Le terme japonais Utsushi est difficile à traduire et plus encore à comprendre pour la sphère occidentale, car tenant d'un mode de pensée différent pour ne pas dire totalement opposé en réalité ...
En occident, une copie est une copie, c'est-à-dire qu'elle n'est en aucun cas l’œuvre de tel ou tel maître et, si elle est délibérément vendue comme telle, elle devient même un faux. La marge qui sépare la copie du faux est même si infinitésimale que les deux termes recouvrent une même réalité dans le vocabulaire usuel. En bref, l'idée qui est sous-entendue, c'est que la qualité de telles pièces est intrinsèquement inférieure.
Le terme Utsushi peut ainsi être traduit par les mots copie, reproduction, mais aussi par les mots appropriation, démonstration, émulation, description, dépiction, projection, inspiration, attribution, ..., mais en réalité, le terme Utsushi recouvre tous les mots précédents et tient plus du concept complexe.
Pour commencer à saisir plus facilement ce que recouvre l'Utsushi, il faut se servir de ses yeux et du toucher, et laisser de côté la traduction des signes japonais ainsi que la sigillographie ...
Ci-dessus, un bol en Raku portant le signe utilisé par Ryonyu Kichizaemon IX, pour les céramiques qu'il a exécutées après qu'il ait transmis son titre à son successeur, Tannyu Kichizaemon X.
Le sceau est bien là, plutôt bien détaillé et propre, le chawan est bien un vrai Kuro Raku, il est d'excellente facture et bien équilibré, avec une légère décoloration de la glaçure qui tire vers le rouge au bord d'une petite partie des lèvres du Chawan ... est-ce réellement l’œuvre de Ryonyu ? On peut en douter ... est-ce une œuvre sans valeur ? Pas du tout, elle surpasse même bon nombre d’œuvres plus anciennes.
Ci-dessus, deux œuvres connues, peut être les deux Chawan les plus connus. A gauche, le célèbre Fuji-san créé par Hon'ami Koetsu au XVIIème siècle et le non moins célèbre Omokage, créé par Chojiro au XVIème siècle ... réellement ? Bien sûr que non ...
Le Chawan Fuji-san est conservé au Musée des Arts Sunritz Hattori à Suwa, tandis que le Chawan Omokage fait partie de la collection Machida Shuha et est en dépôt au Musée Raku à Kyoto ...
Aucune chance de se tromper donc, et revendre une copie de ces œuvres comme originales est tout bonnement impossible ... alors pourquoi réaliser des images de telles œuvres ? Eh bien pas seulement pour le plaisir de pouvoir toucher des pièces du même genre ou utiliser des pièces quasi identiques.
Le but de l'Utsushi est en effet avant tout de permettre un dialogue entre un artiste actuel et un maître du passé, pas simplement dans le but de l'imiter, mais d'apprendre, pour qui sait voir, ce qu'il peut transmettre à travers les œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. L'Utsushi entraine une sorte d'émulation, en essayant de reproduire une technique et une forme dans le but de la dépasser, d'arriver à faire mieux. Le passé est ainsi lié au présent par ce qu'il transmet, mais aussi au futur par ce qu'il va permettre de faire par la suite. L'élève est ainsi amené à dépasser le maître s'il en a la capacité, mais le maître n'en est pas pour autant oublié et reste même vivant à travers l'élève.
C'est là un trait souvent oublié en occident ou l'on pense souvent à tord qu'originalité est un synonyme de talent : la copie n'est pas nécessairement servile mais permet de réaliser des pièces qui surpasseront ce qui a été réalisé précédemment.
L'Utsushi est ainsi une composante essentielle dans l'art japonais mais aussi plus largement dans l'art asiatique et cela quel que soit le domaine artistique envisagé, et la réalisation d'une copie parfaite est un moyen pour l'apprenti d'arriver à la maîtrise ou pour un artisan chevronné de continuer à apprendre et de continuer à se surpasser, raison pour laquelle il faut notamment toujours se méfier des signatures, qui ne sont jamais un moyen fiable d’authentification d'une céramique, quelle qu'elle soit.
En occident, une copie est une copie, c'est-à-dire qu'elle n'est en aucun cas l’œuvre de tel ou tel maître et, si elle est délibérément vendue comme telle, elle devient même un faux. La marge qui sépare la copie du faux est même si infinitésimale que les deux termes recouvrent une même réalité dans le vocabulaire usuel. En bref, l'idée qui est sous-entendue, c'est que la qualité de telles pièces est intrinsèquement inférieure.
Le terme Utsushi peut ainsi être traduit par les mots copie, reproduction, mais aussi par les mots appropriation, démonstration, émulation, description, dépiction, projection, inspiration, attribution, ..., mais en réalité, le terme Utsushi recouvre tous les mots précédents et tient plus du concept complexe.
Pour commencer à saisir plus facilement ce que recouvre l'Utsushi, il faut se servir de ses yeux et du toucher, et laisser de côté la traduction des signes japonais ainsi que la sigillographie ...
Ci-dessus, un bol en Raku portant le signe utilisé par Ryonyu Kichizaemon IX, pour les céramiques qu'il a exécutées après qu'il ait transmis son titre à son successeur, Tannyu Kichizaemon X.
Le sceau est bien là, plutôt bien détaillé et propre, le chawan est bien un vrai Kuro Raku, il est d'excellente facture et bien équilibré, avec une légère décoloration de la glaçure qui tire vers le rouge au bord d'une petite partie des lèvres du Chawan ... est-ce réellement l’œuvre de Ryonyu ? On peut en douter ... est-ce une œuvre sans valeur ? Pas du tout, elle surpasse même bon nombre d’œuvres plus anciennes.
Ci-dessus, deux œuvres connues, peut être les deux Chawan les plus connus. A gauche, le célèbre Fuji-san créé par Hon'ami Koetsu au XVIIème siècle et le non moins célèbre Omokage, créé par Chojiro au XVIème siècle ... réellement ? Bien sûr que non ...
Chawan Fuji-san, par Hon'ami Koetsu. Photographie © Musée des Arts Hattori |
Le Chawan Fuji-san est conservé au Musée des Arts Sunritz Hattori à Suwa, tandis que le Chawan Omokage fait partie de la collection Machida Shuha et est en dépôt au Musée Raku à Kyoto ...
Chawan Omokage par Chojiro, fondateur de la lignée Raku. Photographie © Musée Raku |
Aucune chance de se tromper donc, et revendre une copie de ces œuvres comme originales est tout bonnement impossible ... alors pourquoi réaliser des images de telles œuvres ? Eh bien pas seulement pour le plaisir de pouvoir toucher des pièces du même genre ou utiliser des pièces quasi identiques.
Le but de l'Utsushi est en effet avant tout de permettre un dialogue entre un artiste actuel et un maître du passé, pas simplement dans le but de l'imiter, mais d'apprendre, pour qui sait voir, ce qu'il peut transmettre à travers les œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. L'Utsushi entraine une sorte d'émulation, en essayant de reproduire une technique et une forme dans le but de la dépasser, d'arriver à faire mieux. Le passé est ainsi lié au présent par ce qu'il transmet, mais aussi au futur par ce qu'il va permettre de faire par la suite. L'élève est ainsi amené à dépasser le maître s'il en a la capacité, mais le maître n'en est pas pour autant oublié et reste même vivant à travers l'élève.
C'est là un trait souvent oublié en occident ou l'on pense souvent à tord qu'originalité est un synonyme de talent : la copie n'est pas nécessairement servile mais permet de réaliser des pièces qui surpasseront ce qui a été réalisé précédemment.
L'Utsushi est ainsi une composante essentielle dans l'art japonais mais aussi plus largement dans l'art asiatique et cela quel que soit le domaine artistique envisagé, et la réalisation d'une copie parfaite est un moyen pour l'apprenti d'arriver à la maîtrise ou pour un artisan chevronné de continuer à apprendre et de continuer à se surpasser, raison pour laquelle il faut notamment toujours se méfier des signatures, qui ne sont jamais un moyen fiable d’authentification d'une céramique, quelle qu'elle soit.
Les Utsushi sont ainsi très présents dans la céramique, dans la voie du thé et plus encore dans les ustensiles de la cérémonie du thé, pour permettre de mettre en œuvre le Chanoyu, ou plutôt son esthétique, comme vu par tel ou tel maître de thé, ce qui n’exclus pas pour autant les réinterprétations et les modifications.
3 commentaires:
difficile de poster un commentaire intelligent, c'est vraiment magnifique tous ces chawan raku, ça me fait tourner la tête !!!
merci, vraiment ^.^
De rien, vraiment :)
un beau reportage NHK dans lequel on voit le bol de Chojiro (et de superbes kama - entre autres) : http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/en/vod/corekyoto/20160114.html
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