D'un point de vue strictement pratique, l'utilisation d'une
porcelaine ancienne ou moderne ne change pas grand chose pour le buveur de thé ... et pour être un peu provocateur, j'irais même jusqu'à dire que les anciens, en présence d'une pâte de porcelaine moderne, préfèreraient vraisemblablement cette dernière à une pâte de leur époque ... Pourquoi ? Tout simplement car la pâte de porcelaine actuelle, avec son raffinage mécanique poussé et la disparition quasi totale d'oxydes ferriques, fait qu'aujourd'hui la porcelaine la plus bas de gamme atteint, voire dépasse, les standards de qualité élevés de la porcelaine impériale.
Par contre, il n'en serait certainement pas de même pour les techniques de décoration "modernes" que sont les transferts ou décalcomanies et autres utilisations de pochoirs ... Ces techniques de décor ( qui ne sont pas si "modernes" que çà, l'apparition de décors appliqués en décalcomanie datant, en Europe, de la première moitié du XIXème siècle ) étant la plupart du temps de qualité inférieure à ce qui se faisait avant leur utilisation.
Si le décor appliqué sur le contenant ne changera rien au goût du contenu, il est toujours utile de savoir si l'on ne vous vend pas du décor de grande série au prix du décor fait main ... et pour ceci, quelques "techniques" très simples permettent de faire rapidement la différence.
Pour bien comprendre quelles sont les porcelaines qui ne sont pas décorées manuellement, il faut d'abord comprendre comment s'effectue le décor manuel de celles-ci.
Techniques du décor manuel :
En premier lieu, il y a ce que j’appellerai le jeu des milles erreurs ...
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7 tasses d'époque Edo ... cherchez les différences |
Si on a la chance de pouvoir juxtaposer une série de pièces au décor identique de prime abord, on se rendra vite compte que des différences sont rapidement perceptibles, pour peu que l'on veuille bien y prêter un minimum d'attention : taille de tel ou tel détail, différence de placement, forme variable, élément manquant ou surnuméraire, ... . Tout cela traduit un décor peint à main levée, directement sur la pièce avant passage au four, que ce soit pour un décor sous couverte ou un décor sur couverte.
Si on a en main qu'une seule et même pièce qui répète sur plusieurs de ses côtés le même décor, on pourra, ici aussi, se prêter au même jeu ...
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Vase de fabrication contemporaine à décor entièrement fait à la main ... là encore, cherchez les "erreurs" |
Là encore, les mêmes différences, parfois quasi imperceptibles en fonction de la dextérité du peintre, peuvent donc se remarquer plus ou moins facilement.
Mais le plus souvent, le décor ne se répète pas et il n'est pas possible de comparer plusieurs pièces similaires. Dans ce cas, il est nécessaire d'essayer de repérer certains traits caractéristiques de la peinture à la main.
Il faut se concentrer sur les traits, leur régularité et plus encore sur leurs défauts, sur la présence d'erreurs dans le décor, sur des chevauchements de traits qui n’auraient pas dû se produire, sur des débordements d’aplats de couleurs hors des traits qui leur servent de cadre ... naturellement, plus la pièce est peinte à la va-vite, plus les erreurs sont nombreuses :
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On pose d'abord quelques lignes directrices foncées, puis le fond dans un bleu plus dilué, donc plus clair, pour ensuite tracer les traits complémentaires dans un bleu moins dilué et donc plus foncé ... le tout en évitant de frotter la pièce car les retouches sont presque irréalisables ... pas le droit à l'erreur donc si l'on fait un décor fin ... |
Ceci est donc moins valable pour les pièces réalisées avec un grand soin. Il faut alors se concentrer sur les différences de teintes. En effet, la couleur étant appliquée au pinceau, l'artiste ne peut réaliser le décor que touche par touche, ce qui se traduit par un certain dégradé dans la couleur des traits, le début d'un trait étant toujours plus foncé que sa terminaison :
On remarquera également des ruptures de continuité, le peintre "rechargeant" son pinceau de couleur pour pouvoir continuer un trait ou la main du même artiste ayant légèrement bougée pour s'adapter à la forme de son support. De la même manière, les aplats de couleurs ne pouvant être réalisés en une seule fois, on peut y observer des traits de pinceau.
Tout ceci permet désormais de saisir rapidement la différence avec les autres techniques d'application de décors.
Transfert, décalcomanie, pochoir, sérigraphie :
Les transferts ou décalcomanie sont un moyen simple et surtout rapide d'appliquer un décor. La principale caractéristique du transfert est de fournir un dessin d'une parfaite régularité, le-dit transfert étant produit par une imprimante ou par sérigraphie.
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Ligne parfaite et couleurs uniformes ... un certain manque d'âme ... |
Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi car les premiers transferts étaient faits à la main, donc ils étaient forcément plus ou moins irréguliers.
Ces derniers ont pourtant une caractéristique commune avec les transferts imprimés ou sérigraphiés, à savoir l'uniformité des aplats de couleur, dans lesquels aucun trait de pinceau n'est visible. Cela semble dû à une limitation technique ; en effet, la peinture manuelle ou mécanique est réalisée sur un support "papier" qui sert à transférer la couleur sur la pièce à décorer ce qui semble gommer les différences de teintes dans les aplats, la cuisson contribuant également à estomper les nuances.
Il faudra donc tenter de repérer les raccords dans le décor plus ou moins bien réalisé, les problèmes, pour les poseurs de décor, se rencontrant souvent sur les bords.
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Pile ... |
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... et face |
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Des déchirures ou des pliures peuvent aussi se produire lors de la pose des transferts, la pose de décalcomanie étant presque un art à part entière. Naturellement, plus la pièce est petite, fine ou de forme complexe, plus les accidents risquent d'être nombreux, et ce ne sont pas ceux qui ont réalisé quelques maquettes en plastique d'avions, de bateaux ou de blindés dans leur jeune âge qui me contrediront !
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Encore plus dures à poser que les cocardes de la Luftwaffe, les pivoines et les chrysanthèmes ... |
La sérigraphie, qui consiste à appliquer une toile ajourée sur la pièce à décorer pour pouvoir y poser la couleur, fonctionne donc sur le même principe que le pochoir, mais est une technique plus "fine" et qui permet plus de régularité en général. La pose d'un décor grâce à la sérigraphie peut être décelée par l'utilisation d'une loupe, car la toile laisse de fines marques de treillis et les bords sont généralement moins nets qu'un décor de transferts imprimés, marqués par un phénomène ressemblant à des dents de scie, la loupe révélant de fines hachures en zigzag dues à la trame textile.
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Décor appliqué par sérigraphie sur une porcelaine japonaise |
Le pochoir est une technique relativement simple à mettre en œuvre et qui est certainement la moins onéreuse à mettre en pratique là où le coût de la main-d’œuvre est peu élevé, car une fois le pochoir réalisé, il peut être utilisé à l'infini et la pose d'un décor au pochoir est d'une exécution plus rapide que la pose d'un décor en décalcomanie. On remarquera cependant souvent des zones de raccords, plus nombreux car les pochoirs sont plus "rigides" que la toile utilisée en sérigraphie.
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En général, quand il faut faire vite, on ne peut faire vraiment bien ... |
Cette relative rigidité du pochoir entraine également des bavures de couleur, lors de l'application de celle-ci ou lors du retrait pas assez rapide du pochoir.
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Deux traits pour le prix d'un ... |
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Chaque trait est ici réalisé à main levée sur cette porcelaine |
Mais le plus souvent, ce sont toute une combinaison de ces techniques qui sont utilisées, et cela même dans les porcelaines de très grande série.
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Chauve-souris et décor stylisé faits au pochoir, lignes tracées à la main avec l'aide d'un "tour de potier", dragon chassant la perle sacrée en décalcomanie |
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Décor stylisé fait au pochoir, ligne faite à la main avec l'aide d'un "tour de potier", marque de fabrication et sinogrammes en décalcomanie |
On l'aura compris, le
décor des plus belles pièces, ainsi
que des plus onéreuses et des plus anciennes, est normalement totalement réalisé à main levée, et la mention d'un décor réalisé à la main lorsqu'un transfert ( même réalisé manuellement ) est utilisé est, à mon sens, un abus de langage et relève presque de la malhonnêteté intellectuelle, jouant sur le fait que la clientèle de tels ouvrages n'est souvent pas capable de déceler la différence et croit de bonne foi acheter un décor fait à main levée.