DemysTEAfication

24 janvier 2016

Matcha " Obubu " Premium Grade

chanoyu

Voici un matcha produit par la firme Obubu basée à Wazuka, district de Sorakun, dans la préfecture de Kyoto. Pas de prix d'achat à donner vu qu'il s'agit d'un échantillon offert par un marchand d'objets pour le thé sans autres indications que celles que l'on peut trouver sur le paquet. Mais avec une petite recherche sur le site du producteur, j'ai rapidement trouvé plus d'informations. Il s'agit donc d'un matcha destiné aux boissons diverses et à la cuisine, vendu à 23 € les 100 grammes, issu du cultivar Yabukita, cultivé à l'ombre pour augmenter la chlorophylle, qui est habituellement destiné à produire des Sencha.
 
obubu tea farms kyoto

Donc un Matcha de cuisine et non pas un Matcha de cérémonie ... Alors pourquoi faire un test de dégustation ? Tout d'abord parce que l'échantillon est assez important en terme de poids, puisqu'avec ses 10 grammes bien pesés, je peux réaliser un Koicha et un Usucha, ce qui est parfait pour un test. Ensuite, parce que bien souvent, dans nos contrées les matcha que l'on trouve dans bon nombre de comptoirs sont des reconditionnements aux mentions un peu vagues et qu'il n'est jamais inutile de se former le palais, quelle que soit l'expérience accumulée au fil du temps. Enfin, parce que la frontière entre le Matcha de cérémonie et le Matcha de cuisine est bien souvent plus ténue que l'on peut le croire ...

blog sur le thé

Le Koicha ainsi préparé ne développe qu'une légère amertume au départ, ce qui est plutôt bon signe, et on ressent même rapidement l'Umami accompagné de notes de légumes cuits.

tea blog

L'Usucha quand à lui, développe un peu plus d'amertume de prime abord, qui s'estompe rapidement et c'est ensuite les notes plus herbacées qui dominent. L'Usucha est donc un peu plus décevant que le Koicha.

En conclusion, voici un Matcha de cuisine bien supérieur à bon nombre de choses que l'on peut trouver dans nos contrées et au moins égal à d'autres.

20 janvier 2016

Tigres de papier

affiche exposition musée guimet tigres de papier

Jusqu'au 22 février se tient, au Musée National des Arts Asiatiques Guimet, une exposition intitulée Tigres de papier, consacrée à la peinture coréenne. Celle-ci présente la collection de peintures coréennes du Musée Guimet, qui comprend des œuvres allant du XIVème siècle au XXème siècle.

Présentant quelques 130 pièces qu'il serait bien impossible de présenter en même temps dans la section coréenne du Musée, cette exposition présente donc l'opportunité de mettre côte à côte des œuvres variées qui étonnent même par leur diversité.

exposition tigres de papier musée guimet
Sansin, le dieu de la montagne, Corée, fin XVIIIème - début XIXème siècle, peinture sur soie, mission Varat, 1888, MG 15615. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais

Reprenant en partie les thèmes classiques que l'on retrouve dans la peinture chinoise et dans la peinture japonaise, les peintures coréennes de ces registres n'en montrent pas moins une touche particulière, globalement plus colorée que la peinture japonaise mais aussi globalement plus sobre que la peinture chinoise, presque à mis chemin entre le monde japonais et le monde chinois en quelque sorte, pour ces thèmes.

peinture dragon bondissant corée musée guimet
Dragon bondissant, Corée, XVIIIème - XIXème siècle, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF 098. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

L'exposition présente également des œuvres aux thèmes typiquement coréens, qui marquent plus ou moins la durée de l'époque Choson, qui s'étend de 1392 à 1910. Ainsi, même si l'influence chinoise et japonaise se fait plus ou moins forte, la peinture coréenne est aussi empreinte de dynamiques qui lui sont propres.

tigre et moineau musée national des arts asiatiques guimet
Le Tigre et le Moineau, Dynastie Choson, XVIIIème siècle, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF 093. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier
peinture coréenne tigre et pie musée national des arts asiatiques guimet
Tigre avec ses trois petits, Dynastie Choson, XVIIIème - XIXème siècle, couleurs sur papier, MNAAG, 1999, MA 6371. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

Le tigre est ainsi très présent dans la peinture coréenne, en partie parce que lié aux mythes fondateurs du peuple coréen, mais aussi parce que c'est un animal que l'on rencontre alors relativement fréquemment en Corée, à tel point que cet animal posera des problèmes aux troupes de Toyotomi Hideyoshi en 1592 et en 1598.

Mais l'animal fort puissant est très souvent représenté accompagné d'un oiseau hors d'atteinte. Peut être pour rappeler que le pouvoir royal, malgré sa toute puissance, peut rarement faire taire la rumeur publique, les libelles et les quolibets. Ainsi, aussi puissant soit-on, on n'est jamais tout-puissant.

paravent section coréenne du musée Guimet collection Lee Ufan
Paravent Chaek'kori (détail), Corée, XVIIIème - XIXème siècle, paravent à six panneaux, couleurs sur papier, collection Lee Ufan, LUF015. Photographie © Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Olivier

Dans un autre registre, la peinture coréenne a aussi eut comme thème de prédilection les peintures de paravents aux livres et autres objets de Lettrés que sont pots à pinceaux, pierres à encre et collections d'antiquités. J'oubliais encore les phénix et autres peintures de paysages, mais, pour faire bref, rien ne saurait remplacer une visite.

13 janvier 2016

Utsushi : Inspiration, révérence, copie ou surpassement ?

kuro raku

Le terme japonais Utsushi est difficile à traduire et plus encore à comprendre pour la sphère occidentale, car tenant d'un mode de pensée différent pour ne pas dire totalement opposé en réalité ...

En occident, une copie est une copie, c'est-à-dire qu'elle n'est en aucun cas l’œuvre de tel ou tel maître et, si elle est délibérément vendue comme telle, elle devient même un faux. La marge qui sépare la copie du faux est même si infinitésimale que les deux termes recouvrent une même réalité dans le vocabulaire usuel. En bref, l'idée qui est sous-entendue, c'est que la qualité de telles pièces est intrinsèquement inférieure.

Le terme Utsushi peut ainsi être traduit par les mots copie, reproduction, mais aussi par les mots appropriation, démonstration, émulation, description, dépiction, projection, inspiration, attribution, ..., mais en réalité, le terme Utsushi recouvre tous les mots précédents et tient plus du concept complexe.

Pour commencer à saisir plus facilement ce que recouvre l'Utsushi, il faut se servir de ses yeux et du toucher, et laisser de côté la traduction des signes japonais ainsi que la sigillographie ... 
 
kuro raku kuro raku

Ci-dessus, un bol en Raku portant le signe utilisé par Ryonyu Kichizaemon IX, pour les céramiques qu'il a exécutées après qu'il ait transmis son titre à son successeur, Tannyu Kichizaemon X.

signature ronyu raku

Le sceau est bien là, plutôt bien détaillé et propre, le chawan est bien un vrai Kuro Raku, il est d'excellente facture et bien équilibré, avec une légère décoloration de la glaçure qui tire vers le rouge au bord d'une petite partie des lèvres du Chawan ... est-ce réellement l’œuvre de Ryonyu ? On peut en douter ... est-ce une œuvre sans valeur ? Pas du tout, elle surpasse même bon nombre d’œuvres plus anciennes.

hon'ami koetsu chawan

Ci-dessus, deux œuvres connues, peut être les deux Chawan les plus connus. A gauche, le célèbre Fuji-san créé par Hon'ami Koetsu au XVIIème siècle et le non moins célèbre Omokage, créé par Chojiro au XVIème siècle ... réellement ? Bien sûr que non ...

fujisan chawan
Chawan Fuji-san, par Hon'ami Koetsu. Photographie © Musée des Arts Hattori

Le Chawan Fuji-san est conservé au Musée des Arts Sunritz Hattori à Suwa, tandis que le Chawan Omokage fait partie de la collection Machida Shuha et est en dépôt au Musée Raku à Kyoto ...

Omokage chawan
Chawan Omokage par Chojiro, fondateur de la lignée Raku. Photographie © Musée Raku

Aucune chance de se tromper donc, et revendre une copie de ces œuvres comme originales est tout bonnement impossible ... alors pourquoi réaliser des images de telles œuvres ? Eh bien pas seulement pour le plaisir de pouvoir toucher des pièces du même genre ou utiliser des pièces quasi identiques.

sasaki shoraku utsushi

Le but de l'Utsushi est en effet avant tout de permettre un dialogue entre un artiste actuel et un maître du passé, pas simplement dans le but de l'imiter, mais d'apprendre, pour qui sait voir, ce qu'il peut transmettre à travers les œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. L'Utsushi entraine une sorte d'émulation, en essayant de reproduire une technique et une forme dans le but de la dépasser, d'arriver à faire mieux. Le passé est ainsi lié au présent par ce qu'il transmet, mais aussi au futur par ce qu'il va permettre de faire par la suite. L'élève est ainsi amené à dépasser le maître s'il en a la capacité, mais le maître n'en est pas pour autant oublié et reste même vivant à travers l'élève.

kuro raku chawan

C'est là un trait souvent oublié en occident ou l'on pense souvent à tord qu'originalité est un synonyme de talent : la copie n'est pas nécessairement servile mais permet de réaliser des pièces qui surpasseront ce qui a été réalisé précédemment.

blog sur le thé et la céramique asiatique

L'Utsushi est ainsi une composante essentielle  dans l'art japonais mais aussi plus largement dans l'art asiatique et cela quel que soit le domaine artistique envisagé, et la réalisation d'une copie parfaite est un moyen pour l'apprenti d'arriver à la maîtrise ou pour un artisan chevronné de continuer à apprendre et de continuer à se surpasser, raison pour laquelle il faut notamment toujours se méfier des signatures, qui ne sont jamais un moyen fiable d’authentification d'une céramique, quelle qu'elle soit.

blog sur le thé

Les Utsushi sont ainsi très présents dans la céramique, dans la voie du thé et plus encore dans les ustensiles de la cérémonie du thé, pour permettre de mettre en œuvre le Chanoyu, ou plutôt son esthétique, comme vu par tel ou tel maître de thé, ce qui n’exclus pas pour autant les réinterprétations et les modifications.


kuro raku chawan

2 janvier 2016

Au bord du ruisseau. Céramiques du Samouraï - Homme d'Etat HOSOKAWA Morihiro

espace mitsukoshi étoile paris

Publié en 2010, ce catalogue présente les œuvres créées pour la cérémonie du thé créées par Hosokawa Morihino ( 1938 - ... ), ancien Premier Ministre du Japon et descendant de la longue lignée du clan Hosokawa.

chawan Hosokawa Morihiro
Bol à thé en grès Raku blanc, 2007. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

Largement illustré, le catalogue présente ainsi de nombreuses céramique réalisées par Hosokawa Morihiro, dans de nombreux styles différents, comme le Raku, le Shino, le Shigaraki ou encore le Karatsu. Mais il présente également les nombreuses réalisations dans le domaine de la calligraphie, de la laque, des objets en bambou et même des céramiques architecturales qui vont venir habiller le jardin autour du pavillon de thé.

Hosokawa Morihiro
Plat rectangulaire en grès Karatsu de style Chosen, 2007. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

Sommaire détaillé :

Histoire de la famille Hosokawa

Le Premier Ministre qui règne sur la forêt, par Miyake Issey

L'univers du Raku

Bouddhas en céramique : une fantaisie en plein-air

Poteries plurielles

L'atelier Futoan et le pavillon Ichiyatei, par Fujimori Terunobu

Les plaisirs de la caligraphie

Bambou et laque

Techniques céramiques

Catalogue - Notices des œuvres par l'artiste

Along the river. Ceramics by the Samurai Statesman Hosokawa Morihiro

Hosokawa Morihiro
Bol à thé en grès Shino, 2008. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

La particularité d'Hosokawa Morihiro est de présenter à la fois une vision traditionnelle du Chanoyu, en particulier à travers ses céramiques, ses Chashaku, ses Hanaire et certaines de ses calligraphies.

Hosokawa Morihiro
Lanterne en grès Shigaraki, 2009. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

Mais certaines autres de ces calligraphies sont également comme une porte d'entrée vers une vision plus moderne de la cérémonie du thé japonais, vision exacerbée dans le pavillon de thé Ichiyatei.

Ryokan Taigu ( 1751 - 1831 )
Calligraphie d'un poème du moine zen Ryokan Taigu ( 1751 - 1831 ), « Dans ma minuscule cabane isolée / Où, de la journée, nulle âme ne vient, / J'entends, solitaire à ma fenêtre, / Le bruissement des feuilles qui tombent », 2004. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

Le pavillon de thé Ichiyatei, réalisé par Fujimori Terunobu, est ainsi une vision d'un Chanoyu non figé et sclérosé. Descendant de Hosokawa Tadaoki ( 1563 - 1646 ), grand Daimyo ayant servi successivement  Oda Nobunaga, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa mais aussi maître de thé, Hosokawa Morihiro a voulu un pavillon différent du pavillon traditionnel. Du nom de Ichiyatei, c'est-à-dire "Le Pavillon d'un soir", ce Chashitsu a été conçu en moins de trois mois et monté à partir d'éléments mobiles en une demi-journée.

pavillon de thé de Hosokawa Morihiro
Pavillon Ichiyatei, 2004. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

Ainsi, ce pavillon de thé ne comprend pas les traditionnels Tokonoma, Tatamis au sol et Shoji garnis de papier, mais reste un espace de taille réduite, avec traditionnel le ro et l'entrée de type nijiri-guchi pour les invités. Nouveauté d'importance, les larges fenêtres laissent entrer la lumière dans un espace habituellement baigné par une certaine pénombre.

vase en bambou
Vase en bambou, 2007. Photographie © Comité d'organisation de l'exposition HOSOKAWA Morihiro / Futo Co. Ltd.

29 décembre 2015

Master Luo Pre-Qingming West Lake Long Jing "Postcard Teas"

Long Jing puits du dragon

Sorti des brouillons, voici un Long Jing de Postcard Teas vendu au prix de 33 £ les 20 grammes, soit 169,70 € les 100 grammes. En règle générale, les thés cueillis avant la fête de Qingming ( ou Qingmingjie ), soit le 4 avril pour le millésime concerné par cette revue, sont très recherchés, ce qui explique leurs prix élevés. Ce thé est originaire du village de Meijiawu, près de Hangzhou et de son fameux lac de l'Ouest, dans la province du Zhejiang.

blog de thé

blog sur le thé

blog sur le thé et la céramique

La liqueur est d'un beau jaune doré aux reflets pâles, bien translucide et rien ne vient troubler l'impression de qualité qui s'en dégage.

Master Luo Pre-Qingming West Lake Long Jing Postcard Teas

Au nez, ce sont les noisettes qui viennent tout de suite, avec une petite impression sucrée et fruitée très évanescente. En bouche, ce sont les noisettes fraîches qui dominent, suivies de noix peu marquées, le tout étant très aérien. Les impressions qui se dégagent sont stables d'un bout à l'autre mais très légères, tout en finesse, et la longueur en bouche est dans cette continuité.

Master Luo Pre-Qingming West Lake Long Jing Postcard Teas

L'infusion, qui est plutôt belle, est constituée de feuilles et de bourgeons seuls ainsi que d'un bourgeon accompagné d'une ou deux feuilles, même si ce sont les bourgeons accompagnés d'une feuille qui dominent la composition. Les feuilles sont bien entières mais surtout elles sont de très petite taille et les bourgeons sont très fins.

Blog de thé

Au final, voici un thé sans aucun doute d'excellente facture, très fin et très aérien. Ce thé risque néanmoins de décevoir ceux qui pourraient s'attendre à des arômes marqués et puissants mais c'est justement cette finesse qui fait tout son intérêt. Pour ce qui est du prix, le fait d'être un thé "couru" grève un peu son rapport qualité / prix et que l'on n'en fera assurément pas un thé quotidien, mais c'est sans aucun doute une expérience à faire, en partie pour voir ce que peut être un Long Jing parfaitement équilibré.