DemysTEAfication

30 mars 2012

Les Marques de Shibuya Eiichi

Shibuya Eiichi est le petit-fils de Shibuya Deishi, qui tient l'atelier Odaibagama à Hagi, nom d'une ville côtière, mais aussi d'un style de céramique, le Hagi-Yaki.

Je le répète ici encore une fois, le Hagi est une couverte appliquée, c'est-à-dire qu'une fois l'objet créé à partir d'argile, puis mis à sécher, il est recouvert d'une glaçure ( ou engobe ) qui va lui donner sa couleur;

Si on trouve les oeuvres de Shibuya Deishi assez facilement sur internet, il n'en est pas de même de celles de son petit-fils, qui sont plus rares, au sens où il "débute" et où il commence à se faire un prénom. Quelques unes de ses œuvres ont été d'ailleurs remarquées, en particulier ses "Rocks", véritables yunomi-cailloux très originaux et réellement particuliers dans le monde de la céramique "utilitaire". C'est justement ce genre de produits qui me fait penser qu'un brillant chemin devrait s'ouvrir pour Shibuya Eiichi, car c'est une sorte de mariage entre une céramique ancestrale ainsi que traditionnelle par bien des aspects et une céramique résolument moderne dans ses formes.

On voit également par d'autres créations une réelle filiation avec l’œuvre de son grand-père qui lui transmet visiblement une multitude de secrets de fabrication qu'il semble assimiler tout en y apportant des modifications visibles si on prête une certaine attention à ses créations.

Après cette petite présentation, parlons de ses marques. Pour ce qui est de celles-ci, il semble qu'il y ait tout d'abord une marque que je qualifierai de "marque de jeunesse" et qui est en fait sa signature :

Hagi

Hagi yaki

On retrouve aussi cette signature, un peu plus facilement lisible sur les Tomobako, accompagnée par son cachet :

Hagi

Shibuya Eiichi

Ce cachet semble servir désormais de nouvelle manière de marquer ses pièces, à la manière dont le fait son grand-père Shibuya Deishi pour ses propres pièces :

Shibuya Eiichi

Cette marque semble d'ailleurs un peu imparfaite, difficilement lisible, comme si Shibuya Eiichi cherchait encore à obtenir quelque chose approchant plus parfaitement le cachet qui orne ses Tomobako.

29 mars 2012

Twitter

jardin japonais

Vivons "à la page" ( mais est-ce vraiment un progrès ? ) : vous pouvez désormais suivre ce blog sur Twitter ... je sais ( encore ), vous vous en moquez, moi aussi .. mais bon, c'est comme çà dans un monde interconnecté !

jardin japonais kyoto

Pour ma part, je dirai sur-connecté, car je sais pas si cette débauche de connections et d'informations est une réelle aide à la compréhension, alors que la formation autour du traitement de l'information et de la diversité de valeur des sources d'informations perd peu à peu de son importance ...

renard japonais

Enfin, voilà un prétexte de plus pour mettre quelques photographies en ligne ...

... quoi qu'il en soit, gare à la déconnexion !

rideau de bambous

28 mars 2012

Magokorodo

boutique de céramique japonaise

Comme je considère ce blog comme une zone d'échange d'idées et de bonnes adresses, je fais aujourd'hui un peu de publicité pour une "enseigne" que je considère comme sûre : Magokorodo.

Magokorodo.Co.Ltd est basé à Tottori et possède un site internet très intéressant bien que majoritairement en japonais : http://www.magokorodo.jp/ . On y trouvera, outre des articles parfois traduits en anglais sur la poterie, d'autres sujets en lien avec l'artisanat japonais. Depuis peu, Il y a aussi une page facebook liée : http://www.facebook.com/magokorodo , qui est très active et qui parle là aussi d'artisanat japonais lié à la céramique, mais aussi d'artisanat japonais en général. Vous trouverez par ailleurs de multiples illustrations de ses produits sur ces deux pages.

magokorodo

Pour ce qui est des achats, bien qu'ayant une boutique "trocadero" ( http://www.trocadero.com/magokorodo/ ), Magokorodo est surtout actif sur sa boutique Ebay : http://stores.ebay.fr/MAGOKORODO .

Je le répète donc, je considère pour ma part cette enseigne comme sûre, puisque j'y ai déjà réalisé de multiples achats et que tout s'y est toujours passé sans problème. Tout y a toujours été réglé avec une grande diligence et superbement emballé pour le périlleux transport par le service postal et tout est toujours arrivé sans casse, ce qui n'est pas un mince exploit.

boutique de céramique japonaise

26 mars 2012

Rochers de lettrés. Itinéraires de l'art en Chine


musée guimet

Voilà une exposition montée par le Musée Guimet qui devrait se révéler intéressante, du moins, j'en prends le pari. Car, en règle générale, toute bonne exposition sur les lettrés ne se cantonne pas seulement aux calligraphies, aux divers objets d'art ou aux objets liés à l'écriture, mais présente aussi diverses céramiques liées à certaines habitudes de consommation de leurs propriétaires dont les alcools mais aussi le thé.

Bien que semblant parfois à la dérive, le Musée Guimet présente fréquemment des expositions d'un intérêt majeur, et celle-ci, qui commencera le 28 mars 2012 et se terminera le 25 juin de la même année, ne devrait pas faire exception.

Catherine Delacour, conservateur en chef, section Chine du musée Guimet fait par ailleurs une description de cette exposition  à venir que je reprends ici :

" Cette exposition d’envergure internationale enrichie de prêts exceptionnels provenant de Chine et des Etats-Unis, a pour objectif de rendre accessible au public le goût des lettrés chinois pour les rochers en le confrontant à une trentaine de ces pierres pluri-millénaires choisies et chéries par des générations de lettrés.

Au total, une centaine d’objets seront exposés, car outre les pierres seront présentés d’autres objets, ceux qui accompagnent depuis toujours les activités des lettrés, peintres et calligraphes de par leur formation, bien sûr, mais aussi et surtout du fait de leur sensibilité personnelle : pots à pinceaux, pierres à encre, pose-pinceaux etc.

Les pierres qui portent en elles les forces telluriques de l’univers, ont reçu des noms poétiques comme « racines de nuages » ou encore, « os de la terre » On dit aussi qu’elles étaient des pans de la voûte céleste tombés sur notre sol.

Ainsi, s’il est clair que leur présence physique ne pourra pas ne pas provoquer d’émotion chez un public désormais sensibilisé à l’art abstrait, c’est également de l’arrière plan philosophique, poétique et mythique chinois dont elles sont les témoins que l’on entretiendra les visiteurs de cette exposition.

Ces dernières caractéristiques appartiennent précisément à ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit lettré ».

C’est donc également à la prise de conscience de ce phénomène propre à la Chine mais au fond, universel puisqu’il s’apparente à une quête d’absolu, que conviera une autre salle de l’exposition. Plus didactique, illustrant surtout par des œuvres graphiques la naissance et le développement de ce phénomène, cette salle offrira en conclusion l’évocation d’un studio de lettré.

La plupart des pierres, objets de lettrés et mobilier proviennent de la collection personnelle du lettré chinois contemporain Zeng Xiaojun (né en 1954), sans la générosité duquel cette exposition n’aurait pu avoir lieu et qui nous offre  en outre  le privilège de découvrir les étonnantes peintures et créations plastiques dont il est l’auteur.

Peintures de rochers et de paysages inspirés par les pierres ponctueront donc cet ensemble où les oeuvres classiques côtoieront des peintures contemporaines témoins de la permanence de l’esprit lettré dans la Grande Chine d’aujourd’hui. Et, de même que la première partie de l’exposition permet de rencontrer l’esprit et les créations de Zeng Xiaojun, la dernière, consacrée au peintre chinois contemporain Liu Dan (né en 1953) nous invite à la découverte des nombreuses facettes d’une oeuvre monumentale. "

Pou finir, je ne peux donc que vous encourager à vous rendre à cette exposition du Musée Guimet, et je posterai un billet sur celle-ci dès que je l'aurai vue de mes yeux.

24 mars 2012

Le Raku ou l'unique céramique du Chanoyu

carte du japon

"Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu" ... cette vieille maxime exprime la "hiérarchie" des styles de céramiques préférés pour le Chanoyu, la cérémonie du thé : en premier le Raku, puis le Hagi et enfin le Karatsu ... elle pourrait aussi signifier autre chose : le seul type de céramique utilisable pour le Chanoyu est le Raku.

Le Raku est un style venant de la ville de Kyoto, dans la préfecture de Kyoto et la région du Kansai sur l'île de Honshu.

Hors de toute considération esthétique, cette place du Raku peut aussi s'expliquer en grande partie pour des raisons historiques. En effet, il est dit que le style Raku Yaki est fondé vers 1580 par le potier Chojiro ( ? - 1590 ) sur la demande de Sen No Rikyu ( 1522 - 1591 ). Ce maître de thé a donc vécu la plus grande partie de sa vie sous les règnes des Shoguns Oda Nobunaga ( 1534 - 1582 ) et Toyotomi Hideyoshi ( 1536 - 1592 ), c'est-à-dire à l'époque Sengoku-Jidai, ce qui signifie "Ère des provinces en guerre". Le pays est alors très morcelé, et en proie à d'incessants combats, qui ne se limitent pas aux guerres entre seigneurs locaux pour la conquête du pouvoir, mais qui voit aussi la formation de "communes paysannes" indépendantes et l'affirmation du pouvoir militaire de différentes factions religieuses, chacune à la tête d'armées de moines-soldats. Bref, c'est une période de guerre intensive, où l'ennemi peut être partout, ce qui ne facilite pas les déplacements de personnes et de marchandises. Quant on sait que le Japon a longtemps été organisé en fiefs sous la domination de Daimyo et que chacun de ces seigneurs règnait en seul maître sur son domaine avec littérallement droit de vie et de mort sur chacun de ses sujet qui devaient obtenir une permission pour commercer et aussi pour voyager vers une autre province, il est aisé de comprendre que la période n'est pas vraiment propice pour le développement du commerce ...

Cette période se traduit enfin par la conquête réalisée par Oda Nobunaga puis par Toyotomi Hideyoshi et par l'affirmation de leur puissance sur une part majeure des îles du Japon, tout cela par le sabre.

période momoyama

Dès lors, alors que le commerce ne peut se faire que très localement, il est certain que ce sont les céramiques produites localement qui se verront plutôt nécessairement préférées. De plus, si le style du Raku-Yaki a effectivement été créé sur la demande de Sen No Rikyu, il est aussi compréhensible que ce dernier, maître de thé de Toyotomi Hideyoshi, ait mis ce style en avant dans le Chanoyu.

Cette introduction dans les sphères proches du pouvoir vaut par ailleurs à Jokei, fils de Chojiro, de recevoir de Toyotomi Hideyoshi son nom : Raku. Il se fonde ainsi une dynastie de potier, qui existe encore de nos jours et un musée leur est d'ailleurs même dédié à Kyoto.

Mais le Raku possède aussi d'autres avantages, notamment du point de vue de la production. Ainsi, la cuisson se fait dans de petits fours, à une température entre 750° Celsius et 1250° Celsius, ce qui signifie que la cuisson est moins onéreuse que pour les grands fours très consommateurs de combustible et que les pertes éventuelles sur une cuisson sont éventuellement plus limitées en cas de défaut de chauffe. La cuisson se fait ainsi dans des fours de petite taille ( Uchigama ) en comparaison des grands fours de flanc de colline, ou "fours grimpants", utilisés auparavant. Il s'en suit aussi une facilité à se rapprocher de la ville en comparaison des grands fours ( Ogama, Anagama, Renboshiki-Gama, Noborigama et Ja-Gama dits "fours dragons" ), consommateurs d'espace, produisant de hautes températures ( 1400° Celsius en moyenne ) et expulsant dans l'air de nombreuses cendres et composés très volatils.

Le montage se fait traditionnellement à la main ( Tebineri ) et sans tour de potier. Il existe aujourd'hui de multiple couleurs dans le style Raku, mais il y en a deux qui prédominent depuis le commencement : le Raku noir ( Kuro-Raku ) et le Raku rouge ( Aka-Raku ). Une autre couleur désormais plus fréquente est le blanc ( Shiro-Raku ) ainsi que diverses autres que l'on retrouve plus marginalement : le vert, le jaune et le brun.

Le Raku noir :

kintsugi

La couleur noire est produite de façon particulière. La glaçure serait historiquement faite à partir de poudre des pierres de la rivière Shimogawa qui coule à Kyoto. Mais c'est le traitement que subi la pièce qui lui donne sa couleur noire : après une cuisson individuelle ou en petites quantités à une température comprise entre 1000° Celsius et 1250° Celsius, le potier sort rapidement la pièce du four à l'aide de pinces pour la plonger dans de l'eau. La pièce subit ainsi un brutal refroidissement du fait de cette immersion qui la fait passer d'environ 1000° Celsius à une température ambiante et qui engendre cette couleur particulière.

Naturellement, le choc brutal de température entraine des pertes, la pièce se fendant en morceaux du fait de ce traitement. Cela explique aussi que les Raku noirs sont les plus chers et les plus prisés par les collectionneurs.

chawan

Le Raku rouge :

chawan

La couleur rouge est plus "simple" à obtenir. Une couche d'engobe est posée sur la pièce, suivie d'une cuisson à 850° Celsius, c'est-à-dire à basse température.

chawan

Certains Raku ne sont pas entièrement couverts de glaçure, comme on peut le voir sur les quatre images ci-dessus, mais on trouve aussi des chawan en Raku entièrement couverts de glaçure dans les fabrications plus anciennes.

raku

raku yaki

Le Raku est enfin apprécié du fait de ses propriétés pour garder la chaleur et les Raku sont en effet assez conducteurs. Cela doit être dû au fait que ce sont des céramiques à pâte tendre. Par contre, ce dernier point est également un point faible de ce type de céramique, car cette pâte tendre et cette cuisson basse fait que la glaçure adhère de façon moindre au corps que ne le fait la glaçure d'un grès. Il arrive ainsi que des parties de glaçure peuvent se détacher, parfois facilement, et que ce problème est courant sur les Chawan en Raku anciens. Ce problème touche cependant plus les Raku rouges que les Raku noirs, et ce phénomène se produit surtout sur les bords supérieurs du Chawan.