DemysTEAfication

1 mai 2015

Kuro Raku : cuisson traditionnelle ou cuisson moderne ?

kintsugi sur raku

Les Kuro Raku ou Raku noirs sont certainement parmi les Chawan les plus onéreux hormis quelques œuvres de grands noms. J'avais déjà expliqué que le processus de fabrication variait entre les Kuro Raku et les autres couleurs de Raku et que cela expliquait cette différence de prix ...

Mais on trouve également des Raku de couleur noire qui n'ont pas été fabriqués selon le processus originel, mais suivant le processus habituellement utilisé pour produire les Aka Raku, les Raku de couleur rouge.

Ce processus différent repose sur l'application d'une couverte qui va donner une couleur noire sans passer par le processus de refroidissement violent. Il n'y a pas là à proprement parler forcément de volonté de tromper de la part du potier qui produit de telles pièces, mais comme les Kuro Raku ont les faveurs des collectionneurs, certains vendeurs, par ignorance ou par manque de scrupules affichent souvent de tels Chawan aux mêmes prix que des Raku noirs réalisés de façon traditionnelle.

On peut donc se demander comment faire la différence, dès lors, entre un Chawan Kuro Raku cuit de façon traditionnelle et une copie plus abordable réalisée selon des méthodes plus modernes ... Tout simplement en relevant certaines traces ...

La trace la plus simple à relever, en général, est la trace de la pince qui a servi à sortir la pièce du four pour la plonger dans l'eau. Celle-ci va en effet laisser une trace plus ou moins visible sur la paroi externe du bol ... petit florilège :

kintsugi sur chawan raku kintsugi sur chawan raku
kuro raku chawan chanoyu et raku
vrai raku traditionnel vrai raku japonais

La taille de la marque varie suivent la taille de la pince utilisée par l'artiste, suivant la manière dont a été saisie la pièce, ..., mais elle est toujours présente et marque toujours la couverte car elle résulte de la seule opération possible pour extraire la pièce brûlante du four en fonction.

La même pince va laisser, à l'intérieur du Chawan, un autre marque, celle de son autre bras ... Celle-ci est en règle générale plus petite, mais est bien là ... on a donc toujours deux traces qui résultent de l'utilisation d'un outil d'acier pour l'extraction du bol.

chawan en raku noir

chawan kuro raku

L'autre signe est une couverte à la fois brillante et mate, lorsque la couverte est relativement fine, qui donne l'impression d'être marquée par la porosité et qui est constellée de trous minuscules sur toute sa surface. Cela est causé par l'argile utilisée mais aussi par le processus violent de refroidissement.

le vrai raku japonais

le vrai raku japonais

Pour les Kuro Raku "modernes", la glaçure appliquée est d'abord plus épaisse et un plus vitrifiée, donc plus brillante, même si des trous dû à la porosité de l'argile, beaucoup moins nombreux, apparaissent çà et là. On ne retrouve pas de traces de pinces puisque les pièces ont été mises à cuire et on été laissée à refroidir dans le four, la couleur étant obtenue grâce à une autre composition.

raku kichizaemon chawan en raku moderne

kintsugi et gintsugi sur raku

La couverte appliquée sur les Kuro Raku, cuits de la même manière que les Aka Raku, est donc différente et cela se ressent notamment au toucher, beaucoup plus lisse, là où il sera plus rugueux avec un Raku noir "traditionnel", et cela, pour ces derniers, même pour les parties où la couverte a été épaissie et est plus lisse que le reste du corps, comme sur l'exemple ci-dessous.

le vrai raku japonais

Ces techniques différentes n'enlèvent rien aux deux types de cuisson, car on peut considérer que ce sont là deux types d'objets différents tant ils le sont au toucher et à l’œil, même si leur destination est la même. Il s'agit juste de pouvoir appréhender ce que l'on a en face de soi, car la technique traditionnelle de production des Raku de couleur noire est beaucoup plus difficile à maîtriser et engendre beaucoup plus de casse.

Les chawan issus des deux modes de cuisson se rejoignent cependant sur un point, très commun aux Raku japonais de toutes sortes, c'est la fragilité de la fixation de leur couverte et la relative fragilité de leur structure, qui fait que l'emploi de ce type de pièces fait souvent appel au Kintsugi ou que de tels objets, quand ils sont anciens et qu'ils ont été utilisés, portent fréquemment des Kintsugi.

réparation à la poudre d'or kintsugi sur chawan kuro raku

29 avril 2015

Sencha Bio n°80 " Hamada Shoten "

thé vert japonais

Ce Sencha est commercialisé par l'épicerie Kioko au 46 Rue des Petits Champs à Paris dans le deuxième arrondissement au prix de 17,50 € les 100 grammes. Il est produit par la compagnie Hamada Shoten Ltd et est issu de l'agriculture biologique. Il répond à la fois aux normes japonaises et aux normes européennes.

revue de thé

La liqueur est d'une belle couleur jaune dorée tirant sur le vert, légèrement trouble.

Au nez, c'est l'herbe fraîche qui domine de loin, avec une touche d'iode. En bouche, l'iode disparait mais l'herbe fraîche domine une liqueur un peu grasse où pointent des notes d'agrumes. Une légère amertume coiffe le tout en longueur en bouche.

blog sur le thé et la céramique

L'infusion est plutôt hachée avec des morceaux de toutes tailles et quelques tiges mais sans trop de petits morceaux.

blog sur le thé

Au final, on a ici un Sencha labellisé "Bio" moins cher que beaucoup de ses concurrents issus de grands comptoirs et qui dégage une complexité aromatique bien plus grande, ce qui lui confère un bon rapport qualité prix.

28 avril 2015

Sencha Ryokucha Midori

blog sur le thé

Ce Ryokucha Midori est commercialisé par le Palais des Thés au prix de 19 € les 100 grammes.

La liqueur est d'un jaune assez trouble avec des reflets verts.

En bouche, c'est l'herbe sèche qui domine mais de façon assez inexpressive, avec un côté assez doux et une petite pointe d'acidité en note finale. Ce manque d'expressivité semble la marque de ce thé dans ce comptoir et le présent Sencha rappelle presque trait pour trait un ancien millésime.

Blog sur le thé

L'infusion est plutôt hachée, sans surprise, avec des morceaux de toutes tailles et un peu de micro-débris.

Blog sur le thé

En conclusion on a là un thé dont on pourrait attendre qu'il ait un caractère plus marqué et qu'il soit un peu plus complexe, mais qui intéressera ceux qui redoutent l'aspect herbeux des Sencha. On pourra donc dire que ce thé s'inscrit dans un peu haut-dessus des Sencha moyen mais que son rapport qualité prix n'est pas du tout à son avantage.

25 avril 2015

L'eau ...

blog sur le thé

Voilà un vaste sujet, qui compose la majeure partie de ce qu'il y a dans une tasse de thé et donc déjà très abondamment commenté et illustré, cela depuis bien avant Lu Yu, il y a plus de 1200 ans ... je veux bien entendu parler de l'eau ... cet élément qui compose la plus grande part du contenu de la tasse de thé ...

jardin japonais

Revenons tout d'abord un peu en arrière, il y a quelques siècles ... A cette époque, il était dit que Lu Yu était capable de faire la différence entre l'eau puisée au milieu de la rivière Nanling et celle puisée sur sa rive ... tout cela nous paraît aujourd'hui sans grande importance et plus proche de l’anecdote contribuant au façonnage des "pouvoirs" d'une personnalité légendaire, d'un "immortel" au sens chinois. On ne saurait nier ce fait, mais à une époque où la potabilité de l'eau devait souvent poser problème, un tel don devait être aussi utile au maître dans l'art du thé que la capacité à accorder la couleur du bol à celle de la liqueur consommée ...

fontaine crapaud

Ce problème de potabilité, par ailleurs, explique peut être en partie que ce soit essentiellement du thé bouilli qui ait été bu pendant les premiers siècles de la consommation du thé et que le thé battu et plus encore le thé infusé aient été consommés plus tardivement. De fait, le Cha Jing de Lu Yu donne des mesures de prophylaxie, comme « il est préférable de creuser d'abord un trou pour faire s'écouler l'eau chargée de miasmes, remplacée par une eau nouvelle qui, elle, sera buvable », ou encore « pour l'eau des fleuves, il faut la puiser loin des zones habitées, pour l'eau des puits, il faut la prendre là où tout le monde le fait d'ordinaire ».

fontaine bambou

Par ailleurs, si on en croit le Cha Jing, « l’eau de source provenant des montagnes est la meilleure, vient ensuite l’eau des fleuves et enfin l’eau des puits, la moins bonne » et « les meilleures de toutes les eaux sont celles qui ruissellent doucement sur des lits de roches » ... tout ceci pourrait paraître de bon conseil pour infuser le thé avec l'eau la plus parfaite, mais elle renvoient plus à un degré de définition de pureté de l'eau qu'à une réelle utilité en matière de définition d'une charge minérale idéale ... pureté par ailleurs autant matérielle que spirituelle ...

En effet, il faut voir ici plus le reflet de croyances religieuses que de réels conseils de préparation. Ainsi, la montagne est l'espace où règne le sacré. Dans le même ordre d'idée, la proximité avec le ciel est un gage de pureté, tandis que la proximité avec le monde souterrain, l'inframonde, et ses dangers inconnus, est source potentielle de pollution.

Dans la même veine, il est intéressant de voir que la meilleure eau est celle qui a été le moins en contact avec la terre, tandis que celle qui sort de la terre est la moins conseillée. Le contact avec la pierre, au contraire est bénéfique, empêchant le contact avec la terre. Là encore, les vertus supposées d'inaltérabilité de la pierre possèdent une certaine connotation "magique" dans le sens où elles pourraient par ailleurs se transmettre à l'eau.

blog sur le thé

D'autres exemples explicites de telles croyances sont par ailleurs également visibles dans le Cha Jing, comme par exemple avec le fait qu' « il ne faut pas boire l'eau qui jaillit avec violence dans les torrents ou les cascades » car « une consommation prolongée peut entraîner des maladies au cou » ... ici, une claire analogie est faite entre le mouvement de l'eau qui tombe en masse, la force qu'un tel mouvement génère et ses effets de pression supposés sur le corps humain.

L'eau emmagasinerait ainsi des forces, des énergies et des esprits dont il faut se méfier et qu'il faut apprendre à éviter : « il arrive qu'il subsiste dans les rivières qui coulent au creux des vallées des poches d'eau où le courant ne circule pas : des premières chaleurs aux premières gelées, toutes sortes de dragons cachés peuvent s'y accumuler et les empoisonner ».

Ainsi, n'oublions pas que dans la médecine traditionnelle chinoise, qui vise à corriger les énergies internes ( les maladies étant dues à des déséquilibres de ces énergies, la guérison survenant quand ces énergies retrouvent leur équilibre, pour faire très court ), les pratiques religieuses étant alors imbriquées à l'administration d'une savante pharmacopée dont le thé fait alors partie.

temple japonais

De façon plus prosaïque, c'est-à-dire adaptée à nos pratiques contemporaines et à notre usage du thé, qu'est-ce qui fait la qualité d'une eau ? Vaste question qui, comme l'appréciation du thé, repose, à mon sens, essentiellement sur le goût personnel.

On peut cependant relever un point qui va éclairer le choix de l'eau ou plutôt qui va expliquer son goût : sa charge minérale ... car eau minérale, eau de source ou eau tirée au robinet, c'est surtout ses composés minéraux qui vont expliquer les différences de goût que peuvent avoir deux eaux ... il suffira, pour s'en convaincre, faire l'expérience de goûter conjointement un verre de Volvic et un verre de Contrex ...

temple japonais

Il y a tellement d'eau dans le commerce, qu'il serait presque impossible d'en faire le tour, mais, en laissant les eaux "rares"de côté, comme la "Iceberg Water" du Canada, la "Speyside & Glenlivet" d’Écosse ( eh oui, ils ne mettent pas que du whisky en bouteille en Écosse ) ou encore les eaux artésiennes, comme la "Voss" du Danemark ou la "Fiji" des îles Fidji, il est assez rapide de faire le tour des eaux que l'on trouve en grandes surfaces ...

On éliminera tout d'abord les eaux trop chargées en minéraux, c'est-à-dire avec un résidu sec à 180° Celsius supérieur proche des 300 mg par litre, ce qui élimine entre autres l'eau de source "Cristaline" - Aurele ( 268 mg/l ), l'eau minérale "Evian" ( 309 mg/l ), l'eau minérale "Thonon" ( 342 mg/l ), l'eau de source "Cristaline" - Chantereine ( 467 mg/l ) ou encore l'eau minérale "Vittel" ( 1084 mg/l ) ... non pas que ces eaux sont impropres à la consommation, mais car leur charge minérale trop importante pourrait trop modifier le rendu du thé.

blog sur le thé

Reste donc les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius de moins de 150 mg/l, sur lesquelles je vais m'attarder un peu plus :

Eau minérale Montclar
PH 8
résidu 139 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium44,4
Sodium1,3
Magnésium1
Potassium
 < 0,5
Bicarbonates137
Nitrates4,4
Sulfates< 5
Chlorures< 1
Fluorures< 0,05
Eau minérale Wattwiller
PH 7,5
résidu 155 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium35
Sodium3
Magnésium11
Potassium1,1
Bicarbonates135
Nitrates0
Sulfates24
Chlorures0
Fluorures0,5
Eau minérale Volvic
PH 7
résidu 130 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium11,5
Sodium11,6
Magnésium8
Potassium6,2
Bicarbonates71
Nitrates6,3
Sulfates8,1
Chlorures13.5
Silice31,7
Eau de source Grand Barbier
PH 7,3
résidu 52,2 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium4,1
Sodium2,7
Magnésium1,7
Potassium0,9
Bicarbonates24,4
Nitrates0,8
Sulfates1,1
Chlorures0,9
Hydrogenocarbonates25,8

Eau minérale Mont Roucous
PH 5,85
résidu 25 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium2,40
Sodium3,10
Magnésium0,5
Potassium0,40
Bicarbonates6,30
Nitrates3
Sulfates2
Chlorures3
Silice8,2
Eau minérale Mont Blanc
PH 7,6
résidu 124,5 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium33
Sodium1,5
Magnésium3,1
Potassium1,9
Bicarbonates52
Nitrates1
Sulfates49
Chlorures< 1
Fluorures0
Eau minérale SPA - Reine
PH 6
résidu 33 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium4,5
Sodium3
Magnésium1,3
Potassium0,5
Bicarbonates15
Nitrates1,9
Sulfates4
Chlorures5
Silice7
Eau de source Rosée de la Reine
PH 5,8
résidu 26,8 mg/l


CompositionValeur en mg/l
Calcium1,6
Sodium3,4
Magnésium< 1,25
Potassium0,4
Bicarbonates10
Nitrates2,8
Sulfates2,3
Chlorures3
Silice8,3

Voilà une série de chiffres qui donne un peu le tournis ... on gardera juste en mémoire que les valeurs pour les eaux minérales sont censées rester stables, tandis qu'elles peuvent parfois varier pour les eaux de source ...

eau de source pour le thé

Que retenir de tout ces chiffres ? Tout d'abord, que  si l'on peux se le permettre, mieux vaut utiliser de l'eau de carafe filtrante type "Brita" que de l'eau du robinet ( sauf en de rares endroits ou l'eau qui sort du robinet est parfaite - à noter cependant que cette filtration pose d'autres problèmes ) ... et que mieux vaut utiliser une eau minérale que de l'eau du robinet, même filtrée ...qu'une fois qu'on a choisi son eau, il faut de préférence s'y tenir et ne plus en changer, ou le faire progressivement, car tout changement risque d'altérer la perception que l'on peut avoir d'un thé. Mais surtout que certaines eaux en bouteilles faiblement minéralisées comme celles détaillées ci-dessus vont apporter une réelle "plus-value" à vos thés ... cela ne changera pas les thés médiocres en grands crus, mais cela va déjà éliminer bon nombre de sensations parasites.

Pour ce qui est du choix de l'eau en lui-même, c'est avant tout affaire de goûts ... A mon sens, il n'est pas besoin non plus de se focaliser sur une minéralité extrêmement faible, car sinon la solution parfaite serait d'infuser avec de l'eau déminéralisée, les eaux qui ont un résidu sec à 180° Celsius d'un peu moins de 150 mg/l faisant très bien l'affaire ... Certains ne jurent que par la Volvic, mais elle est à mon sens trop salée, d'autres ne jurent que par la Mont Roucous, que je trouve trop acide ... le mieux est encore de réaliser des tests sur le même thé et de choisir ce qui plait  le plus ... ce n'est pas le choix qui manque !

eau de source pour le thé

Pour ma part, après avoir fort longtemps utilisé de l'eau filtrée par une cruche Brita, j'utilise l'eau minérale Mont Blanc, au PH plus neutre et au goût moins salé ... elle satisfait en outre aux critères optimum de qualité retenus par Lu Yu, ce qui n'est pas rien après tout ...

fontaine de temple japonais

24 avril 2015

Sencha Ariake " Palais des Thés "

Sencha Ariake " Palais des Thés "

Ce Sencha Ariake est commercialisé au Palais des Thés pour 13 € les 100 grammes.

La liqueur est d'un jaune clair trouble tirant sur le vert.

En bouche, cela commence par une attaque acide qui va durer tout le long comme " musique de fond ", dominant d'abord puis soulignant des arômes de légumes verts cuits. En longueur en bouche, c'est une petite amertume qui vient coiffer le tout.

Demysteafication blog sur le thé et la céramique

L'infusion est très hachée, avec des morceaux de feuilles de toutes tailles mais aussi un certain nombre de brindilles non lignifiées et des miettes

Sencha Ariake " Palais des Thés "

Au final, nous avons là un thé relativement moyen, sans complexité, avec des notes assez faibles mais caractéristiques de certains Sencha, mis a part le problème de l'acidité qui est un réel problème, n'ayant rien à faire là.