l'Utsushi, il faut se servir de ses yeux et du toucher, et laisser de côté la traduction des signes japonais ainsi que la sigillographie ... 
 
kuro raku kuro raku

Ci-dessus, un bol en Raku portant le signe utilisé par Ryonyu Kichizaemon IX, pour les céramiques qu'il a exécutées après qu'il ait transmis son titre à son successeur, Tannyu Kichizaemon X.

signature ronyu raku

Le sceau est bien là, plutôt bien détaillé et propre, le chawan est bien un vrai Kuro Raku, il est d'excellente facture et bien équilibré, avec une légère décoloration de la glaçure qui tire vers le rouge au bord d'une petite partie des lèvres du Chawan ... est-ce réellement l’œuvre de Ryonyu ? On peut en douter ... est-ce une œuvre sans valeur ? Pas du tout, elle surpasse même bon nombre d’œuvres plus anciennes.

hon'ami koetsu chawan

Ci-dessus, deux œuvres connues, peut être les deux Chawan les plus connus. A gauche, le célèbre Fuji-san créé par Hon'ami Koetsu au XVIIème siècle et le non moins célèbre Omokage, créé par Chojiro au XVIème siècle ... réellement ? Bien sûr que non ...

fujisan chawan
Chawan Fuji-san, par Hon'ami Koetsu. Photographie © Musée des Arts Hattori

Le Chawan Fuji-san est conservé au Musée des Arts Sunritz Hattori à Suwa, tandis que le Chawan Omokage fait partie de la collection Machida Shuha et est en dépôt au Musée Raku à Kyoto ...

Omokage chawan
Chawan Omokage par Chojiro, fondateur de la lignée Raku. Photographie © Musée Raku

Aucune chance de se tromper donc, et revendre une copie de ces œuvres comme originales est tout bonnement impossible ... alors pourquoi réaliser des images de telles œuvres ? Eh bien pas seulement pour le plaisir de pouvoir toucher des pièces du même genre ou utiliser des pièces quasi identiques.

sasaki shoraku utsushi

Le but de l'Utsushi est en effet avant tout de permettre un dialogue entre un artiste actuel et un maître du passé, pas simplement dans le but de l'imiter, mais d'apprendre, pour qui sait voir, ce qu'il peut transmettre à travers les œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. L'Utsushi entraine une sorte d'émulation, en essayant de reproduire une technique et une forme dans le but de la dépasser, d'arriver à faire mieux. Le passé est ainsi lié au présent par ce qu'il transmet, mais aussi au futur par ce qu'il va permettre de faire par la suite. L'élève est ainsi amené à dépasser le maître s'il en a la capacité, mais le maître n'en est pas pour autant oublié et reste même vivant à travers l'élève.

kuro raku chawan

C'est là un trait souvent oublié en occident ou l'on pense souvent à tord qu'originalité est un synonyme de talent : la copie n'est pas nécessairement servile mais permet de réaliser des pièces qui surpasseront ce qui a été réalisé précédemment.

blog sur le thé et la céramique asiatique

L'Utsushi est ainsi une composante essentielle  dans l'art japonais mais aussi plus largement dans l'art asiatique et cela quel que soit le domaine artistique envisagé, et la réalisation d'une copie parfaite est un moyen pour l'apprenti d'arriver à la maîtrise ou pour un artisan chevronné de continuer à apprendre et de continuer à se surpasser, raison pour laquelle il faut notamment toujours se méfier des signatures, qui ne sont jamais un moyen fiable d’authentification d'une céramique, quelle qu'elle soit.

blog sur le thé

Les Utsushi sont ainsi très présents dans la céramique, dans la voie du thé et plus encore dans les ustensiles de la cérémonie du thé, pour permettre de mettre en œuvre le Chanoyu, ou plutôt son esthétique, comme vu par tel ou tel maître de thé, ce qui n’exclus pas pour autant les réinterprétations et les modifications.


kuro raku chawan