DemysTEAfication

24 mars 2012

Le Raku ou l'unique céramique du Chanoyu

carte du japon

"Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu" ... cette vieille maxime exprime la "hiérarchie" des styles de céramiques préférés pour le Chanoyu, la cérémonie du thé : en premier le Raku, puis le Hagi et enfin le Karatsu ... elle pourrait aussi signifier autre chose : le seul type de céramique utilisable pour le Chanoyu est le Raku.

Le Raku est un style venant de la ville de Kyoto, dans la préfecture de Kyoto et la région du Kansai sur l'île de Honshu.

Hors de toute considération esthétique, cette place du Raku peut aussi s'expliquer en grande partie pour des raisons historiques. En effet, il est dit que le style Raku Yaki est fondé vers 1580 par le potier Chojiro ( ? - 1590 ) sur la demande de Sen No Rikyu ( 1522 - 1591 ). Ce maître de thé a donc vécu la plus grande partie de sa vie sous les règnes des Shoguns Oda Nobunaga ( 1534 - 1582 ) et Toyotomi Hideyoshi ( 1536 - 1592 ), c'est-à-dire à l'époque Sengoku-Jidai, ce qui signifie "Ère des provinces en guerre". Le pays est alors très morcelé, et en proie à d'incessants combats, qui ne se limitent pas aux guerres entre seigneurs locaux pour la conquête du pouvoir, mais qui voit aussi la formation de "communes paysannes" indépendantes et l'affirmation du pouvoir militaire de différentes factions religieuses, chacune à la tête d'armées de moines-soldats. Bref, c'est une période de guerre intensive, où l'ennemi peut être partout, ce qui ne facilite pas les déplacements de personnes et de marchandises. Quant on sait que le Japon a longtemps été organisé en fiefs sous la domination de Daimyo et que chacun de ces seigneurs règnait en seul maître sur son domaine avec littérallement droit de vie et de mort sur chacun de ses sujet qui devaient obtenir une permission pour commercer et aussi pour voyager vers une autre province, il est aisé de comprendre que la période n'est pas vraiment propice pour le développement du commerce ...

Cette période se traduit enfin par la conquête réalisée par Oda Nobunaga puis par Toyotomi Hideyoshi et par l'affirmation de leur puissance sur une part majeure des îles du Japon, tout cela par le sabre.

période momoyama

Dès lors, alors que le commerce ne peut se faire que très localement, il est certain que ce sont les céramiques produites localement qui se verront plutôt nécessairement préférées. De plus, si le style du Raku-Yaki a effectivement été créé sur la demande de Sen No Rikyu, il est aussi compréhensible que ce dernier, maître de thé de Toyotomi Hideyoshi, ait mis ce style en avant dans le Chanoyu.

Cette introduction dans les sphères proches du pouvoir vaut par ailleurs à Jokei, fils de Chojiro, de recevoir de Toyotomi Hideyoshi son nom : Raku. Il se fonde ainsi une dynastie de potier, qui existe encore de nos jours et un musée leur est d'ailleurs même dédié à Kyoto.

Mais le Raku possède aussi d'autres avantages, notamment du point de vue de la production. Ainsi, la cuisson se fait dans de petits fours, à une température entre 750° Celsius et 1250° Celsius, ce qui signifie que la cuisson est moins onéreuse que pour les grands fours très consommateurs de combustible et que les pertes éventuelles sur une cuisson sont éventuellement plus limitées en cas de défaut de chauffe. La cuisson se fait ainsi dans des fours de petite taille ( Uchigama ) en comparaison des grands fours de flanc de colline, ou "fours grimpants", utilisés auparavant. Il s'en suit aussi une facilité à se rapprocher de la ville en comparaison des grands fours ( Ogama, Anagama, Renboshiki-Gama, Noborigama et Ja-Gama dits "fours dragons" ), consommateurs d'espace, produisant de hautes températures ( 1400° Celsius en moyenne ) et expulsant dans l'air de nombreuses cendres et composés très volatils.

Le montage se fait traditionnellement à la main ( Tebineri ) et sans tour de potier. Il existe aujourd'hui de multiple couleurs dans le style Raku, mais il y en a deux qui prédominent depuis le commencement : le Raku noir ( Kuro-Raku ) et le Raku rouge ( Aka-Raku ). Une autre couleur désormais plus fréquente est le blanc ( Shiro-Raku ) ainsi que diverses autres que l'on retrouve plus marginalement : le vert, le jaune et le brun.

Le Raku noir :

kintsugi

La couleur noire est produite de façon particulière. La glaçure serait historiquement faite à partir de poudre des pierres de la rivière Shimogawa qui coule à Kyoto. Mais c'est le traitement que subi la pièce qui lui donne sa couleur noire : après une cuisson individuelle ou en petites quantités à une température comprise entre 1000° Celsius et 1250° Celsius, le potier sort rapidement la pièce du four à l'aide de pinces pour la plonger dans de l'eau. La pièce subit ainsi un brutal refroidissement du fait de cette immersion qui la fait passer d'environ 1000° Celsius à une température ambiante et qui engendre cette couleur particulière.

Naturellement, le choc brutal de température entraine des pertes, la pièce se fendant en morceaux du fait de ce traitement. Cela explique aussi que les Raku noirs sont les plus chers et les plus prisés par les collectionneurs.

chawan

Le Raku rouge :

chawan

La couleur rouge est plus "simple" à obtenir. Une couche d'engobe est posée sur la pièce, suivie d'une cuisson à 850° Celsius, c'est-à-dire à basse température.

chawan

Certains Raku ne sont pas entièrement couverts de glaçure, comme on peut le voir sur les quatre images ci-dessus, mais on trouve aussi des chawan en Raku entièrement couverts de glaçure dans les fabrications plus anciennes.

raku

raku yaki

Le Raku est enfin apprécié du fait de ses propriétés pour garder la chaleur et les Raku sont en effet assez conducteurs. Cela doit être dû au fait que ce sont des céramiques à pâte tendre. Par contre, ce dernier point est également un point faible de ce type de céramique, car cette pâte tendre et cette cuisson basse fait que la glaçure adhère de façon moindre au corps que ne le fait la glaçure d'un grès. Il arrive ainsi que des parties de glaçure peuvent se détacher, parfois facilement, et que ce problème est courant sur les Chawan en Raku anciens. Ce problème touche cependant plus les Raku rouges que les Raku noirs, et ce phénomène se produit surtout sur les bords supérieurs du Chawan.

23 mars 2012

Hamasa Shoten " Kioko "

matcha kioko paris

Voilà le frère jumeau du précédent, la certification biologique en moins ! Il est mis en vente au prix de 11,40 € les 30 grammes, soit 38 € les 100 grammes.

Au nez, rien de particulier, le Matcha, sec ou humide ... là encore.

épicerie japonaise

En bouche, c'est strictement la même chose que le précédent de la même marque, ce qui me conforte dans l'impression que les différentes marques de Matcha font du "montage", c'est-à-dire qu'elles mélangent diverses provenances pour avoir un goût identique ou très proche sur l'ensemble ou sur un part de leur gamme, parfois d'années en années, et corrigent ainsi les aléas climatiques qui peuvent affecter les diverses récoltes.

La couleur de la liqueur est identique à celle de la version biologique, et je mets donc une photographie qui change un peu, où vous pouvez admirer une fine mousse, effet du battage.

cérémonie du thé

En conclusion, ce matcha est identique à celui de la même marque, le "Bio" en moins et à un prix plus abordable, ce qui en fait un excellent Matcha pour une consommation régulière.

22 mars 2012

Hamasa Shoten Bio " Kioko "

kioko paris

Tiens, c'est la première fois que je rédige un billet sur un thé Biologique. Bon, il s'agit d'un Matcha Bio, donc, distribué par Kioko au prix de 13,10 € pour 20 grammes, soit 65,50 € les 100 grammes.

Au nez, rien de spécial, sec, cela sent le Matcha ( évitez d'inspirer trop fort ), une fois battu, cela sent le Matcha humide ...

kioko paris

En bouche, le Matcha, toujours et encore ( je sais, c'est monotone ces billets sur le Matcha, mais il en est ainsi, avec ce thé à part ). Rien de spécial ne se détache, on se dit juste " c'est un Matcha". Tout y est : la petite pointe d'amertume, très légère, et la verdure du type algues, mais sans air de marée.

matcha chanoyu

Au final, le Bio se paie assez cher. La certification est japonaise et les contrôles ont étés faits au Japon. Je ne sais donc pas s'il elle est valable pour une vente en France sous le standard Biologique, très réglementé. Ce n'est pas un Matcha exceptionnel, mais il n'est pas mauvais non plus et je le qualifierai de bon "milieu de gamme".

18 mars 2012

Lu Yin Zen - Aiguilles vertes " Palais des Thés "

thé jaune

Voilà un moment que j'avais partiellement préparé la "revue" de ce thé, et je le mets enfin en ligne après bien des interrogations sur ce thé hors du commun, désormais épuisé ... "l'article" lui étant consacré ayant disparu du site du Palais des Thés, que celui-ci soit sa mémoire mais non son tombeau ...

Ce thé issu du Yunnan, récolte de 2010. Il était mis en vente au prix de 39 € les 100 grammes.

Sec, c'est surtout la verdure qui se détache, assez légère par ailleurs. Le thé est uniquement constitué de bourgeons, tous extrêmement fins, tels des aiguilles, non couverts de duvet. La liqueur est très claire, d'un jaune transparent, presque invisible.

Palais des Thés

Au nez, c'est surtout le côté vert qui ressort, toujours très léger. En bouche, la liqueur est très surprenante. En effet, le côté vert est dominant, avec un petit arrière plan très légèrement fruité, mais c'est une impression duveteuse qui envahi le palais. Cette impression n'est pas du tout dérangeante, bien au contraire, elle donne une douceur inouïe à l'ensemble, par ailleurs très complexe dans le dégradé continu de la même note de verdure, décomposée en multiples intensités, chacune avec un caractère légèrement différent.

L'infusion n'est pas en reste, et est visiblement d'une qualité supérieure, uniquement composée de bourgeons, tous de taille identique ou presque, ce qui signifie que le tri a été d'un soin extrême lui aussi lors de la manufacturation de ce thé.

thé jaune lu yin zen

bourgeons de thé jaune

Ce thé est donc un excellent cru à mon sens, et je le range de loin parmi mes thés préférés, preuve pour moi que l'on peut trouver des thés d'exception même dans les grands comptoirs, contrairement à ce que l'on peut parfois lire à droite et à gauche sur le net. Je m'interroge cependant sur sa classification par le Palais des Thés. En effet, lors de son inscription au catalogue de ce comptoir, il était inscrit dans la catégorie des thés verts peut être parce qu'il n'y a pas de catégorie "thés jaunes" dans ce même catalogue ... car il s'agit plus d'un thé jaune selon moi ; il en a toutes les caractéristiques de finesse et de complexité dans la stratification de la liqueur qui, de plus, est bien trop diaphane et claire pour correspondre à celle d'un thé vert, d'aussi bonne qualité soit-il, raisons pour lesquelles je le classe sans aucune hésitation sous la catégorie "thé jaune".

Sur le plan du rapport qualité prix, ce thé vaut largement son prix, tant il est fin, et l'on ne regrette à aucun moment son achat.

17 mars 2012

Les diverses formes de Chawan

types de chawan

Si le mot Chawan désigne le bol à thé, ce terme recouvre différentes formes. Les Chawan s'articulent ainsi autour de quatre formes de base. Ci-dessus, de gauche à droite, nous avons ainsi un Tsutsu-Chawan ( style Hagi, par Shibuya Deishi ), un Chawan de forme Ido ( style Hagi, par Yamane Seigan ), un Chawan de forme commune appelée Han Tsutsu-gata ( ici, dans le style Raku ) et un Natsu-chawan aussi appelé Hiragata-chawan ( ici dans la forme particulière appelée Badarai ).

chawan

Chaque type a ses caractéristiques qui répondent plus ou moins à un but précis :
  • Le Tsutsu-Chawan est une forme dite "d'hiver", car il est moins large et plus haut qu'un Chawan "normal", ce qui conserve en théorie la chaleur plus longtemps.
  • L'Ido-Chawan est plus petit à sa base et plus large à son bord, il va ainsi en s'élargissant, de façon ronde ( comme ici ) ou de manière plus droite. C'est donc un bol évasé, forme vraisemblablement originaire de Corée et "importée" par la suite au Japon.
  • Le Chawan Han Tsutsu-gata "commun" est la forme par excellence, celle qui est la plus répandue, aux parois relativement droites, assez bien proportionné dans l'ensemble, un peu plus large que haut, et au fond plus ou moins aussi large que le bord.
  • Le Natsu-chawan est un bol quasi plat, plus large que la normale et aux bords peu élevés, si bien que l'on caractérise souvent le Natsu-chawan de forme "d'été", le refroidissement du Matcha étant plus rapide en théorie.
Suivant le point du vue où l'on se place, il y a ainsi trois ou quatre formes "de base" pour les Chawan. Les Chawan de forme Tsutsu ou Natsu en font deux, la forme Ido et la forme Han Tsutsu-gata en forment deux autres ou une seule suivant le point de vue car la forme commune découlerait de la forme Ido, mais chacun se forgera sa propre opinion, car de la même manière, on pourrait alors aussi y rattacher la forme Tsutsu.