DemysTEAfication

23 février 2012

Tai Ping Hou Kui " Terre de Chine "


terre de chine

Voilà un thé surprenant à bien des égards, et la taille de ses feuilles n'est pas la moindre des surprises qu'il apporte. Les feuilles de ce thé semblent en effet démesurées et comme marquées par endroits si elles sont observées de près. Cela est dû à l'étape de pressage manuel sur des claies. Il résulte de la longue manufacturation de ce thé des feuilles tout aussi longues, puisque, dans le présent "échantillon", récolté en avril 2011, chaque brin fait entre 8 et 10 cm :

terre de chine

terre de chine

Les Tai Ping Hou Kui de bonne qualité présentent des feuilles entières et pointues. En outre,  les brins doivent être composés du bourgeons et de deux feuilles, feuilles et bourgeons étant presque de la même taille. Tout cela est bien le cas avec ce thé provenant du comptoir Terre de Chine, où il est vendu au prix de 42 € / 100 grammes.

Il est assez incommode de faire rentrer les feuilles dans la théière, du moins si on ne cherche pas à les casser. Cependant, l'opération se fait sans trop de casse, si l'on veux bien prendre le temps nécessaire à sa réalisation. Chaque brin, bien qu'il soit sec, garde en effet une certaine souplesse due à son pressage.

Ce thé dégage, sec, une odeur complexe où se mêlent les algues, l'air marin, l'iode, la verdure et l'herbe coupée en train de sécher.

La liqueur, elle, est d'un jaune très clair et dégage une odeur d'herbe et de feuilles vertes.

Tai Ping Hou Kui

En bouche, c'est l'arrivée immédiate de l'herbe coupée, des épinards puis des algues mais sans qu'il y ait réellement l'aspect iodé qui accompagne en général cette sensation. Le tout reste très léger et tout aussi complexe que son odeur sèche le laisser présager.

L'infusion présente des feuilles bien entières et même restées en brin pour la plupart. La longue manufacturation de ce thé apparaît encore ici, et il est fréquent de voir la base d'une feuille restée ronde rattachée à un rameau totalement aplati.

thé vert chinois

terre de chine

thé vert

Un thé hors normes donc, extrêmement complexe à bien des égards, mais qui devrait être infusé dans une théière aux formes spécifiques : assez fine et faite en hauteur pour pouvoir y insérer les feuilles de tout leur long.

22 février 2012

Le style de Bizen

bizen yaki

Bizen se situe dans la région de Chugoku, préfecture de Okayama, et le principal centre de production de la céramique de style Bizen se trouve dans la bourgade proche, Inbe. S'il y a bien un style de céramique japonaise qui, à mes yeux, incarne formellement l'esprit du Wabi-sabi, c'est bien celui de Bizen. Ici, la "couverte accidentelle" règne en maître, le rêche, l'âpre, l'aspect brut du grès dominent sans partage.

La cuisson traditionnelle se fait aux alentours de 1250 ° Celsius. Elle se fait avec du bois de pin et dure de 10 à 15 jours, toujours pour les fours traditionnels, temps pendant lequel il faut bien sûr alimenter manuellement le four et qui entraine une grosse consommation de bois.

Comme toujours, tout paraît simple dans le grès japonais, mais rien ne l'est en vérité, et il y a plusieurs genres dans le style Bizen, et parfois plusieurs genres s'expriment sur une même pièce ...

Tout d'abord, il y a le Hidasuki :

hidasuki

bizen

Le hidasuki ou "corde de feu" est certainement le genre le plus récent, puisqu'il nécessite une cuisson en four à gaz pour conserver cet aspect clair. L'objet est d'abord entouré de cordes de paille de riz puis mis à cuir dans un four moderne, ce qui cuit l'argile sans permettre aux retombées de cendre de la marquer. Les cordes, elles, brûlent et créent une couverte aux endroits où elles passaient.

Il y a ensuite le Botamochi :

botamochi

Il s'agit plus d'une technique que d'un genre à proprement parler : un "dessin" est créé en posant un morceau ou des morceaux de céramique réfractaire sur ou à proximité d'une pièce de plus grande taille lors de la cuisson, ce qui empêche les retombées de cendres à ces endroits. On place également parfois des pièces céramiques sur d'autres pièces plus grandes ce qui va créer d'autres types de variations de couleurs, genre que l'on nomme alors Fuseyaki. Le genre Goma, en particulier, se retrouve également sur les pièces du genre Botomachi, bien que dans la photographie ci-dessus, nous ayons un Botomachi sur un Sangiri partiel suite à enterrement d'une partie de la pièce dans la cendre.

Le Goma est lui le résultat de retombées de cendres de bois de pin, créant une couverte relativement épaisse par endroits seulement :

chawan

bol a the bizen

goma

Il s'agit d'un genre relativement répandu, car très simple, cette couverte étant à l'origine une couverte accidentelle. Le résultat est une couverte, partielle ou non suivant la pièce, assez jaune tirant sur le brun avec parfois des points plus sombres, presque noirs, parfois semblables à des grains de sésame que l'on aurait projetés sur la partie de la pièce la plus exposée aux retombées de cendres. Parfois les retombées de cendres sont si nombreuses qu'elles produisent des effets de coulures et prennent le nom de "Tamadare". Suivant les effets et le mélange des diverses techniques exposées ici, on nomme aussi Kasegoma le type de couverte lorsque celle-ci se pare de tons dans la gamme des verts.

Le AoBizen ou "Bizen bleu" est un genre obtenu par la combinaison d'une cuisson en réduction ( cuisson pauvre en oxygène ) et d'une cuisson à proximité de la flamme ( ce qui va entrainer une atmosphère pauvre en oxygène et majoritairement saturée en dioxyde de carbone ). Inutile de dire que la maîtrise doit être grande et que la casse au sein du four doit être importante. Cela donne une couverte aux tons dominés par le gris, les nuances allant de gris très profonds avec des reflets bleus à des gris clairs relativement pâles.

bizen

Enfin, le genre Sangiri, en particulier comme ci-dessus, combine plusieurs effets dont le Aobizen, mais de façon plus complexe, car les pièces sont partiellement et imparfaitement recouvertes d'une épaisse couche de cendre lors de la cuisson, mais aussi par d'autres pièces cuites en même temps, ce qui crée des effets innombrables de couleurs dues aux différences de températures de cuisson ainsi obtenues et à la cuisson également ainsi obtenue de certaines parties seulement en réduction, ce qui donne des effets allant du noir aux effets de lignes irisées quasi invisibles données à l'argile cuite sans couverte de retombée.

sangiri

Bien conscient que tout cela est peut être abrupt au premier abord, je résumerai pour faciliter une éventuelle consultation :

- Hidasuki : des cordes de riz sont attachées autour de la pièce, par ailleurs protégée des retombées de cendres ( et donc produite avant tout dans des fours modernes avec une cuisson au gaz ou à l'électricité ). En brûlant, les cordes vont marquer la pièce de céramique.

- Goma : les retombées de cendres de pin créent une couverte où dominent des petits points semblables à des grains de sésame.

- Kasegoma : la couverte se forme de la même manière que pour le gomma mais donne des couleurs allant vers des tons verts plus ou moins profonds.

- Botomachi : une "tache" de couleur claire, c'est-à-dire plus claire que le reste de la couverte majoritaire de la pièce, est formée par l'application, pendant la durée de la cuisson, d'une pièce de terre réfractaire sur la partie qui sera plus claire à la fin de la cuisson.

- Fuseyaki : technique proche de la précédente, qui donnera donc généralement le même résultat, et qui consiste à poser une pièce plus petit sur une autre plus grande.

- Aobizen : effet d'une cuisson en réduction produisant toute une gamme de gris sur l'ensemble de la pièce.

- Sangiri : effet produit par la cuisson d'une partie seulement de la pièce en réduction du fait d'un enfouissement partiel de la pièce dans la cendre.

bol à thé japonais bizen

Ce dernier type est sans conteste le plus répandu avec le genre Goma et le genre Hidasuki. Les genres Botomachi et Fuseyaki quant à eux se rencontrent généralement que sur de grandes pièces comme les plats ou sur les Tokkuri. Mais de façon globale, les pièces présentent presque toujours le résultat d'un ou deux techniques, effet volontaire ou non. Le genre Hidasuki est relativement décrié par certains,  comme Robert Yellin, qui le range dans la catégorie de ce qu'il appelle le "plastic bizen" ou "Bizen de plastique", à savoir des pièces tournées et cuites en grande quantité dans des fours modernes fonctionnant au gaz de piètre qualité selon lui. Il est vrai que 99% des pièces de type Hidasuki sont très généralement exécutées à la chaine, sans recherche particulière de modelage, de création ou d'effet artistique et sont surtout destinées à une consommation "courante" de particuliers ou  de restaurants recherchant surtout un moindre coût. Pour ma part, si toutes les pièces céramiques n'ont pas la même qualité d'exécution et la même valeur artistique, je trouve que ces pièces ne doivent pas forcément être rejetées car elles ont leurs qualités propres. De plus, le genre Hidasuki peut être vu comme une réponse aux  contingences modernes et comme une preuve de la vivacité du style de Bizen, qui perdure depuis le 12ème siècle. On notera enfin qu'avec les moyens de cuisson modernes, le Goma, le Sangiri et l'Aobizen peuvent être obtenus de façon tout à fait artificielle et ne sont plus "réservés" aux cuissons au bois.

21 février 2012

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

S'il est un lieu surprenant au plus haut point à Paris, c'est bien le jardin japonais et le pavillon de thé ( Chashitsu ) du Musée Guimet, ou plutôt de son annexe oubliée, les galeries du panthéon bouddhique au 19 de la rue d'Iéna.

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

Le pavillon en lui-même fut conçu par Nakamura Masao et réalisé par Yamamoto Takaaki, au milieu d'un jardin d'inspiration japonaise créé par Robert Bazelaire.

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

Le panthéon bouddhique est déjà un endroit des plus surprenant, du fait de sa muséographie, de la richesse et de l'étendue de ses collections, réparties sur deux étages au sein de l'hôtel d'Heidelbach.

statues musée guimet
La monumentale réplique XIXème du mandala sculpté du Tôji ( taille moyenne des personnages : 60 cm, diamètre moyen des bases : 70 cm, taille moyenne totale de chaque sculpture : 1 m 30 )

Si le panthéon bouddhique, à lui seul, mérite déjà une visite, en particulier du fait de la présence de la réplique du mandala sculpté du Tôji ( "une projection du monde bouddhique selon l'ésotérisme Shingon" pour citer l'ouvrage Le panthéon bouddhique au Japon - Collections d'Emile Guimet par Bernard Frank, et certainement un ensemble unique en Europe et dans le monde occidental en général ), il en est de même du jardin et de son pavillon de thé.

Si l'entrée dans le panthéon bouddhique constitue une rupture avec le monde, l'entrée dans le jardin lui-même constitue une coupure supplémentaire avec le monde moderne. On se retrouve en effet, alors que les grands boulevards et leur agitation sont à moins de 100 mètres à vol d'oiseau, au centre d'un monde mêlant eau, minéraux et végétaux, où le calme règne en maître.

lanterne japonaise

Au milieu de cette oasis de verdure et de calme, se dresse une maison de thé. Au premier abord, il n'y a là qu'une sorte de grande cabane de jardin, mais un examen plus attentif révèle un trésor de précision dans l'exécution de la charpente de cette maison de bois et de papier.

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

Une oasis de verdure perdue au milieu du désert urbain

pavillon de thé

pavillon de thé

De la même façon, cette précision dans l'exécution se révèle aussi à travers les divers matériaux utilisés : bois, pierre, écorce, bambou entier ou tressé. Tout est d'une extrème finesse bien que les matériaux semblent bruts.

pierres de fondation

écorce

construction d'un pavillon de thé japonais

Voilà donc bien une oeuvre d'art d'un autre style, par ailleurs toujours vivante puisque des cérémonies du thé y sont toujours organisées, et c'est toujours pour moi un plaisir de me rendre dans cet endroit si surprenant et si calme ... un espace d'infinie contemplation.

19 février 2012

Galette Pu Erh Shu Menghai " 7572 " millésime 2007

recette 7572

Voici en quelque sorte, la suite d'un article précédent. Peu de choses changent pour l'aspect général extérieur donc : la galette fait aussi 357 grammes, elle est aussi produite par la firme Menghai Tea Factory qui appartient au groupe Taetea, toujours dans le Xishuangbanna au Yunnan. La "recette" est la 7572, que l'on ne présente plus non plus, car elle est relativement connue. Elle est mise en vente au prix de 70 € par la boutique L'esprit du thé, là encore.

Galette Pu Erh Shu Menghai 7572

pu erh cuit

Galette Pu Erh Shu Menghai 7572

Les photographies parlent d'elles-mêmes et on ne peut faire que les mêmes constatations que précédemment : protection par une certaine standardisation, par un pliage de l'emballage spécifique, par l'indication de la date d'emballage, par l'apposition d'un logo sécurisé avec bande holographique insérée dans le papier et encres visiblement différentes, dont une partie doit vraisemblablement changer de couleur sous un éclairage ultra-violet pour laisser apparaître une marque quelconque pour prouver l'authenticité de la galette ( je suppose, ici aussi ). Là encore, l'ouverture entraîne la détérioration du papier d'emballage et de l'étiquette de protection. De la même manière, le Nei Fei est lui aussi pourvu de sa bande holographique et de ses encres différentes qui doivent certainement réagir différemment aux ultra-violets.

Galette Pu Erh Shu Menghai 7572

pu er shu

Il est certain que tout ceci peut toujours se contrefaire de façon plus ou moins aisée, mais il faut admettre qu'il faut tout de même être relativement motivé pour ne pas oublier un détail et arriver au même niveau. De plus, tout ceci engendrerait des coûts supplémentaires qui ne seraient pas rentables pour un millésime récent.

Si un soin extrême à été mis dans l'emballage de la galette, son pressage lui, par contre, a été un peu plus "bâclé" et compressée à la chaine ( le trou central, formé par la boule du surplus de tissu qui contient le thé au pressage, n'est pas au centre, n'est pas rond et est de profondeur irrégulière, signe d'une grande hâte dans la mise sous presse ). La compression elle-même est assez forte et il est difficile de détacher de petits blocs, qui restent encore eux-mêmes très compacts, après un rinçage et deux infusions.

thé cuit

thé pu er

Au nez, si les odeurs d'humus sont bien présentes, comme de coutume, on sent aussi le miel et les fruits, ce qui est, il faut le dire, prometteur.  La liqueur est, elle, d'un beau rouge-brun sombre.

En bouche, l'humus est accompagné d'une pointe d'amertume qui disparaît rapidement pour laisser la place à une note fugace d'amandes et de champignons de Paris. Assurément, l'ensemble est assez complexe pour un Pu Erh cuit.

recette 7572

L'infusion comprend cependant peu de brindilles contrairement à l'usage, bien que j'ai pu y trouver un morceau d'écorce issu du tronc.

Galette Pu Erh

La très grande majorité de l'infusion est, de plus, formée de feuilles de taille moyenne relativement morcellées, un peu enroulées sur elles-mêmes et qui se désagrègent si on essaie de les déplier.

Pu Erh Shu

La recette 7572 de la Menghai n'est peut être pas à la hauteur de sa légende, ou ne l'est plus, mais elle ne se situe pas néanmoins dans les plus mauvais Pu Erh, de mon point de vue. Quoi qu'il en soit, elle voit malgré tout ses prix passer du simple au double entre un millésime 2009 et millésime 2007 ( "inflation" inférieure à celle que connaît le Pu Erh Sheng sur la même période cependant ) ... preuve que les légendes ont la vie dure et soutiennent encore les prix, le cas échéant.

16 février 2012

Galette Puerh Shu 2006 par la CNNP

pu erh cuit

Un "classique" d'une grande "firme" chinoise, La China National Native Produce & Animal By-Products Import & Export Corporation, alias la CNNP. Il s'agit bien sûr ici d'un Pu Erh cuit, encore et toujours une galette de 357 grammes, mise ne vente par L'esprit du thé au prix de 45 euros.

pu erh cuit

La galette a l'air assez compressée et les marques du tissu qui sert a retenir les feuilles pour la mise sous presse hydraulique sont bien visibles. Les feuilles se détachent pourtant sans trop de problèmes. Visiblement, il n'y a que des feuilles, qui ont l'air bien entières.


pu erh shu
Le sinogramme "Cha" ( thé ) ... au cas où vous auriez oublié ce que vous buvez ...

Une odeur d'humus se détache tout de suite de l'ensemble, accompagnée par une odeur de feuilles mouillées et de pluie dans les sous-bois. La liqueur est d'un beau rouge-brun foncé et la photographie ne lui fait pas honneur, car la liqueur apparaît plus sombre qu'en réalité.

galette de thé

En bouche, viennent le cuir, la pierre et l'humus. Le tout s'estompe sur une impression de feuilles humides. Pas désagréable et assez complexe et fin.

L'infusion est constituée  de quelques petites brindilles et essentiellement de feuilles de tailles moyennes relativement roulées sur elles-mêmes, qui se désagrègent si on essaie de les dérouler.

galette de thé

palais des thés

Pas trop mal donc, pour cette galette, en particulier pour la relative "complexité" de son bouquet aromatique en bouche. Je m'attendais pourtant à mieux, vu la renommée qui entoure la CNNP et vu "l'article" qui m'avait été fait pour ce thé.